La boxe québécoise serait largement en faveur de la participation des professionnels aux Jeux olympiques, comme le désire l'Association internationale de boxe amateure (AIBA).

L'AIBA en a exprimé le souhait il y a quelques semaines. La fédération voudrait même modifier les processus de qualifications afin que des professionnels se retrouvent aux JO dès cet été, à Rio de Janeiro.

«Les Jeux olympiques sont pour les meilleurs athlètes au monde. La boxe est le seul sport où nous n'avons pas l'opportunité de présenter les meilleurs athlètes de la planète, a expliqué à La Presse Canadienne Pat Fiacco, le président de Boxe Canada qui siège au sein du comité exécutif de l'AIBA. Nous pensons donc que nous devons à tous les boxeurs l'occasion de faire une compétition où les meilleurs seraient présents.»

L'AIBA a déjà reçu l'assentiment du Comité international olympique. Ne reste plus qu'à finaliser le processus de qualifications.

«Je ne suis pas surpris, a indiqué Bernard Barré, vice-président et responsable du recrutement chez Groupe Yvon Michel (GYM). Même si la boxe est populaire aux Jeux, elle veut attirer davantage l'attention. La seule façon est d'inclure les professionnels pour avoir le même impact que le basketball et le tennis ont eu dans le passé.»

GYM et InterBox verraient d'ailleurs d'un bon oeil la participation de leurs athlètes aux Jeux.

«Nous, on les encourage, c'est certain, a a souligné Barré. Artur Beterbiev est venu nous en parler je ne sais pas combien de fois au cours des derniers mois. Lui, il veut y aller. Il a tellement aimé ses deux premières expériences olympiques qu'il souhaite y retourner. Il est tellement certain de ses moyens qu'il pense remporter le tournoi. Comme il est en début de carrière pro, même s'il est très bien classé mondialement, une défaite ne lui ferait pas trop mal. Mais pour un Artur Beterbiev, tu en as plusieurs qui vont "shaker".»

«Tout ce qui peut faire progresser ou avancer un boxeur est bon pour nous», a pour sa part indiqué Pierre Duc, vice-président d'InterBox.

Évidemment, cette décision de l'AIBA et du CIO ne fait pas l'unanimité. Le président du World Boxing Council (WBC), Mauricio Sulaiman, a sévèrement critiqué l'idée, tout comme Camille Estephan, président d'Eye of the Tiger Management, qui estime que les JO appartiennent aux amateurs. Il rejoint en ce sens l'ex-champion du monde Éric Lucas.

«Une fois que t'es un pro, t'es un pro, a dit Lucas. J'ai toujours pensé que les JO appartenaient aux amateurs, et j'aurais souhaité que ça demeure comme ça (dans tous les sports).»

«D'un côté athlétique, j'ai d'abord trouvé ça un peu bizarre, a raconté Jean Pascal, qui a pris part aux Jeux d'Athènes, en 2004, avant de passer chez les professionnels. Mais après réflexion, je me suis dit que d'autres pros sont aux Jeux, qu'on pense au basket, au hockey ou au tennis. Ça fait du sens finalement.»

Pascal serait même tenté par l'expérience.

«Dans ma position actuelle, ce serait très intéressant, puisque je ne suis plus champion du monde. Mais est-ce qu'un champion du monde courrait le risque de perdre contre un amateur? Et disons que tu es un boxeur considéré parmi les meilleurs au monde livre pour livre, mais que tu ne gagnes qu'une médaille de bronze au tournoi olympique, quel genre d'impact ça aurait sur ta réputation?»

Sur ce point, Barré est d'accord avec lui.

«Pour certains, ceux qui se battent pour des bourses de plusieurs centaines de milliers, voire de millions de dollars - comme Adonis Stevenson -, c'est un maudit risque à prendre. Mais nous sommes des gars de boxe et si des gars comme Adonis, Oscar Rivas ou Eleider Alvarez nous approchaient pour y aller, nous les encouragerions. Ce n'est peut-être pas la bonne approche pour les affaires par contre.

«Ce sont les pros qui ont tout à perdre. Ça va prendre du "guts". Qui va prendre cette chance? Prenons, chez les mi-lourds, (le triple champion du monde cubain) Julio Cesar de la Cruz: personne ne voudrait l'affronter. Tu risquerais de manger une volée! (...) Compte tenu de leur statut, les pros auraient tout à perdre. Et puis aux JO, les pros ne seraient pas payés pour aller là. Ça va en refroidir un paquet ça.

«Pour les premiers qui iront, ce sera encore pire: tout le monde s'attendra à ce qu'ils gagnent le tournoi. Au niveau de la réputation, ils auraient beaucoup à perdre.»

Des risques?

Sulaiman est allé plus loin, prédisant de «dangereux affrontements entre des professionnels aguerris et des boxeurs amateurs». Barré est loin d'être d'accord avec cette affirmation.

«Les quelque 250 boxeurs qui se retrouvent aux JO sont les meilleurs amateurs au monde et pour plusieurs d'entre eux, on pourrait facilement les placer parmi les 15-20 meilleurs professionnels, peut-être mieux que ça. (...) La crème de la crème des boxeurs amateurs se retrouve aux Jeux et je n'ai aucune inquiétude qu'ils pourraient faire mal aux professionnels à ce niveau.»

Au détriment des amateurs?

Comme Lucas, certains ont invoqué que la présence des professionnels se ferait au détriment des boxeurs amateurs. Ce ne serait pas le cas au Canada.

«Chaque fédération peut décider d'envoyer des pros ou pas. Au Canada, nous donnerons la priorité aux athlètes de Boxe Canada, a expliqué Fiacco. (...) S'il y a des catégories de poids où nous n'avons pas qualifié de boxeur, nous inviterons alors des professionnels, mais ceux-ci devront faire partie du top 10 mondial.»

«Il y a un paquet de professionnels qui ne seraient pas capables de passer au travers du processus de qualifications actuellement parce que le calibre est tellement relevé», a ajouté Barré.

«Je ne pense pas que ça priverait les boxeurs amateurs de vivre leur rêve, a conclu quant à lui Pascal. Je pense d'ailleurs que certains amateurs pourraient battre des professionnels. Et pour certains, ça faciliterait leur passage chez les pros.»