Dans un récit que le site américain Jezebel a qualifié de «pire article jamais paru dans Vogue», une mère new-yorkaise raconte le régime draconien qu'elle a fait subir à sa fillette.

À 40 kg pour 1 m30, la petite Bea, 7 ans, faisait partie des 17% d'enfants américains obèses, au grand désarroi de sa maman mondaine. Préoccupée par la santé de sa fille et la sachant la proie des moqueries des autres écoliers, Dara-Lynn Weiss a pris le taureau par les cornes: elle a imposé à Bea une diète inspirée des principes de Weight Watchers.

Privée de nourriture au moindre écart, en sevrage de cupcakes, de pizzas et de friandises, la petite a vécu une année de disette qui l'a fait fondre de sept kilos (pendant ce temps, elle a aussi grandi de 5 cm). Dans le Vogue américain d'avril (présentement en kiosque), Bea expose le fruit de ses efforts et pose en mini-jupes aux côtés de sa mère glamour.

Détail plutôt troublant de cette histoire: la maman de Bea, dans son témoignage, confie entretenir depuis 30 ans une piètre image corporelle.

«Je n'ai jamais rien avalé, ni regardé aucun menu (...) sans me lancer dans un savant algorithme pour savoir dans quelle mesure cela affecterait mon poids», écrit la dame, dans un élan de franchise qui l'honore (un peu).

Évidemment, cette «maman minceur» a reçu une kyrielle d'injures, les plus modérées l'accusant de créer un désordre alimentaire et les plus enflammées, d'humilier publiquement sa fille. Chose certaine, Dara-Lynn Weiss a mis en lumière un sujet tabou et soulevé les passions. Tellement que la maison d'édition Random House l'a contactée pour écrire un livre sur sa lutte contre les rondeurs de sa fille...

La petite Bea, dont le corps est enfin conforme aux aspirations de sa maman, grandit (et maigrit) dans un monde de paradoxes alimentaires.

Prise entre l'arbre et l'écorce, c'est le cas de le dire. Un jour, Bea a été privée de souper quand Maman Dara-Lynn a su que toute la classe avait eu droit à un repas de brie, filet mignon, baguette et chocolat, pour souligner une journée où la culture française était à l'honneur...

Tout ça est complexe et un peu pernicieux. À l'instar de Dara-Lynn Weiss, notre société associe minceur avec santé (et beauté). En même temps, la bouffe n'a jamais été aussi célébrée, glorifiée, photographiée, si bien que le contenu de notre assiette est désormais un aspect important de notre identité. Pour chaque adepte de Weight Watchers, Jenny Craig ou de régime détox, il existe un épicurien-gourmand-gastronome amateur prêt à partager une photo de son dernier repas sur Facebook. Si les cupcakes roses sont admis dans le club de princesses des petites, donc, c'est pour être photographiés, surtout pas mangés...

Crudivore, végétarien, flexitarien, foodie, sans lactose ou gluten... Notre spécificité alimentaire semble être devenue aussi importante que notre groupe sanguin.

Vogue (qui récemment, a fait preuve d'audace en faisant sa une avec une photo d'Adele), publiera-t-elle un jour le récit d'une mère qui a aidé sa petite à s'accepter telle qu'elle est et faire fi des moqueries désobligeantes sur son poids? On peut toujours rêver...