La plus grande victoire de l’ancien boxeur est survenue à l’extérieur du ring, lui qui a combattu un cancer que l’on disait incurable. Aujourd’hui, il s’implique auprès de la Fondation Néz pour vivre.

Qui est Paul Dubé ? Un ancien boxeur, à la carrière professionnelle « chancelante », avec une fiche de 6-4-1, qui s’est battu au centre Paul-Sauvé, au Forum et au Centre Molson ? Une bête de gymnase qui a déjà enfilé les gants sous les ordres d’entraîneurs bien connus tels Emanuel Steward et Lou Duva ? Un Montréalais qui a grandi trop vite et dont les mauvaises décisions l’ont mené deux fois en prison ? Ou alors un battant qui se sait condamné par un cancer incurable ?

Alors, qui est Paul Dubé ? « Malgré une vie rock’n’roll à gauche et à droite, je commence à le découvrir depuis que la maladie m’a atteint, il y a trois ans et demi. Paradoxalement, c’est la plus belle chose qui me soit arrivée. Ça m’a permis de ralentir, d’apprécier les gens et l’amour. C’est tout ce que j’avais autour de moi et que j’avais tendance à oublier. »

Ainsi parle le principal intéressé dont le cheminement nous transporte des rues du quartier Saint-Michel aux chambres d’hôpital, en passant par les rings du gymnase Kronk de Detroit. À 49 ans, sa vie est un film aux multiples rebondissements et aux rencontres parfois improbables.

Mais à la base de ce voyage, il y a une histoire bien classique, celle d’un garçon de 12 ans, élevé à la dure, qui trouve une échappatoire dans le sport. Dans son cas, c’est dans la boxe qu’il se découvre un talent. « J’ai gagné cinq fois les Gants dorés, j’étais champion canadien juvénile et j’étais dans l’équipe canadienne. Mais ils m’ont chassé parce que j’étais un petit peu tannant », sourit-il en repensant aux écarts de conduite de ses 16 ans.

À ce moment-là, Dubé avait déjà quitté le nid familial qui, de toute façon, n’était pas très hospitalier. À cet âge-là, il est surtout très facile d’être emporté par de mauvaises fréquentations. Son entraîneur, par exemple, était également propriétaire d’une agence de danseuses et de trois clubs en Ontario. Le passage chez les professionnels à la fin des années 80 n’a fait qu’empirer la situation.

« Ça a tout changé, mais pour le pire », reconnaît-il. 

C’est là que toutes les mauvaises portes se sont ouvertes : la criminalité, les mauvaises relations affectives, les mauvais choix de vie. Tout est devenu accessible. Tu piges à gauche et à droite tant que tu te frappes le nez sur un mur. Le mur, pour moi, a été la prison.

Paul Dubé

Accusé de voies de fait contre des « bums » (« Je n’ai jamais fait de mal à un père de famille, une femme, un enfant ou distribué de la drogue »), il a fait deux séjours en prison, dont l’un de 18 mois à l’âge de 27 ans. La période, aussi difficile soit-elle, est aussi l’occasion d’une scène particulièrement cocasse avec le recul.

« Je suis le seul boxeur qu’ils ont laissé sortir sur une permission spéciale pour aller se battre au Casino de Montréal. J’ai knocké mon gars [il a été disqualifié par la suite] et je suis retourné en dedans en tant que héros. Les détenus ont pu regarder et, quand je suis retourné en prison, c’est comme si j’avais fait ma job. »

Dubé a disputé 11 combats professionnels entre 1989 et 1999. Son plus marquant ? Une finale au centre Pierre-Charbonneau face à Alain Bonnamie qui est aujourd’hui l’un de ses très bons amis.

PHOTO GRACIEUSETÉ

Paul Dubé, à droite, lors de son combat face à Alain Bonnamie, le 6 novembre 1998.

« J’ai dû descendre de deux catégories de poids pour me battre. C’était complètement ridicule, mais, en cas de victoire, j’avais une promesse d’Yvon Michel pour un combat de championnat face à Éric Lucas. J’étais tellement sec. À chaque coup d’Alain, c’était comme un coup de tonnerre. Et au troisième round, il m’a cassé l’os de la mâchoire. »

L’expérience américaine

Dubé se qualifie comme un boxeur explosif et agressif qui se fiait essentiellement à sa force de frappe en dépit d’un beau style. « Malgré ma carrière très chancelante, les gens savent que j’étais capable de faire face à tout le monde dans un gymnase », précise-t-il.

