Avant toute chose, un champion de boxe comme Jean Pascal en quarantaine, ça fait quoi ? « Grâce à Dieu, j’ai un gym à la maison, raconte-t-il au bout du fil. Je peux m’entraîner, je peux faire de la course dehors. On se tient en forme. »

« Mais ce n’est pas un grand changement pour moi. Contrairement à ce que les gens peuvent penser, je suis un gars solitaire. J’aime être dans mes choses, me parler à moi-même, être tout seul. Ça ne change pas grand-chose dans ma routine de vie. »

Entre deux séances de vélo et de sacs, Jean Pascal a aussi voulu y mettre du sien pour contrer cette pandémie. Il est devenu ambassadeur de la campagne Restez chez vous, soyez des héros, dont le nom dit tout. Il parle de discipline devant les directives du gouvernement, et s’adresse notamment aux Québécois d’origine haïtienne.

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« J’essaie de passer le message qui si les gens écoutent les directives, la pandémie va être contrôlée et on va revenir à notre vie normale plus vite. C’est important d’écouter les dirigeants, de laver nos mains, de rester à la maison. On vit une crise sans précédent. Je pense qu’on ne reverra pas ça de notre vivant. »

Jean Pascal est devenu champion pour la deuxième fois en août dernier. Il a battu Marcus Browne par décision unanime après un arrêt prématuré du combat pour une profonde coupure au-dessus de l’œil de son adversaire. Il a ensuite défendu son titre WBA des mi-lourds en décembre, une victoire par décision partagée contre Badou Jack à la suite d’un combat enlevant.

Pour le champion de 37 ans, on aurait pu croire que ce deuxième tour de piste ceinture à la taille, plutôt tardif, se faisait « sur du temps emprunté ». C’était un improbable retour au sommet pour celui qui avait pourtant annoncé sa retraite à la fin de 2017.

Pascal a d’ailleurs publié sur son compte Twitter la scène du film Le loup de Wall Street dans laquelle Jordan Belfort (interprété par Leonardo DiCaprio) annonce qu’il « ne s’en va pas ». Le langage est coloré dans le film, mais vous voyez l’idée derrière la rétrospective. Jean Pascal est aujourd’hui à des années-lumière d’où il était en décembre 2017.

« J’écoutais beaucoup l’opinion des gens qui disaient ma propre opinion. Ce que j’ai appris, c’est de ne jamais laisser l’opinion des gens devenir notre réalité. Ce n’est pas parce que les gens disent qu’on est laid qu’on est laid.

Ce n’est pas parce que les gens disent qu’on n’est pas bon qu’on n’est pas bon. Ce n’est pas parce que les gens disent que l’on doit prendre sa retraite que l’on doit vraiment prendre sa retraite. Je dis non, j’ai encore du gaz dans le réservoir, j’ai encore le désir de m’entraîner.

Jean Pascal

« Je suis redevenu champion du monde, je me suis donné un coup de pied dans le derrière et je me suis écouté moi-même. »

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Maintenant, la réalité est que ce retour au sommet arrive sur le tard. Certains boxeurs passent au travers des époques, mais 37 ans, c’est vieux pour faire ce métier si exigeant physiquement. D’ailleurs, pour profiter de chaque mois avant la fin de sa carrière, Jean Pascal avait des projets ambitieux : deux ou trois combats en 2020.

Il va devoir se raviser. Ce sera un seul combat en 2020, peut-être aucun si la crise de la COVID-19 empêche la tenue d’évènements sportifs. Mais il a déjà un adversaire en tête.

« Je savais qu’en battant Marcus Browne, j’avais un combat revanche à lui donner. Cependant, à cause de sa coupure, j’ai eu droit à un combat optionnel contre Badou Jack. Après la pandémie, si tout se règle bien, je devrais boxer contre Badou Jack ou Marcus Browne. C’est la télévision qui paie, donc c’est la télévision qui décide de nos adversaires. Si Showtime veut Marcus Browne, ce sera Marcus Browne, si Showtime veut Badou Jack, ce sera Badou Jack. »

S’il n’en tenait qu’à lui, Pascal aurait une préférence pour Badou Jack. Leur rivalité s’est forgée dans le respect et leur combat valait le détour. Mais si ce devait être Browne, disons que le ton a été donné lors de leurs échanges acrimonieux sur les réseaux sociaux. Pourtant, Pascal, à sa manière bien à lui, jure qu’il « adore » Browne.

« Marcus Browne dit que je parle beaucoup, que je ne l’aime pas beaucoup. Pourquoi je ne l’aimerais pas ? Il m’a rendu riche encore une fois. J’adore Marcus Browne. Je ne peux pas le haïr ! »

En attendant ce combat, Jean Pascal ronge son frein, mais dans une étonnante sérénité quand on connaît le compétiteur. Ne sent-il pas qu’il gaspille des mois précieux à rester dans son salon plutôt qu’à monter sur un ring ?

« Ce serait égoïste de ma part de m’en faire pour mon entraînement ou pour des combats reportés pendant qu’on vit une pandémie mondiale. Je suis un peu déçu, mais il y a plus important que ça. Je pense aux gens qui meurent, ceux qui ont perdu leur travail. C’est beaucoup plus important. »