Un collègue boxeur vient d’avoir un bébé. Un autre a des contraventions à payer. Caroline Veyre rêvait d’un premier combat professionnel au Québec. Et son adversaire était déjà sur place en vue de l’affrontement deux jours plus tard.

Kim Clavel a d’abord pensé aux autres quand elle a été forcée d’annuler son duel d’unification des ceintures mondiales des mi-mouches à 48 heures d’avis, le soir du 29 novembre.

« Je m’en suis tellement voulu », a-t-elle réitéré, mercredi matin, avant son deuxième entraînement de boxe un peu moins de deux semaines après le report au 13 janvier du gala prévu à la Place Bell de Laval.

Très mal en point, elle espérait encore un miracle qui conjurerait la guigne qui s’acharne sur elle depuis un an, alors qu’elle a dû composer avec trois reports de son combat de championnat mondial précédent.

« Tu te demandes parfois pourquoi tout ça arrive. J’ai pleuré encore, j’ai mouché, j’ai été malade. »

Mais son entourage et son médecin ont tranché : non, elle ne se battrait pas le 1er décembre contre Yesica Nery Plata pour les titres du World Boxing Council (WBC) et de la World Boxing Association (WBA).

« Si on s’était battus, on l’aurait amenée sur une civière à la pesée », a assuré Stéphan Larouche, conseiller spécial de Clavel, qui a passé au moins une nuit à son chevet, en alternance avec son entraîneuse Danielle Bouchard.

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Stéphan Larouche, conseiller spécial de Kim Clavel

« Je faisais 40 de fièvre, j’avais de la misère à respirer, c’est vraiment la pire influenza que j’ai eue », a réitéré la principale intéressée.

Souriante pendant sa rencontre avec les journalistes, tous masqués cette fois-ci, la boxeuse de 32 ans a grincé des deux dents quand elle s’est fait rappeler que des gens avaient mis en doute l’authenticité de sa maladie sur les réseaux sociaux et même dans un quotidien.

« Oooooh, ça vient me chercher ! », a réagi Clavel, qui avait répondu à un internaute sous le coup de l’émotion le soir même de l’annonce.

Mais ce qui vient le plus me chercher, c’est quand on parle de l’équipe. Je suis protectrice de mon monde. Ça me frustre quand le monde parle contre les autres. C’est souvent des gens qui se cachent derrière leur écran. Ce sont les premiers qui viennent demander des photos quand ils nous voient en personne…

Kim Clavel

En pleine forme

À part ses poumons toujours irrités, la pugiliste assure ne plus ressentir de relents de la maladie qui l’a terrassée pendant « quatre, cinq jours » au point qu’elle a dû se taper des nuits de sommeil de 16 heures.

« La période importante, c’est maintenant, parce qu’elle a encore besoin de repos, a précisé Danielle Bouchard. C’est une athlète, elle récupère beaucoup plus rapidement qu’une personne normale. Il faut quand même être alerte à tous les petits signes. C’est pour ça que tout ce qu’elle va faire, c’est se reposer, s’entraîner et manger. »

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Danielle Bouchard et Kim Clavel

À quelque chose malheur est bon : Clavel n’aura aucun souci à respecter la limite de poids de 108 lb la veille du combat. Elle pèse actuellement deux livres de plus, exactement comme il y a deux semaines.

Et elle n’aura pas à se priver devant une tourtière, une bûche au chocolat ou le sucre à la crème de grand-maman : pour elle, les Fêtes se dérouleront encore en mode virtuel.

« Ma famille est avisée : je n’existe pas dans le temps des Fêtes. On l’a vécu par Zoom pendant deux ans, je ne mourrai pas de le faire une troisième année. Pour moi, Noël, cette année, c’est le 14 janvier. »

Pas d’excuse…

En bon promoteur, Yvon Michel s’est amusé à faire un peu d’intox pendant la rencontre de presse au Complexe sportif Claude-Robillard. Yesica Nery Plata lui aurait dit que sa rivale avait bien fait de prioriser sa santé, avant d’ajouter :

« J’espère qu’elle sera à son summum le 13 janvier et qu’elle n’utilisera pas ça comme excuse quand je vais revenir chez moi avec les deux ceintures… »

Clavel, détentrice du titre du WBC, a évidemment d’autres plans : « J’ai vécu une déception en ce qui a trait à la maladie. Elle va vivre une déception le 13 par rapport à sa ceinture, parce qu’elle ne repartira pas avec les deux. C’est certainement moi qui vais repartir avec. J’ai travaillé trop fort, ce sont mes ceintures. Je l’ai visualisé. Ce ne sera pas un combat facile, mais j’ai toutes les aptitudes pour battre Plata. »

La native de Joliette s’inspire de Claressa Shields et de Mikaela Mayer qui ont dû composer avec des affrontements remis d’un mois à Londres après la mort de la reine Élisabeth II.

« Je me mets dans leur tête ; elles l’ont fait, ce n’est pas la première fois dans la boxe et ce ne sera pas la dernière. La boxe, c’est une panoplie de problèmes. Il faut trouver une solution pour chacun. Ça va être grandiose le 13 quand j’aurai le bras dans les airs… […] Je vais me battre avec mes aptitudes, mon attitude et mon caractère. »

Yvon Michel compte sur elle pour la suite puisqu’il a conservé la date de ses deux autres réservations pour la Place Bell et une pour le Centre Bell en décembre 2023.

Par ailleurs, l’identité des cinq combattants locaux de la sous-carte du 13 janvier est la même : Mazlum Akdeniz, Marie-Pier Houle, Derek Pomerleau, Veyre et Eric Basran. Les adversaires d’Akdeniz et de Houle ont cependant changé : le premier se mesurera au Mexicain Cristian Bielma (19-4, 7 K.-O.) et la seconde à la Mexicaine Marisol Moreno (6-3).

Deux gentilles

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Yesica Nery Plata et Kim Clavel, le 28 novembre dernier

Un collègue a demandé à Clavel s’il ne serait pas plus facile de se motiver contre une adversaire plus détestable que Nery Plata, qui s’est avérée très franc-jeu pendant sa courte présence au Québec. « Il n’y a pas de risque d’être emportée par tes émotions, a répondu la championne du WBC. Tu es concentrée, c’est sportif, c’est beau. Amanda Serrano et Katie Taylor ont énormément de respect l’une pour l’autre, il n’y a jamais eu de trash talk entre elles, et regardez le combat de haut niveau que ça a donné. Ce sont deux boxeuses de grande qualité, deux gentilles qui sont montées dans le ring pour s’affronter. Il ne faut pas se laisser prendre par ses émotions. Avec cette fille-là, ce sera pugilistiquement de haut niveau. »

Puissante Nery Plata

Le clan de Clavel assure avoir pris des notes durant le court passage de Nery Plata dans le gym, le mois dernier, à Montréal. « Elle n’est pas numéro un pour rien, a constaté la boxeuse québécoise. Elle a généré une belle puissance, elle est bien encadrée, c’est familial. » « On s’attend donc à un gros combat comme on l’imaginait », a renchéri l’entraîneuse Danielle Bouchard.

Simon Drouin, La Presse