« Il ne faut jamais juger un livre par sa couverture… » Parole de Jean Pascal, il ne se laissera pas endormir par la fiche relativement modeste (11-1, 4 K.-O.) et la faible renommée de son futur opposant, Michael Eifert.

Né le 30 décembre 1997, huit ans avant les débuts professionnels de Pascal, l’Allemand de 25 ans assure ne nourrir aucun complexe en vue de son affrontement de jeudi soir à la Place Bell de Laval, son premier à l’extérieur de l’Europe.

Le Québécois a promis de lui passer le K.-O., une projection qui laisse de glace le principal intéressé.

« Je ne veux pas parler de choses comme ça », a réagi Eifert par l’entremise de son entraîneur adjoint, en conférence de presse lundi après-midi à Laval.

« Je suis venu ici pour gagner et je sais que je vais y arriver. J’ai travaillé pour ça toute ma vie et c’est tout ce qui compte. Je ne ferai pas de prédiction, sinon que je vais l’emporter. »

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Michael Eifert

Originaire de Magdebourg, capitale du land de Saxe-Anhalt, dans l’est de l’Allemagne, Eifert a fait ses débuts professionnels en 2018 à l’âge de 20 ans. Deux ans plus tard, il a subi sa seule défaite à son septième affrontement face à son compatriote Tom Dzemski, alors invaincu. Il a vengé cet échec un an plus tard en l’emportant par décision partagée. Il a mis la main sur les ceintures mondiales jeunesse des mi-lourds de l’IBF et du WBC (moins de 24 ans), ce qui s’ajoutait au titre de la WBO qu’il détenait déjà.

Sacré champion allemand en 2021, Eifert s’est propulsé au cinquième rang de la liste des aspirants de l’IBF en vertu d’une victoire par décision unanime contre l’invaincu Italien Adriano Sperandio, ce qui lui a valu la ceinture intercontinentale de l’IBF, deuxième rang de l’organisation en matière de prestige. Largement défensif, le face-à-face ne passera pas à l’histoire.

Le vainqueur du duel contre Pascal (36-6-1, 20 K.-O.) deviendra aspirant obligatoire à la couronne mondiale de l’IBF actuellement propriété du Montréalais Artur Beterbiev.

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Jean Pascal

Eifert a obtenu le « combat de [sa] vie » après le désistement du Britannique Joshua Buatsi, qui figurait alors à la troisième place du classement de l’IBF.

Malgré le profil beaucoup plus garni de Pascal, le promoteur Yvon Michel n’est pas prêt à lui donner un avantage net jeudi. « Il faut faire attention, a-t-il prévenu. On ne connaît pas si bien Eifert. »

Comme Pascal, le PDG du Groupe Gym décrit l’Allemand comme un « boxeur classique » qui aime s’appuyer sur sa jambe arrière.

« Comme la plupart des boxeurs européens, il aime placer le jab et utiliser sa main droite, a exposé Yvon Michel. Ce n’est pas un jab punitif, comme on le voit davantage en Amérique du Nord. Il est vraiment axé sur la main arrière. Le jab sert à plus à sentir, garder et contrôler la distance entre lui et l’adversaire. »

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Jean Pascal, Lou DiBella, Yvon Michel et Michael Eifert

Le promoteur s’attend à un début de match compliqué pour le favori local de 40 ans.

« Je pense que l’expérience de Jean va faire la différence, mais dans les premiers rounds, ça va être difficile pour lui. Eifert est jeune, vigoureux, dynamique et il a confiance en lui. J’en ai parlé à Jean et à son entraîneur quand je suis allé les voir à Miami. Ils en sont conscients : la première partie du combat va être difficile. [Il faudra] passer à travers ça et l’amener dans des eaux où le gars n’a jamais été. »

Contrairement à son coach floridien Orlando Cuellar, qui espère une « bagarre de rue », Pascal s’attend à un autre scénario avec ce « boxeur technique ». « Ça va être à moi à l’amener dans les profondeurs des eaux pour pouvoir le noyer », a-t-il glissé en écho à Yvon Michel.

