Le désir fluctue durant la grossesse et après. Rester en contact avec sa sexualité aide toutefois le couple et la stimulation sexuelle aiderait même à l'accouchement.

Sexe, grossesse et accouchement 



L'intimité est l'aspect de la vie de couple le plus bousculé par l'arrivée d'un bébé. L'enfant s'immisce entre ses parents dès les premiers mois de gestation, période marquée par une grande fatigue chez la mère. Parler de sexe et de grossesse, c'est toutefois bien plus complexe que de dire à Madame de ne pas se sentir coupable et à Monsieur de se faire un noeud dedans en attendant des jours meilleurs.

Viola Polomeno, professeure à la Faculté des sciences de la santé de l'Université d'Ottawa, s'intéresse depuis des décennies à la vie sexuelle des couples en attente d'un enfant. Hommes inquiets de blesser leur bébé s'il y a pénétration, femmes enceintes adultères, masturbation pendant l'accouchement pour gérer la douleur, elle a tout vu, tout entendu. Et elle en parle sans tabou.

Lever le voile sur la sexualité périnatale lui paraît essentiel : ses observations l'incitent en effet à faire le lien entre les taux de séparation et de divorce après la naissance d'un enfant et la transformation radicale de l'intimité du couple. Cette période de transition peut en effet «mettre en péril la cohésion entre les conjoints», selon elle.

Grossesse et adultère

Le désir de la femme fluctue durant la grossesse. Si les nausées et la fatigue ont raison du désir durant le premier trimestre, la période qui s'étend du quatrième au sixième mois est souvent plus propice à la sexualité. «Il y a des femmes qui ont même une forte libido durant cette période-là», dit Viola Polomeno.

Que font ces messieurs? Plusieurs s'en réjouissent. D'autres, par contre, subissent une baisse de libido, car «ils n'ont plus l'impression de faire l'amour avec leur femme, mais avec une mère». Ce conflit dans la perception de l'autre peut créer des tensions au sein du couple et ouvrir la voie à ce que les spécialistes appellent «la crise du cinquième mois».

C'est en effet durant cette période que le risque d'infidélité est le plus élevé. Tant chez l'homme que la femme: lui peut souffrir de ne plus désirer sa partenaire ou ne plus se sentir désiré par elle, alors qu'une femme qui a une forte libido peut être tentée de combler ses besoins ailleurs si son partenaire ne la touche plus. «Ce sont des choses qu'on voit», assure Mme Polomeno, qui ajoute que certains hommes lui ont même avoué «ne plus être capables de fournir» pour satisfaire leur compagne...

Quelques hommes (environ 2%) peuvent aussi avoir des problèmes d'érection ou d'éjaculation précoce. D'autres craignent de blesser le bébé ou de se sentir «observés» par lui s'il y a pénétration vaginale. Les recherches de Mme Polomeno l'ont par ailleurs incitée à conclure que «les hommes sont beaucoup plus compréhensifs des changements sexuels qui surviennent chez la femme que l'inverse», dit-elle.

Se masturber en accouchant

Plusieurs couples savent que d'avoir des relations sexuelles en fin de grossesse peut contribuer à ramollir le col de l'utérus et à déclencher le travail - en raison de l'action des prostaglandines contenues dans le sperme. Ce qui ne manque pas d'étonner, cependant, c'est que les baisers mouillés, les caresses (les seins, notamment) et la masturbation peuvent avoir un effet positif au moment de l'accouchement.

«Ce sont toutes des choses qu'on sort du placard!», lance la chercheuse, qui est bien consciente que d'associer accouchement et sexualité est un tabou.

L'idée se propage aussi au Québec et est discutée «plus ou moins ouvertement» dans des échanges entre sages-femmes et accompagnantes à la naissance, selon Marie Jeanne Leblanc-Bastien, elle-même accompagnante depuis quatre ans. «Il y a un lien à faire entre les relations sexuelles et l'accouchement, ce sont les mêmes hormones qui entrent en jeu», fait-elle valoir, parlant de l'ocytocine et des endorphines.

«Je sais que c'est encore tabou, mais selon mon expérience personnelle, les gens sont de plus en plus ouverts», dit encore l'accompagnante. Elle-même n'aborde ce sujet que lorsqu'elle pressent une ouverture d'esprit chez le couple qu'elle accompagne. «J'aborde l'aspect technique du geste, je le sors de son contexte érotique, précise-t-elle, je donne des informations physiologiques.»

Quand elle est présentée sous cet angle, certaines femmes envisagent cette possibilité. «Pas pour se donner du plaisir, mais comme un autre outil pour gérer la douleur et supporter le corps», spécifie Marie Jeanne Leblanc-Bastien. Comme Viola Polomeno, l'accompagnante juge plus facile d'utiliser cette technique lors d'un accouchement à la maison ou en maison de naissance, mais elle rappelle à ses clientes qu'elles peuvent aussi le faire à l'hôpital lorsqu'elles vont aux toilettes ou au bain.

Accoucher seule et sans douleur?

Dans une vidéo sur YouTube, une femme du nom de Camille Farge raconte comment la masturbation l'a soulagée lorsqu'elle a dû accoucher seule.

Retrouver le plaisir

Raymond Villeneuve, du Regroupement pour la valorisation de la paternité, raconte que les hommes ouvraient grand les oreilles lorsqu'il évoquait le retour de la sexualité après l'accouchement du temps où il participait à des cours prénataux. Ils voulaient évidemment savoir quand ils retrouveraient une vie sexuelle dite normale.

Se faire répondre qu'ils sont chanceux si ça revient au bout d'un mois n'était probablement pas la réponse qu'ils espéraient. Or, ce délai est très court, du point de vue de Viola Polomeno, qui évoque plutôt un délai de six à huit semaines. «C'est sûr que c'est moins spontané qu'avant la grossesse», ajoute-t-elle.

Retrouver une sexualité épanouie après l'accouchement n'est pas toujours simple. En plus de la fatigue, tant la femme que son compagnon peuvent craindre la douleur provoquée par le coït.

«La femme peut se vérifier, se faire de petits massages et monsieur peut continuer», expose la professeure.

Les relations sexuelles peuvent aussi causer des surprises aux femmes qui allaitent: l'orgasme peut en effet provoquer une montée de lait. «Pour certains couples, ça pourra faire partie des jeux sexuels», dit Viola Polomeno. Pour d'autres, les seins ne font tout simplement plus partie des zones érogènes. Toutes ces réactions sont normales, insiste-t-elle.

L'important, durant cette période qui transforme les amants en parents, c'est la communication dans le couple, selon la chercheuse. Et de ne pas mettre la sexualité en veilleuse. «Il est important pour le couple de reconnecter sexuellement rapidement après l'accouchement, dit Viola Polomeno, faisant écho à une étude américaine. Même s'il n'y a pas de coït, mais que le couple continue à se toucher, à s'embrasser, c'est une dimension importante de la sexualité.»