À 40 ans, l’increvable Jean Pascal livrera encore un combat d’importance qui, espère-t-il, le mènera à un titre de champion mondial. En cas de défaite, cependant, sa carrière pourrait très bien être « terminée ».

Le boxeur québécois a confirmé vendredi qu’il se battra contre l’Allemand Michael Eifert dans le cadre d’un affrontement éliminatoire pour le titre mondial des lourds-légers détenu actuellement par le Montréalais Artur Beterbiev. Le gala sera présenté le 9 février à la Place Bell, à Laval, sa ville natale.

« C’est le dernier obstacle pour revenir au sommet et devenir champion du monde à une sixième reprise, mais surtout un champion unifié de trois titres mondiaux », a résumé Pascal en conférence de presse, vendredi matin, à Laval.

L’athlète de 40 ans ne se donne pas d’échéancier pour se mesurer à l’invaincu Beterbiev, qui mettra ses trois couronnes à l’enjeu (WBC, WBO, IBF) contre le puncheur britannique Anthony Yarde, le 28 janvier, à Londres.

« Sincèrement, je ne me concentre pas trop là-dessus présentement », a assuré Pascal.

Toute mon attention est sur Michael Eifert parce que sans une victoire percutante contre lui, il n’y aura pas de suite. Ma carrière sera probablement terminée. Alors je ne veux pas prédire l’avenir.

Jean Pascal

Champion intercontinental des lourds-légers (175 lb) de l’IBF, Eifert est peu connu à l’extérieur de l’Allemagne, où il a disputé la majorité de ses 12 affrontements professionnels. Vainqueur de ses cinq derniers duels, le natif de la Saxe a subi sa seule défaite contre son compatriote invaincu Tom Dzemski à l’été 2020, revers qu’il a vengé un an plus tard.

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Jean Pascal et son entraîneur El Mostafa Lyousfi

« Il est jeune, il a faim, alors c’est important pour moi d’être prêt », a ajouté Pascal, qui se considère comme le négligé en dépit de sa vaste expérience (36-6-1, 20 K.-O.) et des trois ceintures mondiales qu’il a possédées à un moment ou l’autre de sa carrière (WBC, WBA et The Ring).

« Être le négligé, c’est l’histoire de ma vie. À la petite école, j’étais toujours le négligé. Alors je me sens à l’aise dans ce rôle. Je le suis encore une fois. Tant mieux pour moi parce que je cause toujours des surprises dans ce rôle. »

« J’ai vu l’amour des gens »

Pascal s’attend à ce que son opposant, âgé de 24 ans, soit plus affamé : « Je ne vais pas vous le cacher, j’ai beaucoup moins faim que lui. Lui a tout à prouver, et moi, je veux rester au sommet de la pyramide. »

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Jean Pascal

Sixième aspirant de l’IBF, Eifert s’estime prêt à relever le défi que présentera Pascal. « Ses derniers adversaires n’étaient pas mauvais », a rapporté son promoteur allemand Benedikt Poelchau en reprenant les mots d’Eifert prononcés en allemand, de Munich. « Il a une puissance de calibre mondial et une grosse carrière amateur. Il croit donc qu’il est assurément prêt pour être en mesure de compétitionner contre Jean Pascal. »

Après son test antidopage de 2021, qui lui a fait perdre son titre de la WBA, Pascal s’est rappelé au bon souvenir de la planète boxe en l’emportant contre le Chinois invaincu Fenlong Meng, en mai, en Floride. Cette victoire l’a remis en lice pour un combat d’aspirant obligatoire. Le désistement du Britannique Joshua Buatsi a ouvert la voie à Eifert.

Le promoteur Lou DiBella songeait à organiser la carte dans la région de Toronto, mais son ami Yvon Michel lui a tiré la manche pour la rapatrier au Québec, où Pascal, également impliqué dans la promotion, se battra pour la première fois depuis cinq ans. En 2018, il avait défait l’ex-hockeyeur Steve Bossé à la Place Bell dans un duel qui ne passera pas à l’histoire.

« Ça faisait quand même cinq ans que je boxais à l’extérieur du pays, je commençais à avoir des doutes [de revenir], a admis Pascal. Je n’étais pas certain si les gens voulaient vraiment me revoir en action à Montréal. Mais ces derniers temps, j’ai vu l’amour des fans, l’amour des gens. J’ai donc demandé à Greg Leon, mon conseiller de boxe, d’essayer d’amener ce combat à Montréal. »

Pour cet affrontement « de non-retour », dixit Yvon Michel, Jean Pascal aura également une nouvelle pression, celle de « vendre des billets ».

« Depuis cinq, six ans, il n’a jamais eu la pression de remplir la place, a souligné le promoteur. Il y a aussi son âge. À 46 ans, on ne voyait pas la fin de Bernard Hopkins. C’est arrivé à un moment donné dans un combat contre Joe Smith, il est tombé vieux d’un coup. À cet âge, tu ne sais jamais. Jean va se battre comme si c’était son dernier combat. Eifert, lui, n’a rien à perdre. »

En conférence, Pascal n’a pas été questionné au sujet de son arrestation pour conduite en état d’ébriété, dans la nuit du 25 novembre à Montréal, et de l’accusation pour refus de souffler correctement dans l’alcootest qui a suivi. Le boxeur clame son innocence et songe à poursuivre le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). « Mon avocate, Me Sophie Beauvais, me recommande de n’émettre aucun commentaire en raison d’un possible processus judiciaire », a simplement précisé le clan Pascal.

Le « dernier hourra » ?

Orlando Cuellar, l’entraîneur floridien de Jean Pascal, prévoit un mélange des styles « très intéressant ». « Jean Pascal cherche à ajouter à une carrière déjà illustre et à son héritage en se rapprochant un peu plus d’un combat [de championnat du monde], a exposé Cuellar. Il sait que la pression est sur celui qui se battra devant la foule de sa ville natale. Il est dans une situation où il doit gagner, car cela pourrait être le dernier hourra à l’âge de 40 ans. Il l’a toujours, mais le temps presse. Nous savons donc que nous ne faisons pas que courir contre la montre, mais que nous nous battons contre un Eifert très affamé. »

Ceinture manquante

Jean Pascal a détenu trois ceintures de champion du monde durant sa carrière. Mais il y en a une qu’il n’a jamais revue, celle, prestigieuse, du magazine The Ring. C’est Bernard Hopkins qui l’aurait en sa possession. Pour des photos de promotion en vue de leur premier combat à Québec, le vétéran américain tirait sur les ceintures du WBC et The Ring. « En boutade, Jean lui avait dit : si tu les veux, prends-les ! a raconté Yvon Michel. Quand je suis allé les récupérer, Hopkins m’a dit de dire à Jean de les demander lui-même. Jean était trop orgueilleux et il ne les a donc jamais rapportées… » Le WBC a fait un double, mais The Ring a refusé la même demande, a expliqué Pascal en conférence de presse vendredi.