La skieuse Valérie Grenier revient sur sa victoire historique au slalom géant de la Coupe du monde de Kranjska Gora, le 7 janvier.

À 26 ans, Valérie Grenier commençait à douter. Elle regardait autour d’elle et voyait des skieurs de son âge accumuler les podiums en Coupe du monde. Elle se butait à des quatrièmes ou cinquièmes places. Peut-être n’y arriverai-je jamais ? a parfois pensé l’ancienne championne mondiale junior.

Un technicien de l’équipe l’a aidée à voir les choses autrement : « Pense à ton parcours, aux obstacles que tu as traversés, tes douleurs chroniques aux chevilles, les opérations, tes fractures à une jambe en 2019, la saison et demie ratée, la peur en vitesse, la longue réadaptation… »

Cette mise en perspective a rappelé à l’athlète de Saint-Isidore, en Ontario, que la flamme était loin d’être éteinte.

« Je n’ai jamais voulu lâcher », évoque-t-elle depuis Cortina d’Ampezzo, où elle reprend la compétition cette semaine en Coupe du monde.

« Je me suis toujours battue au max pour revenir à 100 %. Au plus profond de moi, j’ai toujours cru que j’étais capable. Mais tu as parfois des doutes où tu te dis que ça n’arrivera peut-être jamais. On a toutes des rêves de podium. J’en connais, des filles qui ont arrêté et qui n’ont jamais réussi. C’est vraiment triste. J’avais parfois peur que ça m’arrive. »

Le 7 janvier, à Kranjska Gora, une station alpine du nord-ouest de la Slovénie, Grenier a effacé ces appréhensions. Et de quelle façon !

Alors que toute la planète ski attendait le 82e succès de Mikaela Shiffrin, qui l’aurait mise à égalité au sommet avec sa compatriote Lindsey Vonn, c’est la Franco-Ontarienne de l’équipe canadienne qui a volé le spectacle.

Elle a d’abord enregistré le meilleur temps de la manche initiale, une première pour elle à son 41e départ en slalom géant. À sa grande surprise, les trois heures d’attente avant le début de la seconde descente ne lui ont pas paru une éternité. Elle s’est amusée avec ses coéquipières, comme si de rien n’était.

Dernière à s’installer dans le portillon, elle n’était pas plus nerveuse.

C’est fou parce que j’étais tellement confiante, relax. Comme si j’avais ma place là. Je ne pensais pas me sentir comme ça. J’étais très fière. C’est vraiment le meilleur sentiment que je pouvais avoir.

Valérie Grenier

Elle a skié avec grande détente, sans changer sa tactique. Sur un parcours entamé, elle a réalisé le meilleur chrono de cette deuxième manche pour évidemment signer la victoire, creusant une avance de 37 centièmes sur l’Italienne Marta Bassino (26 ans, 27 podiums en Coupe du monde) et de 40 sur la Slovaque Petra Vlhová (27 ans, 65 podiums).

La Franco-Ontarienne n’a même pas levé les bras en voyant le résultat, se contentant de serrer les poings dans ses gants et de lâcher un « yes » bien senti. Elle est restée seule quelques secondes dans l’aire d’arrivée, incrédule et souriante après être devenue la première Canadienne en près de 50 ans à accomplir un tel exploit en slalom géant [Kathy Kreiner avait remporté le slalom géant de Pfronten, en Allemagne, en 1974].

« Je n’en revenais pas, c’était juste comme irréel. J’étais sous le choc. »

Réservée

Son apparente absence de réaction en a surpris plus d’un. Elle jure qu’elle était au septième ciel et que sa réserve n’est attribuable qu’à son tempérament.

« Je suis vraiment gênée quand toute l’attention est sur moi. On dirait que je suis incapable d’avoir une grosse réaction. C’est dur à expliquer, mais c’est comme : regardez-moi pas ! »

Ses coéquipières Sarah Bennett, Britt Richardson et Cassidy Gray se sont chargées de l’émotion en lui sautant dans les bras dans une belle démonstration d’euphorie collective.

PHOTO PIERRE TEYSSOT, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Valérie Grenier célèbre sa victoire avec ses coéquipières.

Pour l’anecdote, Grenier a échappé un mot en F en acceptant les félicitations de Marta Bassino, transgression captée par le micro de la FIS… Sa mère lui a suggéré de commencer par arrêter de sacrer dans la vie de tous les jours, comme ça elle aura moins de risques de se retrouver dans une telle position à la télé…

La Canadienne en a discuté avec quelques collègues du circuit pendant une marche à Cortina cette semaine.

« Ça m’a fait du bien d’entendre que je n’étais pas la seule ! Federica Brignone disait qu’elle sacre souvent quand elle descend ou qu’elle sort de parcours. Ce n’est pas ce qu’elle veut, mais en même temps, c’est ta véritable nature qui ressort dans ces moments-là. Ragnhild Mowinckel, la Norvégienne, a vécu la même chose et ça avait fait les manchettes dans son pays. Ça arrive sur le coup et on ne fait pas exprès… »

Au lendemain de sa victoire, Grenier a terminé sixième du deuxième géant de Kranjska Gora, remporté par Shiffrin.

« Je n’ai pas fini, j’en veux plus », annonce Grenier, qui pointe dorénavant à la septième place au classement de la discipline. Libérée du doute, elle regarde avec appétit les deux slaloms géants de Kronplatz (Italie), la semaine prochaine, et celui des Mondiaux de Méribel, le 16 février.

Finie la peur

PHOTO JOE KLAMAR, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Valérie Grenier en super-G à St. Anton le 14 janvier

Ralentie par un blocage psychologique depuis sa grave blessure lors d’un entraînement de super-G aux Mondiaux de 2019, Grenier a vaincu sa peur en vitesse.

L’athlète de 26 ans a pris les 23e et 24e rangs lors de deux super-G à St. Anton, en Autriche, la fin de semaine dernière. Pour le premier, elle regrettait une grosse erreur qui lui a fait perdre énormément de temps en fin de parcours. Elle était déterminée à faire mieux le lendemain, mais des problèmes gastriques ont sapé toutes ses énergies.

« Au tiers de la course, mes jambes étaient mortes. Je me sentais comme à la fin d’une grosse descente. Je n’avais aucune énergie dans les jambes et ç’a été vraiment difficile. »

La représentante du club de Mont-Tremblant a retrouvé ses forces mardi. Par mesure de prudence, elle a déclaré forfait pour la descente d’entraînement de mercredi. Elle prévoit s’élancer ce jeudi, probablement avec un manteau et un pantalon pour réduire la vitesse. Son objectif est de simplement reconnaître la piste sur laquelle elle doit disputer le super-G programmé dimanche.

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