Jamais Justine Dufour-Lapointe n’aurait eu la prétention de vouloir devenir championne du monde à sa première saison sur le Freeride World Tour (FWT). C’est pourtant ce qui est arrivé et elle doit vivre avec de nouvelles attentes.

Dufour-Lapointe revenait d’un camp d’entraînement en Autriche lorsqu’elle a répondu au téléphone. Dans quelques semaines, elle amorcera sa deuxième campagne en freeski. Cependant, la situation actuelle est bien différente, car elle entamera la saison avec l’objectif de défendre son titre de championne du monde.

J’ai envie d’attaquer cette saison avec cette même naïveté. Ce même bonheur que j’ai pris l’an dernier.

Justine Dufour-Lapointe

Parce qu’après une carrière prolifique de 12 ans en ski acrobatique ponctuée de deux médailles olympiques, un titre de championne du monde et 15 victoires en Coupe du monde, il était difficile de se fixer des attentes dans une toute nouvelle discipline. Beaucoup plus sauvage, dangereuse et contre-intuitive.

Or, elle plongera dans cette nouvelle saison avec certains a priori et surtout la certitude de pouvoir gagner. Toutefois, pour l’athlète de 29 ans, le bonheur réside dans le plaisir de skier. La victoire compte, mais sans être secondaires pour autant, ses sensations sur ces glaciers imprévisibles importent davantage. « Ce que tu réalises, c’est que ce qui te remplit de bonheur, c’est le feeling de skier, d’arriver en bas et d’être fière. Et le résultat arrive naturellement. »

Les attentes

Même si gagner le titre de championne du monde était « un rêve » pour la Québécoise, elle refuse de changer son approche. Comme l’an dernier, elle est là pour apprendre et pour s’émerveiller. Disons que triompher accélère quelque peu le processus d’apprentissage, alors elle s’attardera aux détails peut-être plus vite que prévu.

« Je me sens en meilleure position pour aller explorer et repousser mes limites, repousser les sauts, en faire plus encore. C’est ce qui est génial. C’est de pouvoir aller approfondir le freeride », dit-elle.

Plus de backflips, plus de figures, plus de 360. Je vais avoir plus ce luxe-là, étant donné que j’ai plus d’expérience que l’an dernier.

Justine Dufour-Lapointe, à propos de la nouvelle saison

Et malgré ce titre pour le moins inattendu, elle refuse de s’ajouter de la pression inutile. « J’ai envie de bien skier, de bien performer et c’est dans ma nature d’être perfectionniste, de travailler fort et de vouloir accomplir le meilleur avec mes capacités », souligne la Montréalaise.

Terminer sa deuxième saison sur le circuit sans pouvoir défendre son titre de championne du monde ne serait pas nécessairement un constat d’échec. Principalement parce que cette aventure ne se limite pas seulement aux performances et au rendement. Il s’agit surtout d’une longue épopée pour finalement être en paix avec la décision d’être allée de l’avant seule comme une grande.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Justine Dufour-Lapointe en 2022

Se débrouiller

Toute sa vie, Dufour-Lapointe a été entourée. Par sa famille ou par les membres de l’équipe canadienne de ski acrobatique. À l’époque, tout était si simple. À la moindre question, la moindre embûche, le moindre souci, elle savait vers qui se tourner.

Dorénavant, dans les plus hautes montagnes d’Europe, elle est seule avec elle-même. Et c’est sans doute le plus grand défi de cette aventure outre-mer.

« C’est essais et erreurs. C’est clairement différent de ce que j’ai vécu avant où tu as une équipe complète. Pour moi, c’est un cheminement personnel », précise-t-elle.

Puis, ce travail en continu sur elle-même est le plus beau cadeau qu’elle aurait pu s’offrir presque au tournant de la trentaine.

Ce travail, cependant, ne s’est pas amorcé il y a seulement un an. Depuis 12 ans, elle s’efforce d’être la plus résiliente et combative possible. Et ça a paru sur la neige l’an passé, croit-elle.

« Il y a aussi l’arrière-scène de la préparation mentale, de la gestion de stress et je me suis entraînée pendant 12 ans à gérer le stress d’une compétition. Je suis rendue à un niveau qui est adapté à plusieurs sortes de stress. »

Reste que lorsqu’elle n’a pas les deux pieds attachés à ses skis, elle doit quand même apprendre à vivre isolée.

Pour un être grégaire comme elle, le défi peut paraître gigantesque. « C’est sûr que ça peut être épeurant et stressant de devoir prendre toutes ces décisions par soi-même. »

L’année dernière, elle a dû apprendre à vivre avec l’incertitude. Comme une sorte de mélange entre hasards et laisser-aller. « Comme trouver ma voiture de location, faire trois heures de route en Europe, où je ne sais pas du tout où je m’en vais, sans réseau et je dois me démerder », se souvient-elle.

« Ce sont ces expériences qui ont été vraiment riches et intéressantes. » Et c’est ce qu’elle voulait vivre en se lançant dans le freeride. Bien au-delà du ski.