Les petites mains de Dominik se perdent presque dans les grandes mains de sa compagne Andrea, qui était autrefois un homme: avant de tomber amoureux il y a deux ans, Dominik et Andrea avaient pris la difficile décision de changer de sexe.

Mais l'histoire de ce couple de transsexuels a pris un tour encore plus singulier quand, Radim, le fils de Dominik qu'il avait eu il y a 25 ans alors qu'il était encore une femme, a décidé à son tour de changer de sexe pour devenir Viktoria.

«Il n'y a, je pense, qu'un seul cas décrit d'un parent et d'un enfant (transsexuels dans le monde)», affirme à l'AFP le sexologue tchèque Petr Weiss.

«Il y a certainement des dispositions innées pour la transsexualité, mais nous ignorons si elles sont d'ordre génétique», ajoute-t-il.

Originaires du nord-est de la République tchèque, Dominik Sejda et Andrea Kajzarova, âgés respectivement de 45 et 32 ans, travaillent comme aides-ambulanciers. Ils se sont rencontrés via un site internet au moment où Andrea était en train de changer de sexe.

«Lorsque nous nous sommes rencontrés (...) elle avait déjà un nom neutre et elle ressemblait plutôt à une femme», raconte Dominik, ex-Ilona Tomeckova, en sirotant une bière dans une brasserie de Prague.

Dominik a quitté son ancienne famille il y a 20 ans. Ce n'est qu'après la chute du communisme dans l'ex-Tchécoslovaquie qu'il a appris la possibilité de devenir un homme.

«C'était tabou sous le communisme. On me disait alors que j'étais un hermaphrodite ou une folle, qui allait finir dans un hôpital psychiatrique», se rappelle-t-il.

«Et puis, j'ai trouvé une petite amie à mon ex-mari et j'ai tout laissé derrière moi. Pendant deux années, j'ai certes pleuré secrètement pour mon fils, mais ensuite j'ai déménagé à Prague pour commencer un traitement hormonal», poursuit-il.

Son installation dans la capitale tchèque a été pour lui comme une bouffée d'air frais, après la vie dans la ville provinciale d'Ostrava.

«Les gens à Prague sont plus tolérants, il y a des tas d'homosexuels et de lesbiennes, ainsi que des boîtes de nuit du genre», dit de son côté Andrea, ex-Tomas Kajzar.

«J'ai pris des hormones à 26 ans. Mais comme j'étais plutôt masculine, je n'ai jamais cru que je pourrais devenir une femme authentique», confie cette personne aujourd'hui très féminine, à l'exception de ses grandes mains.

«Ma famille ne l'a jamais accepté. Ils sont croyants et y voient un péché», constate-t-elle, non sans trace de regret.

Dominik, lui, ne regrette ni le coût, ni les douleurs liées à sa transformation.

«Pourquoi devrais-je regretter? C'était un soulagement», assure-t-il.

Après avoir rencontré Andrea, Dominik a décidé de renouer avec son ancienne famille. C'est alors qu'il a appris que son fils, Radim, était devenu une fille, Viktoria.

«Elle ressemble bien à une femme (...), mais elle n'a pas encore une idée claire sur sa sexualité. Elle croit être lesbienne», commente Dominik.

Interrogée récemment par la chaîne publique Ceska Televize, Viktoria ex-Radim a estimé que son besoin de changer de sexe était d'origine génétique.

La sexologue tchèque Hana Fifkova estime aussi que l'origine de la transsexualité est probablement génétique.

Dominik assure que son propre père, qui était «cultivé et efféminé», aurait également changé de sexe si une telle chose avait été possible sous le communisme.

Et il ajoute que sa petite fille, celle de Radim avant qu'il ne devienne Viktoria, pourrait également un jour changer de sexe.

«Quand elle s'est vue offrir à l'école maternelle un tablier pour fille, elle a résolument exigé un pantalon. J'avais fait exactement la même chose il y a 40 ans», dit Dominik.