(Calgary) Un entraîneur québécois était très satisfait à l’issue de la Coupe du monde de patinage de vitesse longue piste de Calgary, dimanche. Et pas seulement celui de Laurent Dubreuil.

Gabriel Girard a mené les Américains au premier doublé de leur histoire à la poursuite par équipes. Les hommes ont remporté l’or, les femmes, le bronze. Pour sa part, Mia Kilberg a gagné l’argent au départ de groupe. La détentrice du record du monde et médaillée de bronze olympique au 1000 m, Brittany Bowe, a fini 11e à son retour à la compétition.

Aux Jeux olympiques de Pékin, l’hiver dernier, l’équipe américaine masculine de poursuite s’est emparée du bronze après avoir établi la marque mondiale deux mois plus tôt.

Depuis les gradins, Gregor Jelonek, l’entraîneur de Dubreuil, a levé le pouce à l’intention de son ancien patineur. Quelques jours plus tard, c’était au tour de Girard de féliciter son ex-coach pour la médaille d’argent remportée par Dubreuil au 1000 m, une première pour Jelonek.

« Il était comme foudroyé ! », s’est souvenu Girard avec amusement, dimanche, avant la dernière journée de compétition à Calgary. « Il m’a pris et il m’a brassé comme ça tellement il était emballé. C’est comme s’il avait besoin d’un paratonnerre. »

Originaire de Portneuf, Girard en était à sa deuxième expérience aux Jeux. À PyeongChang en 2018, son protégé allemand Patrick Beckert s’était classé septième au 10 000 m, une déception pour le médaillé de bronze des Mondiaux précédents.

À l’époque, le bachelier en éducation physique à l’Université Laval partageait son temps entre le coaching et du remplacement dans des écoles primaires à Montréal. Après son retour de la Corée du Sud, la fédération chinoise l’a embauché comme entraîneur du recrutement et du développement des patineurs de l’équipe nationale établis à Calgary en prévision des Jeux de Pékin.

L’expérience n’a pas été très heureuse. Le Québécois garde un mauvais souvenir des compétitions et des activités de détection de talent dans des régions reculées de la Chine.

« On passait 40 jours au milieu de nulle part. On était un peu comme dans une foire bovine dans le sens où on allait recruter des athlètes qu’on choisissait par leur numéro. C’était ridicule. C’est tellement toxique et malsain comment ils traitent leurs athlètes. »

Après un an, Girard est donc retourné à l’enseignement dans une école francophone primaire de Calgary. Un appel inattendu de US Speedskating, qui avait entendu de bons mots au sujet de ses deux années pour des équipes professionnelles aux Pays-Bas, l’a ramené sur deux lames.

Le nouveau défi

À l’automne 2019, sa femme et lui ont paqueté leurs avoirs dans un camion, mis leur auto sur une remorque et traversé les États-Unis en pleine tempête jusqu’à Salt Lake City. Peu après son arrivée, l’entraîneur Ryan Shimabukuro a fait un arrêt cardiaque et Girard a hérité de tout le groupe.

J’ai été bien reçu. Seulement, quand il y a des vétérans avec qui tu n’as que deux ans d’écart d’âge, la conversation est différente.

Gabriel Girard

Au début de la pandémie, Girard et sa femme ont fait le « pari » de rester en Utah, ne sachant pas s’ils pourraient revenir au pays après une visite au Canada.

« L’isolement a commencé, et on a eu deux ans de préparation pour la poursuite par équipes. On a fait le record du monde [masculin] à Salt Lake City, l’an dernier, et le record de piste ici une semaine plus tard. »

Pour les Jeux de Pékin, le patineur Casey Dawson a dû retarder son arrivée en raison d’une infection à la COVID-19. Ses lames se sont également perdues dans le voyage.

Dans les circonstances, Girard se réjouit de la médaille de bronze obtenue par ses trois protégés, qui ont battu les puissants Néerlandais.

PHOTO FOURNIE PAR GABRIEL GIRARD

Ethan Cepuran, Gabriel Girard, Emery Lehman et Casey Dawson

« Pour certaines personnes, une médaille d’or aux championnats du monde a plus de valeur, mais moi, je vais prendre n’importe quelle couleur de médaille olympique avant ça. C’est un moment spécifique aux quatre ans, c’est assez exceptionnel. »

Après Pékin, où les Américains ont décroché trois podiums, un sommet depuis 2010, Girard s’est réengagé pour quatre autres années « en échange d’une carte verte » pour sa femme et lui. Shimabukuro se concentre sur les sprints, tandis que lui est responsable des distances à partir de 1500 m, de la poursuite et des départs de groupe.

« Brittany Bowe s’est jointe à mon groupe cette année. On a commencé lentement en juin, puis elle a été malade pendant un mois en septembre. L’idée, c’est d’étirer [sa carrière] pour quatre ans. Elle aura 37 ans en 2026. »

À la découverte de Stolz

PHOTO JAN KARE NESS, ARCHIVES NTB

Jordan Stolz

À 37 ans, Gabriel Girard assiste avec curiosité à l’émergence de Jordan Stolz, un jeune prodige de 18 ans que Dubreuil qualifie de « patineur le plus talentueux des 50 dernières années ».

« Le plus talentueux depuis Eric Heiden, sans aucun doute », a tranché Dubreuil en faisant référence au quintuple médaillé d’or des Jeux de Lake Placid en 1980.

En Norvège, le mois dernier, Stolz est devenu le plus jeune gagnant d’une épreuve individuelle masculine en Coupe du monde. Son avance de 1,76 seconde sur le deuxième, le Canadien Connor Howe, était plus importante que l’écart entre Howe et le 16e, le Néerlandais Thomas Krol.

Après avoir dépossédé Dubreuil de son record mondial junior au 500 m, Stolz a été le troisième plus jeune patineur américain de l’histoire à se qualifier pour les Jeux olympiques, l’hiver dernier. Il se prépare actuellement à disputer ses premiers Mondiaux juniors, où il visera évidemment un maximum de titres en février.

Stolz vit toujours chez ses parents à Milwaukee, où il s’entraîne sous la gouverne de Bob Corby, un ancien coéquipier de Heiden. Girard n’y voit que du positif, même si US Speedskating aimerait le voir s’installer en permanence à Salt Lake City.

« Il n’a pas fini son secondaire, il faut le laisser aller un peu, a opiné le technicien de Portneuf. C’est un phénomène. Il me rappelle beaucoup Laurent. Après son record du monde junior, ça lui a pris 10 ans avant de gagner une médaille olympique. Il faut donc être prudent et ne pas trop lui mettre de pression. Les Jeux olympiques, c’est autre chose, la pression est immense. Et plusieurs choses peuvent se passer en quatre ans. »

Girard en sait quelque chose, lui qui n’a pas eu l’occasion de remettre les pieds dans son Québec natal depuis quatre ans. Peut-être sera-t-il celui qui guidera Stolz à la poursuite par équipes à Milan en 2026.