Il y a trois ans, quand elle a quitté Montréal pour la Floride, la combattante Valérie Létourneau ne savait pas très bien où s'en allait sa carrière. Il n'y avait pas de femmes à l'UFC et seuls quelques geeks avaient entendu parler de Ronda Rousey.

Le grand patron de l'UFC, Dana White, jurait que jamais des femmes ne se battraient dans son organisation. Georges St-Pierre déclarait qu'il n'aimait pas voir deux femmes dans l'octogone. Trois ans plus tard, White ne jure que par ses championnes, Georges St-Pierre n'est plus dans le décor et Ronda Rousey a rempli le vide laissé par son départ.

Jeudi, quand La Presse a parlé à Valérie Létourneau, elle se tenait à quelques pas de Rousey, prise dans un tourbillon médiatique en Australie. « Une folie médiatique comme ça, je n'ai jamais vu ça dans ma carrière. Ce que j'avais vécu avant, ce n'était même pas proche », a lancé Létourneau au bout du fil.

Samedi soir à Melbourne, Létourneau va affronter la championne de l'UFC à 115 livres, Joanna Jedrzejczyk. On attend une foule record de 70 000 personnes surtout venues voir Ronda Rousey, championne à 135 livres, affronter Holly Holm.

EXPLOIT

Il s'agit d'un défi de taille pour Létourneau. Ce ne sera que son quatrième combat à l'UFC. Jedrzejczyk est aussi dure à battre que son nom l'est à prononcer. La Polonaise est d'ailleurs invaincue en 10 combats et est favorite à 20 contre 1.

Mais peu importe. La seule présence de Létourneau dans ce combat de championnat du monde relève de l'exploit. La Québécoise de 32 ans a eu un parcours difficile, de centre jeunesse en familles d'accueil.

Elle a aussi choisi en 2012 de quitter Montréal pour poursuivre sa carrière en Floride. Elle a dit adieu à l'équipe Tristar où évoluait Georges St-Pierre pour se joindre à l'American Top Team. À ce moment, personne ne se doutait que les arts martiaux mixtes au féminin allaient connaître une explosion.

« Il y a trois ans, c'était très différent. Je ne veux pas pointer le Tristar uniquement, malheureusement tous les gyms étaient comme ça. Il n'y avait pas assez de temps pour les filles », explique Létourneau.

« Les filles ont besoin d'autant d'entraînement que les gars pour apprendre le sport. Mais on était un peu une perte de temps pour des gyms. Le Tristar avait GSP, Rory McDonald... Mais moi, je n'avais aucune chance de faire l'UFC parce qu'il n'y avait pas de femmes dans l'UFC à ce moment-là. C'était dur de faire ma place. Après 10 ans, j'en ai eu un peu mon quota. »

En Floride, elle est partie s'entraîner dans un gymnase qui comptait plusieurs combattantes. Puis les choses ont changé du jour au lendemain. L'UFC a ouvert ses portes aux femmes, Rousey est devenue une superstar et les gyms ont commencé à s'occuper de leurs combattantes avec sérieux.

PHOTO PAUL CROCK, AGENCE FRANCE-PRESSE

Joanna Jedrzejczyk et Valérie Létourneau

Cette voie rapide vers le combat de championnat pourrait permettre à Létourneau de surprendre la petite planète UFC. Elle va entrer en action vers 23 h, heure du Québec.

Pendant ce temps, sa mère et sa fille vont regarder le combat à la télé. Sa fille de 10 ans, Gabrielle, est-elle nerveuse de regarder sa mère se battre ? 

« Du tout, c'est elle qui s'occupe de ma mère, qui la calme, qui lui répète que tout est sous contrôle. Elle comprend ce qui se passe. »

Son sport a changé du tout au tout en trois ans. Valérie Létourneau espère maintenant que cinq rounds suffiront à changer sa vie.