Et si la médaille d’argent de Mikaël Kingsbury aux derniers Jeux olympiques était en fait le « meilleur tremplin » pour le reste de sa carrière ? C’est ce que croient son préparateur mental… et le skieur lui-même.

Jean-François Ménard est le préparateur mental de Kingsbury depuis neuf ans. Il était à ses côtés à Pékin, en février dernier. « Quel athlète professionnel il a été ! », s’exclame-t-il au téléphone.

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En arrière-scène, le natif de Deux-Montagnes s’est préparé de façon « A-1 », affirme-t-il. En finale, il a livré une performance sans bavure. C’est toutefois, on s’en souvient, le Suédois Walter Wallberg qui a remporté les grands honneurs.

Dans les minutes qui ont suivi, Kingsbury a félicité son compatriote et répondu aux questions des médias dans une droiture et un calme olympiens, même si sa médaille n’était pas de la couleur souhaitée. « Il était très serein, observe M. Ménard. Tu voyais qu’il était déçu, mais en même temps, c’est un sport jugé. Ses adversaires ont bien skié. »

Et puis, la saison ne s’arrêtait pas là.

Dans les semaines qui ont suivi, le Québécois a tout raflé aux deux dernières Coupes du monde, obtenant ses 19e, 20e et 21e (!) globes de cristal en carrière. Un record.

« C’est sûr que le fait qu’il a fini deuxième aux derniers Jeux, c’est une source de motivation extraordinaire », affirme Ménard.

Depuis que je travaille avec Mikaël, chaque fois qu’il n’a pas gagné une course – ce n’est pas arrivé souvent –, il a gagné la suivante. Je n’ai jamais vu un athlète rebondir comme lui.

Jean-François Ménard, préparateur mental

« Évidemment, je ne lui souhaite jamais ça, je l’ai à cœur et je sais à quel point il aime gagner. Mais en même temps, ce résultat [aux Jeux olympiques] était peut-être le meilleur tremplin pour le restant de sa carrière. »

Évidemment tenu au secret professionnel, le préparateur mental se garde de tout nous dire. Mais il laisse tomber : « J’ai tellement hâte de voir ce qui va arriver cette année. J’ai une petite idée de ce qui va se passer. Mais je l’ai vu motivé comme jamais cet été. »

En accord

Quand on parle à Kingsbury des affirmations de son préparateur mental, il y adhère.

« Ce que j’ai accompli à Pékin, c’est incroyable. Tu mets peut-être un autre panel de juges, ou tous les autres panels de juges, et j’aurais gagné cette journée-là. Mais c’est un sport jugé et je suis content de la job que j’ai faite. Mais c’est sûr que quand on parle de tremplin, ça ne pouvait pas être une meilleure motivation », reconnaît-il.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Mikaël Kingsbury aux Jeux olympiques de Pékin

« Je voulais finir fort la saison. Sans dire rebondir des résultats de Pékin parce qu’ils étaient incroyables, je voulais arriver dans les dernières courses et montrer que c’est moi l’homme à battre, qu’importe ce qui arrive. »

Un polisseur

Jean-François Ménard a commencé à travailler avec Mikaël Kingsbury en 2014, dans les semaines qui ont suivi sa deuxième place aux Jeux olympiques de Sotchi. Du haut de ses 21 ans, le skieur était déjà bien entouré, mais il ne priorisait pas encore la préparation mentale.

« Une deuxième place aux Jeux olympiques, c’est un exploit extraordinaire, mais pour Mikaël, finir deuxième, c’est [être] le premier perdant. Et il n’aime pas perdre », lance-t-il en riant.

Kingsbury s’est donc entouré d’experts, y compris Ménard, dans l’objectif de remporter l’or aux Jeux suivants, à PyeongChang. Et c’est ce qu’il a fait, après avoir exercé une domination sur son sport pendant quatre ans.

Avant même qu’on travaille ensemble, Mikaël était un athlète très fort mentalement. C’était un gars qui visualisait beaucoup, qui avait une bonne attitude. Il a une super famille, il a été bien élevé, avec de bons principes et une éthique de travail exemplaire. Moi, j’aime dire que j’ai été un peu comme un polisseur pour lui.

Jean-François Ménard, préparateur mental

Ménard, qui a cosigné le livre Chimie d’équipe publié en septembre, a surtout apporté à son nouveau protégé des outils supplémentaires pour l’aider là où il y avait des lacunes.

À ce jour, Mikaël Kingsbury semble presque inébranlable. À croire que la nervosité ne fait pas partie de sa vie. Est-ce une façade ? demande-t-on au préparateur mental.

« Mikaël Kingsbury, c’est un humain comme tout le monde. Ce n’est pas un robot. Le fait qu’il semble aussi calme et en contrôle, ce n’est pas un hasard. Ça n’arrive pas par chance. Il y a beaucoup de travail qui est fait derrière les rideaux pour l’amener dans un état physiologique et psychologique calme, relax, serein. »

Aujourd’hui, alors que le skieur est au sommet de son sport, le travail de Ménard est surtout de faire du « peaufinage ». « C’est facile de penser qu’il a 30 ans, que ça fait 12 ans qu’il est dans l’équipe nationale. Est-ce qu’il peut améliorer autre chose ? La réponse, c’est oui. »