« Je me suis dit : peut-être que l’âge me rattrape, peut-être que c’est la fin de mon valeureux parcours. Parce que toute bonne chose a une fin, à un moment donné. »

Oui, Jean Pascal a pensé à « abandonner ». Parce que les derniers mois ont été éprouvants. Mentalement. Physiquement.

Il a surmonté une dépression après que ses tests positifs à l’EPO et à trois autres stéroïdes, il y a maintenant un an, eurent fait dérailler sa carrière.

Puis, le pugiliste québécois a vécu un camp d’entraînement ardu avec Orlando Cuellar, son nouvel entraîneur « qui [le fait] vraiment travailler ».

Jean Pascal (35-6-1, 20 K.-O.) se prépare pour son combat de vendredi chez les lourds légers contre le Chinois Meng Fanlong (17-0, 10 K.-O.). Son premier en trois ans.

« Je me suis rappelé que je ne suis pas un gars qui abandonne », explique Pascal au cours d’une entrevue virtuelle avec La Presse.

Le boxeur est confortablement assis sur le sofa de son condo à Miami Beach. Il nous fera voir la vue de sa fenêtre, qui donne sur la marina, en faisant passer son téléphone à la caméra frontale.

Un domicile temporaire un peu plus luxueux que l’endroit de la rixe du 20 mai, à Plant City, en banlieue de Tampa.

« J’ai continué, ajoute Jean Pascal, au sujet de son camp. No pain, no gain. Quand ça fait mal, c’est là que ça compte. C’est là qu’il faut travailler encore plus fort. Ça a donné les résultats d’aujourd’hui. Je vais être fin prêt pour mon combat de vendredi prochain. »

S’il se dit « satisfait du progrès » qu’il a fait avec Cuellar, il avoue être « fatigué » en ce jeudi après-midi, à huit jours du combat. C’est qu’il sort d’un sparring de 10 rounds un peu plus tôt dans la journée, « probablement » son dernier du camp.

« Il y a la perte de poids et tout, souligne-t-il. Mais je suis habitué, je suis un vétéran, je connais la game. Alors je ne m’en fais pas. »

Cette fatigue, est-elle vraiment due au camp d’entraînement intense... ou à ses 39 ans ?

« C’est peut-être un mélange des deux, convient le Lavallois. Mais je pense que c’est surtout la façon dont [Cuellar] entraîne. Je ne m’étais jamais entraîné comme ça auparavant.

« Oui, j’ai 39 ans. Mais je suis un jeune 39 ans. En plus, je suis noir, alors j’ai 29 ans ! »

Jean Pascal en fait des blagues aujourd’hui, mais la remise en question a été bien réelle dans les dernières semaines.

Je trouvais que j’avais perdu un peu de vitesse, mais ça venait du fait que ça faisait longtemps que j’étais à l’extérieur du ring. [...] Je trouvais que mon timing était off, que ma coordination était off et que ma vitesse était off. À un moment donné, j’avais même un peu peur [que ce soit la fin].

Jean Pascal

« Mais je n’ai pas abandonné. Je me suis donné du temps. Et honnêtement, le timing est revenu dernièrement. La vitesse aussi, la force de frappe. On dirait que tout tombe en place au bon moment. »

Son pied gauche l’a aussi ennuyé il y a deux semaines, mais il estime qu’il sera rétabli « à 100 % » le jour du combat.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Jean Pascal après sa victoire contre Badou Jack. Le 8 janvier 2020, il faisait le bilan de 2019.

Un premier test pour Meng

L’affrontement sera diffusé sur la nouvelle plateforme ProBox TV, application consacrée à la diffusion d’évènements de boxe professionnelle. « Mon combat ne sera pas sur Super Écran ! », précise Pascal en souriant.

Le combat de 12 rounds sera le premier de Meng Fanlong que pourra voir le public chinois, un marché de 1,5 milliard d’habitants généralement difficile d’accès pour les diffuseurs.

À l’enjeu le 20 mai : la première position chez les 175 lb.

Jean Pascal est conscient qu’il est « encore une fois le négligé » devant l’aspirant numéro un de l’IBF, dont le titre de la catégorie appartient à Artur Beterbiev. Mais il croit que la pression se retrouve chez son adversaire, justement.

« C’est le boxeur du promoteur. Il va y avoir 1,5 milliard d’habitants qui vont le regarder. Il veut montrer aux gens qu’il fait partie de l’élite mondiale. Moi, j’ai prouvé à plusieurs reprises que j’en fais partie. »

Jean Pascal a été deux fois champion du monde. Il s’agira en revanche d’un premier vrai test pour Meng Fanlong, à 34 ans.

« Il s’en va vers l’inconnu, estime Pascal. Moi, been there, done that many times. Ça va être à moi de le mener vers quelque chose qu’il n’a jamais vu, et de le laisser sombrer dans cette noirceur-là. Il faut que j’utilise mon expérience, mes habiletés pour remporter ce duel. »

« Erreur de parcours »

Jean Pascal avait un ton posé, calme, pendant toute la durée de l’entrevue. Mais il s’agite lorsqu’il est question de son histoire de dopage, et des répercussions de celle-ci sur son legs. Il aborde le sujet avant même qu’on lui en parle.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Jean Pascal l’emporte par K.-O. contre Steve Bossé le 20 juillet 2018.

Les langues sales ne peuvent pas remettre en question tout ce que j’ai accompli auparavant. Sais-tu pourquoi ? Parce que je n’ai pas été un boxeur qui a gagné, gagné, gagné et qui, boom, a été déclaré positif. J’ai fait plein de tests toute ma vie. Gagne ou perds, j’ai toujours été négatif.

Jean Pascal

Il dit vouloir mettre ce « malheureux incident derrière [lui] ».

« C’est difficile d’expliquer l’inexplicable, ajoute-t-il, mais c’était une erreur de parcours. »

Le Québécois a déjà été testé à quelques reprises lors du camp d’entraînement. C’était une clause de son contrat signé en février, ainsi qu’une promesse qu’il avait faite lors de notre dernier entretien, en mars dernier.

Son promoteur a reçu les résultats de l’un de ces tests, dit-il, et il s’est avéré négatif. On lui fera probablement passer un autre test d’ici à vendredi prochain.

« Encore du gaz dans le réservoir »

Jean Pascal a récemment traversé une route parsemée d’embûches. Ses meilleures années sont probablement derrière lui.

Envisage-t-il d’accrocher ses gants si ça ne se passe pas comme il le souhaite vendredi ?

« Sincèrement, je ne me pose pas cette question-là. Moi, j’ai Meng Fanlong devant moi. C’est sur lui que je dois me concentrer. Parce que si je ne le bats pas, ça va être encore plus difficile de trouver des combats par la suite. »

Mais en bon boxeur, il enchaîne rapidement sur ses qualités qui demeurent.

« J’ai encore du gaz dans le réservoir. J’ai encore des habiletés. Ma vitesse et mon timing sont revenus. Je veux prouver au monde que ce n’est pas pour rien que j’ai été deux fois champion du monde. »

« Comme Rocky a dit : ce n’est pas fini jusqu’à ce que ce soit fini. »