En plein cœur de l’hiver, Canada Alpin (ACA) perd son directeur de la haute performance (DHP). Son remplacement n’est pas garanti.

Le 22 décembre, la fédération a discrètement annoncé le départ prochain de Phil McNichol, DHP de l’équipe alpine depuis mars 2020. Après deux saisons et demie dans cette fonction, l’Américain d’origine quittera définitivement son poste le 10 février.

« Je ne connais pas trop les raisons de son départ, mais ça faisait quelques années qu’il était là et il a fait avancer les choses », a commenté Erik Guay, membre du conseil d’administration d’ACA et du nouveau comité consultatif intérimaire de haute performance chargé de la transition.

Je pense qu’il voulait prendre une autre direction. C’est correct. J’ai toujours bien travaillé avec Phil. Il a de bonnes idées et connaît le ski. Ce sont peut-être des affaires personnelles qui font qu’il veut passer à autre chose.

Erik Guay

Est-ce une perte pour l’organisation ? « S’ils ne sont pas capables d’être tout là mentalement, s’il y a des trucs personnels [à considérer], je pense que ce n’est pas la meilleure chose qu’ils restent en poste, a répondu l’ex-champion mondial. Les entraîneurs qu’on veut doivent être motivés, doivent avoir envie d’être chez nous. Oui, je suis un peu déçu parce que c’est un gars qui a beaucoup de connaissance. D’un autre côté, on a besoin d’entraîneurs capables d’être engagés à 100 %. »

Ancien entraîneur-chef de l’équipe masculine américaine, McNichol a dû composer avec les bouleversements de la pandémie dès le début de son mandat.

« Le temps passé au sein de Canada Alpin a été une expérience profondément enrichissante », a indiqué Phil McNichol, qui a immigré au Canada en 2018, dans le communiqué. « Ce fut une expérience stimulante que de travailler avec du personnel et de nombreux athlètes aussi talentueux et je suis fier de l’amélioration du programme alpin et des résultats en compétition au cours de mes trois saisons à la barre de l’équipe. »

Sous sa gouverne, l’équipe a connu sa meilleure saison en plus d’une décennie avec trois podiums en Coupe du monde, 34 résultats parmi les 10 premiers et une médaille olympique à Pékin, le bronze de James Crawford au combiné alpin, a souligné Canada Alpin.

« C’est l’un des postes les plus exigeants dans le monde du sport au Canada, et Phil a grandement contribué au succès de notre équipe », a renchéri la PDG Thérèse Brisson, qui n’était pas là au moment de son embauche par sa prédécesseure Vania Grandi.

Crawford a ajouté deux podiums cet hiver tandis que Valérie Grenier a remporté le slalom géant de Kranjska Gora le 7 janvier, une première en près de 50 ans pour une skieuse canadienne.

« Ça peut toujours mieux aller, a évalué Erik Guay. On a une plus petite équipe et des résultats au moins aussi bons qu’on a eus dans le passé, sinon mieux. C’est sûr qu’on recherche plus de constance. »

« A-t-on besoin d’un directeur ? »

À entendre Guay, McNichol a peut-être eu du mal à s’adapter à la réalité canadienne. « On a un budget vraiment très limité. Phil a grandi avec des budgets américains qui sont trois fois ou même quatre fois [plus grands que] ce qu’on a en ce moment. Ça nous prend des entraîneurs qui sont capables de voir les choses et de travailler autrement. »

Selon Guay, le Canada doit adapter ses méthodes. « Les Américains ont un gros budget ; ils voyagent beaucoup et ils ont une grosse équipe. C’est un peu la mentalité des pays de l’Europe centrale, c’est-à-dire d’avoir une grosse équipe et espérer que quelques athlètes performent. Nous, on prend plus l’approche des Norvégiens, soit d’avoir moins d’athlètes, mais bien les entourer et les encadrer et s’assurer qu’ils performent. »

Dans ce contexte, les compromis sont inévitables. Il cite l’exemple du jeune groupe technique féminin, dont des membres auraient avantage à sillonner le circuit de la Coupe d’Europe plutôt que la Coupe du monde.

« On n’a pas le budget pour faire fonctionner une équipe Coupe d’Europe ; ces filles-là sont prises un peu à faire les deux. Ce n’est pas la fin du monde, mais idéalement, il y a bien des filles qui seraient seulement en Coupe d’Europe. »

Guay ne croit pas que le départ précipité de McNichol affectera les performances à court terme. Il a confiance en Karin Harjo et Mark Tilston, entraîneurs-chefs respectifs des équipes féminine et masculine embauchés par McNichol. Son ancien coéquipier John Kucera, responsable du groupe masculin de vitesse, a également beaucoup d’expérience.

On est à un endroit où on se pose même la question : a-t-on besoin d’un directeur de la haute performance ? Honnêtement, je n’ai pas la réponse. Normalement, oui, mais on a une petite équipe et ce n’est pas la fin du monde si on n’en a pas et qu’on peut économiser de l’argent.

Erik Guay

Sur le terrain, Grenier ne s’attend pas à voir de différences. Comme ses coéquipiers, elle a appris la nouvelle du changement lors d’un appel vidéo auquel participaient Brisson et McNichol.

« Il a vraiment essayé de faire beaucoup pour nous et je pense qu’il était bon dans sa job, a évalué la skieuse. C’est un emploi très difficile. Je ne peux imaginer ce que ça représentait pour lui. Je pense que c’était difficile et qu’il était un peu brûlé. Je suis vraiment reconnaissante de tout ce qu’il a essayé de faire pour nous et c’est dommage que ça finisse comme ça. »

Malgré l’incertitude, la recherche d’un remplaçant est commencée. Erik Guay se dit « à l’aise » avec le nom des candidatures qui ont filtré. Le sien n’est pas dans le lot, lui qui ne veut pas se remettre à voyager autant pour l’instant.

Dans un monde idéal, un ou une Canadien(ne) assurerait la direction de la haute performance.

« On essaie de construire une équipe canadienne avec des entraîneurs canadiens, ce qui n’a pas toujours été le cas chez Canada Alpin, a souligné Guay. À moins que ce soit vraiment quelqu’un d’exceptionnel qui nous tombe dans les bras. Sinon, on cherche dans le système. »

Dans son communiqué, ACA a réitéré « sa vision de faire du Canada une nation de premier plan mondial en ski de compétition ». L’objectif de faire partie des trois meilleures aux JO de Cortina en 2026, fixé par le nouveau c. a. en 2019, n’est cependant pas mentionné.

Six courses sont prévues ce week-end en Coupe du monde, dont deux descentes à Kitzbühel (vendredi et samedi) où trois Canadiens se sont glissés dans le top-20 lors de l’entraînement de jeudi. Chez les femmes, Marie-Michèle Gagnon, 15e et 11e à l’entraînement, tentera de retrouver ses marques en descente à Cortina d’Ampezzo vendredi et samedi. Grenier l’accompagnera dimanche en super-G.