Une culotte de boxeur pèse 0,4 lb. Du moins, celle de Michael Eifert aux couleurs des North Stars du Minnesota.

L’Allemand de 24 ans a dû la laisser tomber pour respecter à l’once près la limite de 175 lb lors de la pesée en vue de son combat contre Jean Pascal, en fin d’après-midi, mercredi, à Laval.

Sous les applaudissements de son imposant entourage, Pascal a fait grimper l’aiguille à 174,8 lb, apparemment sans grand effort puisqu’il était déjà descendu à 182 lb à son retour au Québec de Miami, 10 jours plus tôt. Pour un athlète de 40 ans, cela mérite d’être souligné.

Les deux mi-lourds, qui s’affronteront ce jeudi soir sur le ring de la Place Bell, avec à l’enjeu un duel de championnat du monde de l’IBF, se sont ensuite prêtés au traditionnel face-à-face.

Frondeur, le Québécois a soutenu le regard de son vis-à-vis jusqu’à ce que celui-ci tourne les yeux vers les caméras. A suivi une petite démonstration de culturisme où chacun a pu montrer la définition de ses abdominaux. Les deux se sont ensuite serré la main.

Contrairement à ce qu’il avait laissé entendre en conférence de presse lundi, Pascal n’a pas versé dans l’intimidation, ou si peu.

« Si on me provoque, je vais réagir, a précisé l’ex-champion mondial quelques minutes plus tard. Il a essayé de garder son regard très solide vers moi. Je l’ai brisé à la fin parce que c’est lui qui s’est retourné le premier. »

Un détail futile ? Pas aux yeux de l’entraîneur Orlando Cuellar, selon qui son protégé a parfaitement joué le jeu.

Lundi, Pascal n’a pas vraiment planté ses yeux dans ceux d’Eifert. « Il était presque gêné, soumis, mais c’était très subtil », a relevé l’homme de coin de Miami après avoir approuvé le choix des gants.

« Aujourd’hui, à la pesée, son regard était 100 % différent. Pascal a regardé à travers lui et n’a jamais détaché ses yeux. Eifert a ensuite dû se tourner. Aux États-Unis, on appelle ça briser le regard. »

Prédiction

Pascal s’était livré au même manège à son affrontement précédent contre le Chinois Fanlong Meng, son premier sous la gouverne de Cuellar : moelleux à la conférence de presse, hardi à la pesée.

« Ça fait partie de l’intimidation, c’est une façon de montrer qu’on est sans peur et déterminé, a indiqué Cuellar. Ça signifie aussi : je suis prêt pour toi, prêt pour ça. C’est une partie importante. Tu peux perdre un combat durant un face-à-face. »

PHOTO FOURNIE PAR GYM

Michael Eifert et Jean Pascal

Contre l’invaincu Fanlong Meng, Pascal (36-6-1, 20 K.-O.) avait mis 10 rounds avant de se débarrasser de la rouille de deux années et demie d’inactivité consécutives à un test antidopage positif. Le Lavallois avait néanmoins réussi à finir en force pour remporter les deux derniers assauts et obtenir la faveur des juges aux points.

« Fanlong Meng était plus gros, probablement plus fort, plus expérimenté, avec des antécédents olympiques, a rappelé le coach. Il était trrrès différent [d’Eifert]. Et on a fait ça avec une pause de 31 mois. »

Cuellar assure néanmoins que l’Allemand de 24 ans, avec sa fiche de 11-1, 4 K.-O. n’est pas pris à la légère.

« Je ne peux pas te dire ce qu’Eifert amènera sur le ring [jeudi] soir parce qu’on ne le sait pas. On ne sait pas à quel point il est affamé et déterminé. Ce n’est pas parce qu’il n’est pas aussi expérimenté que Fanlong Meng qu’il n’est pas aussi affamé. Je suis persuadé qu’ils se sont entraînés aussi fort que possible et qu’ils s’attendent à l’emporter. Je prévois toute une bagarre. »

Pascal a réitéré sa prédiction selon laquelle il passerait le K.-O. à son adversaire, refusant cependant de préciser le round où il y parviendrait.

« C’est très audacieux de faire une prédiction comme ça, mais honnêtement, Pascal peut le faire, a commenté Cuellar. Il a les outils pour y arriver. Je dirai même que je suis prêt à parier que Pascal va l’arrêter. »

« Je donne toujours mon 2000 % »

Jean Pascal a admis que la dernière semaine avait été plus « compliquée » que souhaité, avec une audience lundi pour montrer son plus beau profil à la Régie des alcools, des courses et des jeux. Son arrestation le 25 novembre pour refus de souffler dans l’ivressomètre avait fait sourciller les commissaires. Il a finalement obtenu son permis de boxeur quelques minutes avant la pesée.

« Aucun stress parce qu’avec moi, on essaie toujours de compliquer les choses, de rendre les choses toujours un peu plus difficiles, a affirmé le pugiliste qui a grandi dans les quartiers Saint-François et Laval-des-Rapides. Je suis prêt pour le combat. Qu’il y ait 500 ou 10 000 personnes, je vais offrir la même performance aux amateurs qui vont se déplacer. Je donne toujours mon 2000 % sur le ring. »

À ce sujet, le copromoteur Yvon Michel a continué de se réjouir de la réponse des partisans cette semaine, assurant que plus de 3000 billets avaient trouvé preneur.

Pour la défense de ceinture de Kim Clavel, en janvier, quelque 4200 spectateurs avaient franchi les tourniquets, mais l’aiguille était restée au point mort dans les 24 heures précédentes en raison d’une tempête de neige. « En règle générale, 20 % des ventes se font la dernière journée », a noté l’homme d’affaires.

Pendant que La Cage, où se tenait la pesée, se vidait tranquillement, Jean Pascal engloutissait de petits fruits frais avant de caler une boisson de sucre et d’électrolytes. « Ça permet de mieux absorber le liquide », a-t-il précisé sous les yeux d’Angel, sa fille au début de la vingtaine.

Voilà une autre source de motivation, si besoin était, de l’emporter ce jeudi soir. Et ne lui demandez pas si une défaite signifierait la fin de sa carrière, il ne comprendra pas la question.

« Il va amener le petit gars à l’école »

Stéphan Larouche, qui a entraîné Jean Pascal pendant quelques années, ne voit pas comment son ancien protégé pourrait s’incliner devant Eifert.

« Jean a beaucoup trop d’expérience, a-t-il stipulé. Il va amener le petit gars à l’école. Le petit gars va trouver que c’est rough. Jean a tout vu dans un ring. Il va être intimidant, fort physiquement, confiant, en bonne condition physique. Le petit gars a un style très, très amateur, pas très élaboré, sans grand raffinement. C’est seulement un chasseur de têtes. Jean a un coffre plein d’outils pour battre ce genre de gars là. »

Larouche sera pour sa part dans le coin de Mathieu Germain (21-2-1, 9 K.-O.), de Mascouche, qui part à la conquête de la ceinture intercontinentale des super-légers de l’IBF contre l’Ontarien Steven Wilcox (24-3-1, 7 K.-O.), issu d’une célèbre famille de pugilistes de Hamilton. « Il est mean et il est prêt », a assuré l’entraîneur dont le poulain a vu quatre dates potentielles être annulées depuis l’automne. « On ne pouvait attendre plus longtemps. »

Simon Drouin, La Presse