Au moment où elle vit ses meilleurs moments en Coupe du monde de ski alpin, Valérie Grenier est de nouveau stoppée dans son élan.

Deux jours après sa troisième place en descente, l’athlète de 27 ans a subi une grave chute au super-G de Cortina d’Ampezzo, dimanche.

Arborant le dossard 20, Grenier semblait se diriger vers un autre podium quand le tracé l’a surprise dans le dernier secteur du parcours, au moment où elle filait à près de 100 km/h.

En voulant corriger sa trajectoire pour éviter une porte, elle a été projetée dans les airs par une compression, effectuant une vrille complète avant de retomber lourdement sur la piste. La représentante du club de Mont-Tremblant a glissé sur plusieurs dizaines de mètres le long de la clôture de sécurité, avec pour seule réaction un gémissement.

Quelques secondes plus tard, la production télé a cessé la diffusion des images, orientant son découpage vers la Suissesse Lara Gut-Behrami, qui grimaçait dans le siège de la meneuse, et le physiothérapeute Alexandre Gariépy et le technicien Nicolo Carpentieri, qui venaient d’accompagner la Canadienne dans le portillon et qui maintenant s’inquiétaient de son état.

« Elle a dû être évacuée en luge par la patrouille et est actuellement examinée par le personnel médical de l’équipe », a fait savoir Canada Alpin dans une courte déclaration peu de temps après.

Quelques heures plus tard, la fédération a précisé que Grenier était touchée à une épaule. « Elle a reçu un diagnostic de blessure à l’épaule qui devrait nécessiter une intervention chirurgicale. Plus d’informations seront fournies lorsqu’elle aura subi un examen plus poussé à Innsbruck dans les prochains jours. »

Auteure de la pointe de vitesse la plus élevée en haut de parcours (107,98 km/h), Grenier avait réalisé les chronos les plus rapides dans les deux premiers secteurs, pointant à seulement 0,18 s de Gut-Behrami dans le troisième et avant-dernier. Le schuss final était en point de mire et il ne lui restait qu’une vingtaine de secondes en course quand elle est tombée.

Après une quinzaine de minutes d’interruption pour procéder à son sauvetage et son évacuation, la partante suivante, la Suissesse Stephanie Jenal, a chuté dans le même secteur, arrêtant sa descente dans les filets. Elle a pu se relever et rallier l’aire d’arrivée par ses propres moyens.

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Stephanie Jenal

S’élançant parmi les dernières, l’Albertaine Cassidy Gray, seule autre Canadienne au départ, s’est classée 29e, à 3,46 s de la gagnante, Gut-Behrami, qui a devancé dans l’ordre l’Autrichienne Stephanie Venier (+ 0,21 s) et la Française Romane Miradoli (+ 0,41 s) pour décrocher le 41succès de sa carrière.

La piste Olimpie delle Tofane a été sans pitié depuis le début des compétitions vendredi : l’Américaine Mikaela Shiffrin ainsi que les Suissesses Corinne Suter et Joana Hählen ont subi des blessures sérieuses dans la reine des Dolomites. Shiffrin a déclaré forfait pour la prochaine Coupe du monde tandis que la saison de Suter, la championne olympique en titre touchée à un genou, est terminée.

Au total, près d’une vingtaine de chutes ont été compilées durant les trois jours de course à Cortina, incitant certains observateurs à remettre en question la sécurité sur l’étroit parcours italien, qui a d’abord servi pour les hommes aux Jeux olympiques de 1956.

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Un hélicoptère a évacué l’Américaine Mikaela Shiffrin.

Championne mondiale junior de descente en 2016, Valérie Grenier a été éprouvée par des ennuis de santé en début de carrière. Ralentie pendant trois campagnes par un syndrome du compartiment qui lui causait de fortes douleurs aux tibias, elle s’est fait opérer à deux reprises, la dernière fois au printemps 2018, deux mois après son sixième rang au super combiné des JO de PyeongChang.

L’hiver suivant, elle a fini quatrième au super-G de Cortina. Quelques semaines plus tard, elle s’est fracturé une jambe à quatre endroits après une chute à l’entraînement aux Championnats du monde d’Äre, en Suède. Elle a raté la totalité de la saison 2019-2020 pour guérir adéquatement après deux opérations.

À son retour, un « blocage mental » l’a empêchée de s’aligner dans les épreuves de vitesse (super-G et descente). Elle s’est donc consacrée au slalom géant, discipline qui lui a permis de décrocher un tout premier podium en Coupe du monde, une victoire, le 6 janvier 2023 à Kranjska Gora, en Slovénie. « J’ai toujours cru que j’étais capable », avait-elle réagi. Elle a ajouté une troisième place aux finales en Andorre, pour terminer la campagne cinquième de la spécialité, un sommet personnel.

Elle a poursuivi sur sa lancée cette saison, alignant six résultats parmi les 10 premières en géant, dont une 8e et une 6e positions à Mont-Tremblant, sa station d’attache, en décembre. Elle a conclu cette séquence heureuse par une autre victoire à Kranjska Gora, le 7 janvier. Elle pointe actuellement au cinquième échelon du classement du géant.

Parallèlement, la native de Saint-Isidore a repris graduellement l’entraînement en vitesse, disputant des super-G quand les conditions s’y prêtaient. Après discussions avec son coach, elle a décidé de s’aligner sur la descente de Cortina, vendredi, avec la seule intention de maintenir son statut l’autorisant à participer aux entraînements chronométrés en amont des courses. À sa première descente officielle en près de cinq ans, elle a fini troisième en dépit de son dossard 31, à égalité avec deux concurrentes.

« Je ne pensais pas que c’était possible de monter sur le podium, surtout pas en descente, a-t-elle déclaré à La Presse. C’est tellement une grosse surprise, c’est extrêmement inattendu ! »

Se disant « plus motivée que jamais », elle a raté une porte durant la deuxième descente présentée samedi à Cortina, forçant son abandon.

En attendant les résultats de son évaluation médicale à Innsbruck, Valérie Grenier peut d’ores et déjà faire une croix sur le slalom géant de Kronplatz, prévu mardi, toujours dans les Dolomites, qui ont été sans pitié en fin de semaine.