Il faudra commencer à prendre la fascination des recruteurs de la LNH pour le défenseur gaucher russe de 6 pieds 7 pouces Anton Silayev au sérieux. Silayev pourrait constituer le joker du repêchage de 2024 et avoir des effets directs sur le choix du Canadien.

Le vénérable Bob McKenzie, nous a mis la puce à l’oreille la semaine dernière avec son avant-dernier classement en prévision du repêchage du 28 et 29 juin. Parmi les six dépisteurs sondés pour les fins de son sondage, Silayev a reçu deux votes de deuxième place, devant son spectaculaire compatriote, l’attaquant Ivan Demidov, trois votes de troisième et un vote de quatrième.

Corey Pronman, du site The Athletic, en ajoute une couche ce matin. La question selon lui n’est pas de savoir s’il sera repêché dans le top cinq, mais s’il sera le deuxième joueur repêché après Macklin Celebrini.

« Les équipes championnes construisent leurs clubs avec des Victor Hedman, Zdeno Chara, Chris Pronger, a confié un gestionnaire d’un club de la Ligue nationale à Pronman. On ne veut pas placer d’attentes irréalistes envers ce jeune homme, mais ce sont les aspirations à son endroit s’il est choisi parmi les cinq premiers. »

Silayev a eu 18 ans en avril. Il a donc constitué un pilier au sein du premier quatuor défensif de son équipe de la KHL, le Torpedo, à seulement 17 ans. Sa production demeure modeste, 11 points, dont 3 buts, en 63 matchs, mais les recruteurs les plus entichés de ce garçon voient en lui un potentiel de développement intéressant à ce chapitre, sans pour autant lui destiner un rôle au sein de la première vague en supériorité numérique.

On le dit très mobile pour un défenseur de son gabarit. « Plus rapide que Victor Hedman », affirme son entraîneur Igor Larionov, cité dans l’article de Corey Pronman. Il faut néanmoins toujours prendre les compliments d’un coach envers son joueur avec un grain de sel, en raison d’un manque d’impartialité évident et courant.

Les comparaisons avec Hedman, deuxième choix au total en 2019 derrière John Tavares, sont surprenantes. Le potentiel offensif d’Hedman était connu depuis l’adolescence de celui-ci. À 16 ans, il avait obtenu 25 points en 34 matchs avec son club junior de Modo.

PHOTO KIM KLEMENT NEITZEL, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Victor Hedman

Il était déjà membre de l’équipe nationale junior. À son année d’admissibilité, il avait amassé 21 points en 43 matchs en première division suédoise (SHL). Il en aurait obtenu 27 et terminé au premier rang des défenseurs de son club Modo s’il avait disputé une saison complète de 55 rencontres.

À son année d’admissibilité, en 1992-1993, Chris Pronger avait amassé 77 points en 61 matchs à Peterborough, dans la Ligue junior de l’Ontario, dont 40 points en 21 matchs de séries. Le citer pour vanter les qualités de Silayev relève presque de la démence.

Les succès de Chara, du haut de ses 6 pieds 9 pouces et 260 livres, d’abord avec les Sénateurs d’Ottawa, au tournant de ce siècle, puis avec les Bruins de Boston, ont incité plusieurs équipes à repêcher des défenseurs de format géant dans l’espoir qu’ils en deviennent la réincarnation. Le taux de succès est plutôt faible.

En 2004, les Thrashers d’Atlanta repêchaient au dixième rang un défenseur de 6 pieds 7 pouces et 231 livres, un Slovaque lui aussi, Boris Valabik, malgré une faible production offensive dans les rangs juniors. Il a disputé 80 matchs répartis sur trois saisons à Atlanta, vivoté dans la Ligue américaine avant de rentrer en Europe.

Les Capitals choisiront deux défenseurs gauchers de format géant au premier tour en 2005, le Montréalais Sasha Pokulok, 6 pieds 5 pouces, au 14e rang, et Joe Finley, 6 pieds 7 pouces, au 27e. Aucun n’a percé.

En 2008, les Sabres ont repêché Tyler Myers, 6 pieds 8 pouces et 230 livres, au 12e rang, trois places devant Erik Karlsson, malgré seulement 19 points en 65 matchs à Kelowna, dans la Ligue junior de l’Ouest. Après une première année prometteuse, Myers n’est jamais devenu la star espérée, mais il connaît une belle carrière. Il s’approche des 1000 matchs en carrière et a retrouvé un certain aplomb cette année à Vancouver, à 34 ans, après quelques saisons difficiles. Il joue néanmoins rarement plus de 20 minutes par match en séries, sauf le dernier, dimanche.

