L'arrivée des médias sociaux dans la sphère mode a transformé notre façon de suivre les défilés, jadis difficiles d'accès. Au dernier marathon des Semaines de mode, qui s'est terminé à Paris, mercredi dernier, quiconque ne transmettait pas de commentaires en temps réel sur le web ou ne prenait pas de photos à l'aide de son téléphone intelligent était relégué au rang de dinosaures. Twitter, le nouveau joujou des journalistes de mode?

Milan, février 2012. Dans la salle où se tient la présentation de la collection automne-hiver 2012-2013 de Prada, les journalistes twittent frénétiquement. Cette même «tweetomanie» s'est poursuivie avant, pendant et après tous les autres défilés.

Vedettes, fashionistas au style extravagant, décor des salles, potins, tendances, impressions, couleurs de l'heure... Il n'y a plus aucun secret sur la Toile. Les plateformes de microblogues abolissent les notions de temps et de distance.

Certes, il y a des maisons qui transmettent leur défilé en direct sur le Net. Sans compter les grands magazines de mode qui diffusent des images des collections de mode sur Twitter. Mais les messages (de 140 caractères ou moins) des rédacteurs microblogueurs permettent d'obtenir leurs coups de coeur, leurs trouvailles et leurs réactions à chaud. Le microtexte serait-il devenu un nouveau réflexe mode?

«Avec Twitter, les gens savent que je me trouve actuellement à Milan et me demandent, entre autres, quel est mon défilé préféré. Ce réseau est un excellent groupe de discussion, admet Lisa Tant, rédactrice en chef du magazine de mode torontois Flare. Ils ont la sensation de m'accompagner et, surtout, ils n'ont pas à attendre pour obtenir des nouvelles. C'est instantané», dit celle qui a cessé de bloguer, une activité trop accaparante, selon elle, et dont le compte Twitter est suivi par plus de 15 000 abonnés.

Pendant notre conversation, Lisa Tant trouve quelques secondes pour twitter sur l'arrivée d'une ancienne top-modèle et poursuit: «Microbloguer est maintenant un réflexe et me permet de communiquer avec mes lecteurs.»

«Twitter constitue un outil de fidélisation et de promotion pour les blogueurs et les journalistes, car il permet de diriger les lecteurs vers un blogue, un magazine ou un journal. Ça fidélise le lectorat», fait remarquer Ying Gao, designer et professeure à l'École supérieure de mode de Montréal (UQAM). Toutefois, selon cette dernière, la plateforme de microblogues procure seulement une impression d'accéder au monde inaccessible de la mode. «Paradoxalement, sur Twitter, vous êtes un simple suiveur ou un abonné («follower»), qui demeure en réalité à l'extérieur de l'événement, note Mme Gao. Personnellement, je trouve que Twitter devient de plus en plus un fourre-tout où il importe de garder un esprit critique pour faire le tri.»

De son côté, Denis Desro, rédacteur en chef mode du magazine ELLE Québec (et ELLE Canada), se distingue sur le réseau par des microblogues fréquemment rehaussés de photos.

«Twitter ne sert pas seulement à exprimer des émotions ou des commentaires, mais permet de bâtir un univers personnel et, pour ma part, j'aime twitter des photos avant, pendant et après les défilés ou les séances de photos, affirme-t-il. Surtout, mes micromessages sont strictement professionnels sans être dépourvus de sentiments. Je le fais quand j'ai vraiment quelque chose à dire et je sais qu'il suffit de quelques instants pour qu'un tweet soit oublié.»

Noreen Flanagan, rédactrice en chef du ELLE Canada, admet avoir mis un peu de temps avant de s'adonner au microblogage. «C'est peut-être une drogue pour les personnes narcissiques, mais pour une introvertie comme moi, ça a été difficile, confie-t-elle. Néanmoins, il fallait que je le fasse pour participer à la conversation et, tout compte fait, je m'amuse beaucoup. Twitter est rapide et offre la possibilité d'émettre des remarques pleines d'esprit.» N'empêche, les sources fiables et officielles auront toujours leur place.

«Parallèlement, les blogues restent un véhicule pertinent qui permet d'écrire des textes plus approfondis», ajoute Sarah Casselman, rédactrice de mode, au magazine torontois Fashion.