La soeur de Tim Hague, ce boxeur mort dimanche après un combat qui a mal tourné, espère que la mort de son frère servira au moins à une chose: réformer les sports de combat pour que de tels «accidents» ne se produisent plus.

Hague a essuyé vendredi soir sur un ring d'Edmonton une raclée aux mains du poids lourd Adam Braidwood. Il a été conduit à l'hôpital, où il est resté entre la vie et la mort pendant 36 heures. Ce père de famille, enseignant au primaire de jour, est finalement mort dimanche, laissant dans le deuil son fils de 9 ans.

«Les derniers jours ont été éprouvants. Il y a eu des moments d'espoir, quand on pensait que Tim se réveillerait de son coma, explique sa soeur, Jackie Neil, à La Presse. Puis il y a eu des moments de grande tristesse quand on a compris qu'il ne s'en sortirait pas. Tim était aimé de tous.»

La mort de Tim Hague, 34 ans, a été présentée comme un accident par certains. Mais plusieurs observateurs se demandent si elle n'aurait pas pu être évitée. Hague, qui a commencé dans les arts martiaux mixtes (AMM) et l'UFC avant de passer à la boxe, avait subi plusieurs blessures à la tête dans sa carrière.

Il avait été mis K.-O. dans quatre de ses cinq derniers combats d'AMM. Selon un ami, il avait subi une commotion dans un combat qui n'apparaît pas à sa fiche, le 7 avril dernier.

Selon les médias locaux, l'Edmonton Combative Sports Commission, qui encadre la boxe dans la ville, n'avait pas fait passer une imagerie par résonance magnétique avant le combat pour voir si Hague souffrait de blessures à la tête.

D'autres se demandent pourquoi Hague, avec une fiche d'une victoire et deux défaites, s'est retrouvé sur le même ring que Braidwood, un dangereux cogneur qui avait sept victoires et une défaite avant ce combat.

Photo tirée de Facebook

Tim Hague a laissé dans le deuil son fils Brady, âgé de 9 ans.

La Ville d'Edmonton a annoncé lundi la tenue d'une enquête sur l'évènement. L'Alberta est la seule province canadienne sans commission athlétique provinciale pour encadrer les sports de combat (il s'agit de la Régie des alcools, des courses et des jeux au Québec).

«Ça faisait longtemps qu'on demandait à Tim d'arrêter de se battre, explique sa soeur. Mais il n'en faisait qu'à sa tête. C'était une part importante de sa vie, même s'il était aussi papa et enseignant au primaire.»

«C'est vrai qu'il est mort en faisant ce qu'il aimait. Mais je sais que sa mort aurait pu être évitée si des gens en autorité ne l'avaient pas laissé se battre, croit Jackie Neil. J'espère que les sports de combat vont changer. Si Tim léguait un seul héritage, j'aimerais que ce soit celui-là.»

Hier, Jackie Neil ne savait pas encore si la famille allait poursuivre la commission d'Edmonton.



Braidwood à l'envers

Après 24 heures de silence, Adam Braidwood a décidé de publier lundi soir une vidéo pour offrir ses condoléances à la famille. «Personne ne voulait que ça arrive», a dit le boxeur, qui connaissait Hague personnellement.

Braidwood a aussi précisé que la famille l'avait joint pour lui dire qu'elle ne lui en voulait pas. «C'est vrai, nous ne lui en voulons pas du tout, dit Jackie Neil. Je n'en veux pas à Adam Braidwood. C'est un bête accident. Et je sais qu'il se sent très mal en ce moment.»

À son combat précédent, Braidwood avait boxé au Centre Vidéotron à Québec. Il avait malmené le poids lourd Éric Martel Bahoeli, l'emportant par K.-O. au cinquième round. Bahoeli avait ensuite annoncé sa retraite.

Le boxeur de Trois-Rivières Simon Kean aimerait beaucoup affronter Braidwood. Mais ce combat pourrait prendre du temps à se matérialiser. Selon nos informations, certaines personnes à la Régie s'inquiètent que ce combat, tout de suite après la mort de Hague, puisse nuire à l'image de la boxe au Québec.

Les dernières semaines ont été éprouvantes pour la boxe canadienne. Rappelons qu'un boxeur québécois est toujours dans le coma dans un hôpital du Nouveau-Brunswick. David Whittom, de Québec, s'est fait passer le K.-O. le 27 mai dernier et a subi une hémorragie cérébrale. Comme pour Hague, plusieurs se demandent si Whittom aurait dû être autorisé à se battre. Il avait perdu 10 de ses 11 derniers combats.

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Photo Jean-Marie Villeneuve, archives Le Soleil

Adam Braidwood (à droite) a malmené Éric Martel Bahoeli le 24 février dernier au Centre Vidéotron de Québec.

Gaétan Hart se souvient

Gaétan Hart se souvient des funérailles de Cleveland Denny. La famille endeuillée n'en revenait pas encore de devoir enterrer ce jeune homme de seulement 24 ans. Denny était mort quelques jours plus tôt après son combat de boxe contre Hart, le 20 juin 1980 au Stade olympique.

Celui qui l'avait tué n'avait pas été invité à la cérémonie. «Mais je tenais à y aller, explique Hart au bout du fil. Je voulais lui remettre ma ceinture de champion canadien.»

Il se souvient de la mère de Cleveland Denny, qui ne l'avait pas bien reçu. «Elle s'était plantée devant moi et elle criait.»

Il sait très bien comment peut se sentir aujourd'hui Adam Braidwood. Des années plus tard, il est très serein quand il parle de cette époque. Pour lui, c'est ça la boxe, et ce sera toujours la même chose.

«La vérité, c'est que le sport de la boxe est ainsi fait. On veut juste gagner notre vie, se prouver, dit-il. Mais reste que deux hommes se donnent des coups dans un ring. On est tous conscients qu'il peut nous arriver une tragédie. Moi, cet accident-là, ça n'a jamais changé ma vision du sport. J'ai toujours su que c'était possible.»

Photo archives La Presse

Gaétan Hart fait ses adieux à Cleveland Denny le 9 juillet 1980.