(Fort Lauderdale, Floride) Nous étions deux dans l’ascenseur de l’hôtel : Phil Pritchard et moi-même, et puis aussi, il y avait un gros boîtier noir entre nous.

« Est-ce que c’est ce que je pense ?

– Oui. »

C’était bel et bien ça : la coupe Stanley, la vraie, dans son fameux boîtier, le même que l’on voit toujours dans les photos. Elle est ici en Floride parce que c’est la finale, et comme chaque année, Phil Pritchard la promène un peu partout.

Vous le connaissez sûrement. En anglais, il est le « Keeper of the Cup » (le « gardien de la coupe »), et c’est lui qui transporte le fameux trophée dans tous les évènements, comme dimanche soir, dans ce chic resto de Fort Lauderdale, où les dirigeants de la LNH ont reçu dans l’opulence les partenaires, diffuseurs et journalistes.

PHOTO FOURNIE PAR RICHARD LABBÉ, LA PRESSE

Phil Pritchard et notre journaliste Richard Labbé

Phil Pritchard a eu bien du mal à manger, parce que tout le monde voulait une photo avec la coupe et aussi, souvent, avec lui.

« Je n’étais pas un très bon joueur de hockey, ma face avait tendance à se trouver souvent sur le chemin de la rondelle, explique-t-il. Alors j’ai dû penser à une autre façon de faire carrière dans le hockey ! »

L’homme de 62 ans fait ça depuis 40 ans, et il est officiellement vice-président et curateur au Temple de la renommée du hockey à Toronto. Mais pour les fans, il est le gars avec la coupe Stanley, surtout depuis 1994, quand il a eu la bonne idée de mettre des gants blancs au moment d’apporter la coupe aux Rangers de New York.

« Dans tous les musées du monde, on porte des gants blancs pour déplacer les œuvres… le Temple de la renommée est un musée, alors on a pensé qu’il fallait montrer un peu de respect pour le plus grand trophée du monde. »

Maintenant, les gens ne veulent plus me voir sans mes gants !

Phil Pritchard

Nous sommes choyés en ce chaud dimanche soir : la coupe qui est ici est la vraie, celle que les gagnants de la finale vont pouvoir soulever sous peu. Pendant ce temps, ceux qui passent par le Temple de la renommée doivent se contenter d’admirer une réplique.

Avec le temps, Phil Pritchard est devenu une sorte de vedette, bien qu’il aime jouer la carte de la modestie (« ce sont surtout les gars qui me reconnaissent, et les filles pas mal moins ! »). Mais on peut avancer que son rituel à gants blancs est maintenant indissociable de la finale.

« Avant 1994, c’était bien différent. Je me souviens d’avoir simplement poussé la coupe jusque sur la glace quand les Penguins de Pittsburgh l’ont gagnée deux fois au début des années 1990… La télé est partie en pause publicitaire, et au retour, [l’ex-président de la LNH] John Ziegler a donné la coupe à Mario Lemieux. »

Surveiller les amis…

Au fil de notre conversation, Phil Pritchard garde un œil sur son bébé. Les accidents, ça peut arriver, et puis d’ailleurs, quand on regarde de très près, on peut voir que la coupe est blessée au bas du corps…

« Ça, c’est quand l’Avalanche l’a gagnée il y a deux ans… Un joueur [Nicolas Aubé-Kubel] l’a échappée au moment de faire la photo d’équipe, et ça paraît encore au niveau de la base. Je dirais que 99 % des gars font très attention, ils ont travaillé très fort pour la gagner. C’est plus leurs amis qu’il faut surveiller… »

PHOTO RICHARD LABBÉ, LA PRESSE

La base abîmée de la Coupe Stanley

Une autre fois, au Forum de Montréal, Maurice Richard est tombé sur la glace avec la coupe lors d’une cérémonie du match des Étoiles de 1993. « Le Rocket est tombé dessus, heureusement pour lui, parce qu’il ne s’est pas blessé. Mais la coupe avait été endommagée, alors il a fallu la réparer avec l’aide du chauffeur de la Zamboni, qui était aussi un mécanicien ! »

Mais ça n’arrivera pas ici, pas ce soir, parce que tout le monde qui se prend en photo avec la coupe n’ose pas y toucher, ou à peine. Phil Pritchard la remettra ensuite dans son gros boîtier, comme d’habitude, jusqu’à la prochaine sortie.

Il ne s’en lasse pas. Et nous non plus.