Le Musée national des beaux-arts du Québec présente depuis hier Haute couture. Paris, Londres, 1947-1957. L'âge d'or. Cette très élégante exposition est le fruit d'une relation développée sur plusieurs années avec le Victoria and Albert Museum (V&A) de Londres. Passionnés des costumes de la télésérie Madmen, grands-mamans nostalgiques et autres amateurs de mode et de choses bien faites, ne ratez pas cette exposition.

Les années 1947 et 1957 auxquelles le titre de l'exposition fait référence correspondent respectivement à l'ouverture de la maison Christian Dior et au décès du grand couturier. Pendant cette décennie, la haute couture vit son apogée à Paris. Londres n'est pas en reste. On sent néanmoins que la présence des couturiers anglais dans l'exposition tient surtout du désir du V&A de faire valoir ce qui se faisait en Grande-Bretagne à cette époque.

 

La Seconde Guerre mondiale avait mis l'industrie du textile à son service. La haute couture en a évidemment beaucoup souffert. Entre 1945 et 1946, les grands couturiers parisiens créent le Théâtre de la mode, dans lequel 237 poupées élégamment vêtues évoluent dans des décors signés par de grands artistes comme Jean Cocteau et Christian Bérard.

Ces mannequins miniatures font une tournée de l'Europe et des États-Unis, célébrant la beauté qui réussit à survivre dans un monde dévasté. Ils recueillent des fonds pour venir en aide aux victimes de la guerre tout en faisant la promotion de la mode.

 

En 1947, Christian Dior met fin aux années de privation et d'austérité en proposant le new look, expression qui est inventée par la rédactrice en chef du Harper's Bazaar américain, Carmel Snow. Le new look est caractérisé par des formes amples, qui nécessitent l'utilisation de mètres et de mètres de tissus. Il s'agit d'un style corseté, dont les jupes sont souvent en corolle, larges et évasées. Malgré le choc initial, la haute société ne tarde pas à l'adopter.Outre de nombreuses créations du maître Dior, l'exposition présente aussi des créations d'Hubert de Givenchy, de Jean Dessès et de Pierre Balmain, entre autres. On n'y voit qu'une seule robe de cocktail signée Coco Chanel, peut-être parce que celle-ci n'a rouvert sa maison qu'en 1954, après un long et mystérieux exil en Suisse. La collection du retour, qui s'inscrit à contre-courant du style de Christian Dior, avec des robes près du corps, sera d'ailleurs très mal accueillie.

Balenciaga est pour sa part bien représenté, même si on aurait aimé voir encore plus de créations signées par ce grand architecte de la mode d'origine espagnole. La plupart de ses robes et manteaux aux lignes très pures seraient encore tout à faire portables aujourd'hui.

Photo: fournie par le V&A. Londres

Robe du soir de Pierre Balmain, vers 1950.

L'éveil de LondresParallèlement à cet âge d'or de la haute couture parisienne, Londres voit enfin la couture sortir de la cour. De plus en plus de couturiers ouvrent leur maison, comme Hardy Amies, John Cavanagh et Michael Donéllan. Mais la capitale anglaise, surtout reconnue pour son tailoring extraordinaire, prend plus de temps à se remettre de la guerre, notamment parce que le rationnement est maintenu jusqu'en 1949.

La couture londonienne n'est pas non plus réglementée comme la haute couture parisienne. Il faut savoir qu'encore aujourd'hui, l'expression «haute couture» est une appellation juridiquement protégée dont ne peuvent se prévaloir que les entreprises figurant sur une liste établie chaque année par la Chambre syndicale de la haute couture, créée en 1868.

Elle désigne des créations sur mesure d'une très grande qualité... et faites à Paris. Par la présence de couturiers anglais, l'utilisation du terme haute couture dans le titre représente donc un léger accroc à la règle, mais on comprendra que le Musée ait voulu simplifier les choses.

Photo: fournie par le V&A Londres

Ensemble du soir Zémire, de la collection automne-hiver 1954-1955 de Christian Dior.

L'exposition se déploie dans trois grandes salles dont l'éclairage est plutôt tamisé, pour ne pas abîmer les tissus. La plupart des tenues sont présentées dans des vitrines qui les protègent de tous les côtés. Elles sont portées par des mannequins conçus sur mesure pour chacune d'entre elles, puisqu'elles ont toutes été portées par des corps différents. La logistique du transport de ces pièces très fragiles est d'ailleurs d'une complexité inimaginable.Dans la première salle, on voit surtout des tenues de jour, des robes, des tailleurs, des accessoires et des sous-vêtements, tant français qu'anglais. La deuxième salle est entièrement occupée par une grande vitrine évoquant la passerelle de défilé de mode. On y trouve surtout des robes de cocktail noires, portées lors des «5 à 7» du beau monde. La troisième salle fera rêver les princesses dans l'âme. Elle est remplie de robes du soir et de robes de bal dignes des plus grandes aristocrates et des plus belles stars d'Hollywood.

Ceux et celles qui souhaitent en savoir plus sur la période couverte par l'exposition voudront se procurer le superbe catalogue réalisé par le V&A. Le MNBA offre en prime une excellente traduction française des essais du catalogue.

Haute couture. Paris, Londres, 1947-1957. L'âge d'or est présentée au Musée national des beaux-arts du Québec jusqu'au 25 avril. Plusieurs activités sont offertes en parallèle de l'exposition, dont des ateliers pour enfants. On consulte le site mnba.qc.ca pour en savoir plus.

Photo: fournie par le V&A. Londres

Robe d'après-midi du couturier Jean Dessès, habillée et créée pour la princesse Margaret vers 1951.