À quelques semaines du combat de son poulain contre l'Anglais Carl Froch, l'entraîneur de Lucian Bute s'est entretenu avec La Presse. Comment se déroule le camp d'entraînement en Floride? Quelle stratégie adopter? À quand un combat contre Jean Pascal? Stéphan Larouche fait le point.

Q: Comment se déroule l'entraînement de Lucian Bute (30-0, 24 K.-O.) en prévision du combat du 26 mai contre Carl Froch (28-2, 20 K.-O.)?

R: Ça va très, très bien. On commence la sixième semaine du camp de boxe en Floride. On avait déjà fait trois semaines de préparation physique en février. On a du bon sparring contre des adversaires de qualité. Quand on aura fini ce camp-là, on aura vu sept partenaires d'entraînement. C'est un record pour nous.

Q: Vous serez confrontés à une foule carrément hostile à Nottingham. En quoi ce camp diffère-t-il des autres?

R: Là-bas, on va être dans un environnement qu'on maîtrise moins, et c'est surtout ça qui va faire la différence. C'est un enjeu majeur. On s'est muni d'enregistrements de bruits de fond de quelques combats de Carl Froch en Angleterre. Les bruits d'une foule agressive. On fait jouer ça en boucle à l'entraînement, à différentes intensités.

Parfois, je dis à Lucian qu'on est rendu à tel round, que le combat est égal, et je monte le son de la foule en arrière. Là, mes pulsations montent. On embarque dans une frénésie, une ambiance incroyable. Une foule comme ça peut être un poids sur les épaules d'un athlète. Mais je pense que Lucian va arriver là-bas prêt à en faire une arme.

Q: La différence se situe aussi au niveau des juges: se battre à l'étranger est périlleux.

R: Froch est un gars très fort physiquement, avec un menton de granit, beaucoup de courage et une bonne condition physique. Il a les ingrédients pour nous donner des problèmes. Mais en plus, il est chez lui. C'est certain que Froch, pour un minimum d'efficacité, va recevoir un maximum de récompenses de la part de la foule et des juges. Lucian n'aura pas la même récompense qu'il a l'habitude d'avoir à Montréal.

«Il n'aura pas la même sensation quand il va toucher Froch. C'est la réalité.

Q: Il devra en faire plus qu'à ses autres combats?

R: Lucian devra faire en sorte que ce soit clair, aux yeux des juges, qu'il maîtrise la bataille. Ça fait partie de notre entraînement, ça fait partie de nos pensées. Un petit moment de laisser-aller à Montréal, ce n'est pas si grave. En Angleterre, ça peut être interprété différemment.

Q: Même s'il sera à l'étranger, Bute est quand même le champion IBF.

R: Oui. Mais Lucian a fait une bonne analogie. Il m'a dit que lorsqu'il arrivera là-bas, il va mettre la ceinture sur la table. Symboliquement, elle va être vacante et il va falloir la regagner. Je veux que Lucian pense, agisse comme un aspirant. Il devra montrer qu'il a faim de devenir champion du monde.

Q: Récemment, Adonis Stevenson a défié Lucian Bute. Jean Pascal le fait régulièrement. Est-ce que ce bruit de fond vous dérange?

R: Il y a aussi eu David Lemieux... Mais non, ça ne nous dérange pas. Lucian veut se battre contre les meilleurs, contre Carl Froch, contre Mikkel Kessler, contre Andre Ward. On attend notre tour, et c'est normal que ceux derrière nous crient, surtout les boxeurs qui ne vendent pas beaucoup de billets.

Q: Mais que pensez-vous de l'idée que votre boxeur participe à un combat local?

R: On a des dossiers à régler chez les 168 livres avec les meilleurs boxeurs au monde. Mais si Jean Pascal bat Tavoris Cloud à l'été et qu'on arrive chez les mi-lourds, un combat contre Pascal pourrait être gros. Mais là, on est concentrés sur Carl Froch. Après le 27 mai, on pensera au futur.

Q: Ce sera le 31e combat que vous passez dans le coin de Lucian Bute. Des associations aussi longues sont rares en boxe. Comme un vieux couple, vous vous tombez sur les nerfs parfois?

R: On a une capacité lui et moi de ne pas entrer dans la bulle de l'autre. Je dois dire aussi que Lucian est un gars facile à vivre. Moi, je ne suis pas facile à vivre. Je suis un «chialeux», un «chialeux» de nature (rires). Mais c'est un plaisir et c'est une fierté d'être associés depuis si longtemps. Lucian est fier de dire qu'il a toujours eu le même entraîneur. Moi, je suis fier de dire que je l'ai lancé. C'est une fierté commune.