Venger Éric Lucas : c’est la mission dont Jean Pascal s’est chargé et la tournure qu’il veut donner au combat de championnat éliminatoire qu’il livrera à l’Allemand Michael Eifert, jeudi soir, à la Place Bell de Laval.

Le 5 avril 2003, à Leipzig, Lucas avait perdu sa ceinture de champion du monde des super-moyens du WBC en s’inclinant par décision partagée devant le regretté Allemand Markus Beyer, dans ce qui avait toutes les allures d’un verdict local.

« À cette époque, je n’avais que 20 ans, le combat avait été diffusé sur TVA et je me rappelle encore ma tristesse comme si c’était hier », a envoyé Pascal en conférence de presse, lundi après-midi à Laval. « Je n’en revenais pas de cette injustice. »

Vingt ans plus tard, le pugiliste de Laval invite donc les amateurs « à venger notre défaite et à restaurer notre image à l’international et plus précisément en Allemagne » en venant l’appuyer pour ce combat de retour après cinq ans d’absence au Québec.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Jean Pascal

Pascal (36-6-1, 20 K.-O.) a même assuré que le résultat ne serait pas une décision partagée en faveur de l’Allemand Michael Eifert (11-1, 4 K.-O.).

« Je vous promets que cette fois-ci, nous verrons les semelles de ses bottines. Faites-vous plaisir, à vous et vos proches, et venez contribuer à l’hommage que je veux rendre à notre champion Éric Lucas. »

Cet appel au patriotisme serait-il suffisant pour attirer l’amateur de boxe moyen dans la ville où il a grandi ?

Premier à s’exprimer au micro, Yvon Michel a livré un vibrant plaidoyer en faveur de Pascal et de son impact sur la boxe québécoise.

« Jean Pascal a 40 ans, je suis allé le voir à l’entraînement et il est très, très près du meilleur Jean Pascal que j’ai vu dans sa carrière », a soutenu le PDG du Groupe GYM.

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« Si Jean l’emporte, vous me dites qu’il ne mérite pas de se battre en championnat du monde ? Moi, je pense qu’il mérite d’y aller et d’être soutenu. Il mérite d’avoir 10 000 personnes ici jeudi », a exprimé le PDG du Groupe GYM, Yvon Michel, en conférence de presse.

« Se battra-t-il contre Artur Beterbiev s’il gagne ? Je ne sais pas. Peut-être pas. L’entraîneur de Beterbiev [Marc Ramsay] dit non. Mais ce n’est pas ce qui est important. Ce qui est important, c’est qu’il pourrait se rebattre en championnat du monde et devenir l’aspirant obligatoire. Qui le mérite plus que lui s’il l’emporte ? »

Le vétéran promoteur a énuméré les principaux aspirants à la ceinture des mi-lourds (175 lb) de l’International Boxing Federation (IBF) que possède le Montréalais Beterbiev depuis 2017. À ses yeux, aucun n’est plus en droit que Pascal de tenter sa chance.

« Si Jean l’emporte, vous me dites qu’il ne mérite pas de se battre en championnat du monde ? Moi, je pense qu’il mérite d’y aller et d’être soutenu. Il mérite d’avoir 10 000 personnes ici jeudi. Va-t-il y en avoir 10 000 ? Non, il n’y en aura pas 10 000. Mais je suis convaincu que les gens vont réaliser à quel point on est chanceux d’avoir un boxeur comme Jean Pascal ici. C’est un des derniers grands boxeurs qu’on a eus. »

Yvon Michel a admis que la vente de billets avait été « dure », ce qui l’a incité, avec son copromoteur américain Lou DiBella, à « investi[r] davantage ». Ils ont entre autres obtenu une ceinture internationale de l’IBF des super-légers que se disputeront le Québécois Mathieu Germain (21-2-1, 9 K.-O.) et l’Ontarien Steven Wilcox (24-3-1, 7 K.-O.). Les Québécoises Caroline Veyre (2-0) et Jessica Camara (10-3) seront également de la partie.

Eifert veut imiter les plus grands

Évidemment, Michael Eifert, en survêtement rouge, n’a que faire de ces considérations locales, d’autant qu’il ne comprend ni le français ni l’anglais.

Quant à la volonté de son adversaire de venger Éric Lucas, il souhaite dans la même veine « redonner la fierté » à la boxe allemande.

« Il veut marcher dans les pas de tous les grands champions que nous avions en Allemagne », a relayé l’entraîneur adjoint Justin Steinforth, qui jouait les interprètes pour l’occasion. « Il est prêt et il veut être l’un des grands en Allemagne. »

À 25 ans, Eifert se battra pour la première fois à l’extérieur de l’Europe chez les pros, une perspective qui ne l’effraie pas, considérant sa carrière internationale chez les amateurs.

Il sait ce qu’il fait, il n’est pas nerveux face à cette perspective. Il voit cela comme une autre bataille, peu importe l’endroit.

Justin Steinforth, entraîneur adjoint de Michael Eifert

Eifert anticipe que son déficit en expérience sera compensé par sa plus grande volonté. « Il estime qu’il veut beaucoup plus [gagner] que Jean Pascal. Il est plus jeune, plus affamé. […] Il croit aussi qu’il a plus de puissance grâce à sa jeunesse et il va le démontrer jeudi soir. »

Pascal juge que son prochain rival cherche simplement à s’en convaincre.

« Je n’ai aucun souci à ce sujet, c’est pour ça que ça m’a fait sourire », a réagi l’ex-champion mondial, un peu surpris de sentir les « papillons grouiller » en lui.

« Ça m’a fait penser à mes bonnes années de jeunesse. Je sais ce qu’il en est, je sais que je suis un boxeur puissant avec beaucoup d’expérience. Alors je suis un boxeur très dangereux. »

Les deux boxeurs ont été de parfaits gentilshommes pour la traditionnelle photo en face à face.

« À ce moment-ci, ce n’est pas la place pour l’intimidation. Vous allez voir à la pesée officielle », a annoncé Pascal, préparant le rendez-vous de mercredi à 17 h.

Un permis à délivrer

Jean Pascal s’est tenu coi au sujet de sa comparution virtuelle en matinée avec la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) en vue du renouvellement de son permis de boxeur. « La rencontre s’est bien passée et je vais laisser au juge le soin de la commenter », a-t-il indiqué. Dans sa convocation, la RACJ citait parmi ses motifs le « bon renom des sports de combat » en regard du refus de Pascal de se « soumettre à un test de dépistage d’alcool » après son interpellation par des policiers du Service de police de la Ville de Montréal dans la nuit du 25 novembre. Yvon Michel n’avait aucune inquiétude par rapport à la capacité de son protégé d’obtenir son permis d’ici la pesée de mercredi.