En raison, entre autres, d’une série de combats annulés, il a d’ailleurs passé une bonne partie de son temps au réputé gymnase Kronk, à Detroit. Après un premier crochet à l’âge de 18 ans, il y est retourné très souvent entre l’âge de 19 et 25 ans, mais aussi plus tard dans sa carrière. Là-bas, il a croisé quelques noms bien connus : Tommy Hearns, Michael Moorer, Bobby Czyz, Alfred Cole ou Rick Roufus, « [qu’il avait] gelé à l’entraînement ».

PHOTO GRACIEUSETÉ

Paul Dubé lors de son passage au gymnase Kronk, à Detroit. 

« C’était une vie dure parce qu’il fallait que je me surpasse tous les jours. En tant que Québécois blanc, je n’étais pas le bienvenu. La seule chose qu’ils voulaient, c’était arracher ma tête […], mais j’étais payé pour les affronter en préparation de leur combat de championnat du monde. C’est devenu une routine. Je me disais que c’était de l’argent facile. Je m’entraînais tout en étant payé et logé. C’était un peu machinal de rester dans le gymnase et de me faire une sécurité [financière] comme ça. »

En fin de carrière, Dubé a reçu une invitation des frères Gatti pour s’entraîner au New Jersey sous les ordres de Lou Duva. Il a enfilé les gants notamment face à l’acteur Mickey Rourke. « Je l’ai envoyé au tapis à l’entraînement. Il avait un ego immense et il pensait vraiment qu’il était un boxeur, même s’il ne l’était pas. » Là-bas, Dubé a disputé un dernier combat, même s’il reconnaît que ses démons ne l’ont jamais quitté.

« Encore une fois, j’étais bon dans le gymnase, mais je sortais. J’avais le goût d’aller boire et de sniffer. J’ai fait un combat là-bas, j’ai offert une très belle performance, mais je n’ai pas démontré assez de sérieux pour être au sein de cette élite-là.

« En étant mieux encadré, j’aurais facilement été champion canadien et dans le top 10 mondial. Pour le reste, je ne sais pas où aurait été ma limite. Je tenais mon bout face à des champions du monde dans le gymnase, mais j’ai mené ma vie comme je l’ai menée jusqu’à ma maladie. »

Face à la maladie

Que faire après la boxe ? Parce qu’il ne s’était servi que de ses poings jusque-là, il lui a fallu se tourner vers ses anciens commanditaires et intégrer une entreprise de déménagement. Après avoir appris les rouages du métier, il a décidé de fonder ses propres entreprises, dont l’une spécialisée dans les sinistres.

« Je l’ai gardée pendant cinq ans. Je suis devenu trop gros, trop vite et c’était de la mauvaise gérance. Les chiffres étaient là, mais j’avais le bateau, la belle maison sur le bord de l’eau. Ça ne marchait plus. »

Il est donc retourné au sein d’une célèbre entreprise de déménagement à titre de directeur du développement commercial/industriel. C’est à ce moment que son médecin, après une batterie de tests, l’a envoyé voir un oncologue.

« J’étais épais parce que je n’avais aucune idée que c’était le cancer. Le docteur me dit : “M. Dubé, vos lymphomes sont indolents. On se revoit dans quatre mois.” Je ne me suis jamais renseigné sur ce qu’étaient des lymphomes indolents. J’ai sauté deux rendez-vous et ç’a débuté. »

Quand j’ai vu le médecin, après un transfert d’urgence, j’ai pris le bureau, je l’ai viré sur lui et je suis parti de l’hôpital. Je suis allé me soûler parce qu’il venait de me dire que c’était fini pour moi et qu’il me restait six mois.

Paul Dubé

Après une nuit d’enfer, au cours de laquelle il a tenté de passer à travers la fenêtre d’un hôtel, il a décidé de se battre. Son corps a bien répondu aux séances intensives de chimiothérapie, puis aux séances mensuelles. Il a déjoué les pronostics, même si le mal ne laisse aucun doute sur le dénouement.

Dubé, qui faisait auparavant des collectes de fonds pour les sans-abri, a organisé différents événements caritatifs au profit de la Fondation Néz pour vivre. « On aide les 18-35 ans [atteints du cancer] qui ont besoin de beaucoup plus de support qu’un vieux comme moi. À cet âge-là, tu as une jeune famille et tu n’as pas forcément de bonnes assurances. Tu n’as pas le temps de te faire un coussin en cas de maladie. »

En arrêt maladie, il joue de petits rôles à la télévision et au cinéma et fait un peu de radio où il analyse les cartes de boxe. Il planche également sur d’autres événements caritatifs. « Mon oncologue me dit d’en profiter parce que je suis un petit miracle. » La bataille se poursuit pour Paul Dubé.