Les Sénateurs d’Ottawa ont tenté le coup à leur tour en 2009 avec Jared Cowen, 6 pieds 5 pouces et 238 livres, au neuvième rang. Cowen a été blessé souvent, mais aussi mauvais. Il a pris sa retraite prématurément, après 249 modestes matchs dans la LNH.

Le directeur général des Panthers de la Floride, Dale Tallon, a lui aussi mordu à l’hameçon en 2010 en repêchant le défenseur franco-ontarien de 6 pieds 5 pouces et 222 livres Erik Gudbranson au troisième rang, derrière Taylor Hall et Tyler Seguin. Comme Myers, Gudbranson a connu une longue carrière, mais dans un rôle de soutien. On l’a préféré à Ryan Johansen, Jeff Skinner, Cam Fowler, Jaden Schwartz et Vladimir Tarasenko, entre autres.

Cette année-là, le Canadien s’est laissé tenter à son tour. Il a échangé un choix de deuxième tour pour passer du 27e au 22e rang et choisir le défenseur de 6 pieds 6 pouces et 230 livres Jared Tinordi. On a vite réalisé, dès le camp développement, que Tinordi possédait une bonne mobilité pour un si gros bonhomme, mais qu’il n’était pas très habile avec un bâton et une rondelle.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Jared Tinordi

Nikita Zadorov, désormais un coéquipier de Myers à Vancouver, constitue un bon élément de comparaison avec Silayev. À l’aube du repêchage de 2013, on disait son potentiel illimité en raison de cette combinaison de gabarit et de mobilité. Il mesurait déjà 6 pieds 6 pouces et 230 livres et avait amassé 25 points en 63 matchs à London, dans la Ligue junior de l’Ouest.

Zadorov, désormais à 6 pieds 6 pouces et 248 livres, a été repêché au 16e rang par Buffalo, avant de passer à l’Avalanche deux ans plus tard avec Mikhail Grigorenko et J. T. Compher pour Ryan O’Reilly, connaît une carrière intéressante. Il a disputé 642 matchs jusqu’ici, mais essentiellement au sein de troisièmes paires, parfois de deuxième. Les Canucks l’ont obtenu à la date limite des transactions pour des choix de troisième et cinquième tour. On veut de ces défenseurs en séries, mais on peut les obtenir à un prix raisonnable quand ils ont atteint une certaine maturité.

En bref, on a souvent rêvé au prochain Chara, malheureusement avec un très faible taux de succès. Lian Bischel, repêché au 18e rang par les Stars de Dallas en 2022, déjà 6 pieds 6 pouces et 238 livres, un coéquipier de l’espoir du CH Adam Engström à Rögle, pourrait faire mentir la tendance. Mais il n’a pas été repêché dans le top cinq. Et Dallas constitue des premiers de classe en matière de repêchage.

S’emballe-t-on un peu trop envers Anton Silayev ? Peut-être. Mais le Canadien, qui convoite un attaquant, possiblement Cayden Lindstrom, ne s’en plaindra pas. Si Silayev est repêché parmi les quatre premiers, les chances de voir Lindstrom aboutir à Montréal grandiront…

Les Canucks et leur gardien letton

Arturs Silovs, un Letton de 23 ans, dont le parcours a été marqué par un passage avec les Lions de Trois-Rivières, dans l’ECHL, en 2021-2022, constitue l’improbable héros des séries éliminatoires jusqu’ici. Il a remporté un deuxième match contre Edmonton, dimanche, et les Canucks mènent désormais la série deux matchs à un.

PHOTO GEORGE WALKER IV, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Arturs Silovs

Silovs, un choix de sixième tour des Canucks en 2019, vivait un ménage à trois au sein du club-école de Vancouver il y a deux ans, derrière Michael DiPietro et Spencer Martin. DiPietro, membre de l’équipe canadienne au Championnat mondial junior, était le gardien d’avenir à Vancouver. On a prêté Silovs à Trois-Rivières pour disputer des matchs.

Martin a été perdu au ballottage depuis, DiPietro échangé aux Bruins, et se retrouve depuis au sein de leur club-école, et Silovs, utilisé en alternance avec son partenaire Nikita Tolopilo cet hiver dans la Ligue américaine, a profité des blessures aux deux réguliers des Canucks, Thatcher Demko, puis Casey DeSmith, ces dernières semaines, pour se retrouver dans cette improbable position. Une autre histoire à la cendrillon avec un gardien sorti de nulle part !