Surnommé le « Diesel », Michael Eifert ne voit pas son moteur étouffer même s’il s’aventure pour la première fois dans un engagement prévu pour 12 assauts. « J’ai toujours eu une bonne endurance et ce n’est pas un problème pour moi de faire 10 ou 12 rounds, a assuré le pugiliste en entrevue. Je me suis préparé en conséquence et je n’y vois aucun problème. »

Selon son entraîneur Ali Celik, Eifert a effectué plus de 120 rondes de combat simulé durant son stage qui s’est déroulé dans la forêt bavaroise et son port d’attache de Magdebourg. Il a entre autres mis les gants contre l’Italien Giovanni De Carolis, ex-monarque mondial des super-moyens.

Arrivé le premier à la conférence de presse, Eifert a jeté un œil à son prochain adversaire quand il est entré dans le restaurant une quinzaine de minutes plus tard.

Je n’ai pas passé trop de temps à l’observer et à savoir s’il me regardait. Je me concentre sur moi et moi seul. Le reste ne m’importe pas.

Michael Eifert

L’athlète de 5 pi 11 po et demi, soit un pouce de plus que le Québécois, affirme s’attendre à tout, incluant des coups déloyaux.

« Je me suis préparé à toute éventualité. Je sais que Pascal aime faire des choses inhabituelles, comme sauter vers son rival et des trucs comme ça. Je suis prêt à tout ça et je planifie dicter l’allure du combat. »

Eifert, qui met le pied au Canada pour la première fois, a une idole : Artur Beterbiev, le Russe d’origine aux 18 K.-O. consécutifs.

« Je suis très intéressé par tous les boxeurs russes. Mes modèles sont Beterbiev, Sergei Kovalev et Dmitrii Bivol. »

Jean Pascal a eu la chance de se mesurer aux deux derniers, s’inclinant chaque fois, avec notamment deux revers contre Kovalev.

Maintenant, les deux rivaux de jeudi soir ont une occasion unique de placer leur nom dans le chapeau pour Beterbiev, même si ce dernier a clairement annoncé que son seul intérêt était la ceinture de la WBA détenue par Bivol. Mais ça, c’est pour un autre chapitre.

Le promoteur DiBella au sujet de Pascal : « Il a payé le prix »

Le vétéran promoteur Lou DiBella est celui qui a remporté la mise pour la tenue de ce duel éliminatoire à la couronne mondiale de l’IBF. Le New-Yorkais a offert 975 000 $ américains, soit 100 000 $ de plus que son homologue britannique Eddie Hearn, de Matchroom Boxing, selon le journaliste Dan Rafael. DiBella, qui s’est ensuite associé à Yvon Michel pour l’organisation de l’évènement « Sans limites » de jeudi à Laval, a probablement mis le doigt sur le bobo pour expliquer la vente timide des billets jusqu’ici : le contrôle antidopage positif de Pascal en 2021.

« Les gens font des erreurs, a-t-il plaidé lundi en conférence de presse. Les gens ont des problèmes qu’ils doivent surmonter. Il a payé le prix pour l’erreur qu’il a commise. Sur papier, il a perdu des millions de dollars. Il a été puni. Et je ne vais pas chercher [à attribuer le blâme à l’un ou à l’autre]. Ça n’a pas d’importance : si tu testes positif, tu testes positif. Ce n’est pas correct d’être positif à des drogues améliorant la performance.

« Mais le gars a payé le prix et il est revenu. Il est revenu de façon discrète et a battu Fanlong Meng quand personne n’y croyait. Il a prouvé qu’il est capable de battre un boxeur de classe mondiale. […] Il a mérité cette bataille contre Eifert. »

Mardi, Yvon Michel s’est réjoui de la réponse aux guichets ces derniers jours. « Il y a beaucoup de mouvement et on est très heureux de la façon dont ça se passe », a-t-il assuré à la conclusion de la conférence de presse de la sous-carte.

Simon Drouin, La Presse