Perdre en prolongation lors du septième match du premier tour des séries éliminatoires contre les Bruins de Boston sur un but de David Pastrnak constitue-t-il un échec lamentable ?

Aux yeux de la direction des Maple Leafs de Toronto, oui. L’entraîneur Sheldon Keefe a été congédié jeudi malgré une fiche en carrière de 212-97-40, au cinquième rang de la longue histoire des Leafs au chapitre des victoires, à seulement quatre du légendaire Dick Irvin.

Toronto et Keefe avaient enfin réussi à franchir le premier tour éliminatoire le printemps dernier, en mettant fin aux espoirs du Lightning de Tampa Bay d’atteindre la finale pour une quatrième saison consécutive, mais n’y sont pas parvenus cette année contre une équipe supérieure.

Les résultats font foi de tout dans le monde du sport, entend-on régulièrement. Souvent avec raison. Mais si une rondelle avait dévié sur la jambière de John Tavares en prolongation lors du septième match et franchi la ligne rouge ? Keefe serait-il un meilleur entraîneur aujourd’hui ? Était-il condamné à perdre son poste advenant un but du Boston à l’aube de cette fameuse prolongation ?

S’il avait pu stopper des rondelles, Keefe l’aurait probablement fait. Le gardien Ilya Samsonov a été lamentable en saison régulière et en séries. Le jeune Joseph Woll, après avoir montré de belles promesses il y a un an, a connu un hiver difficile. Il a retrouvé sa grâce en séries, mais a déclaré forfait lors du match ultime en raison d’une blessure. Samsonov devait défendre le fort et il n’a pas mal fait dans les circonstances.

« La décision a été difficile, a expliqué le directeur général Brad Treliving, embauché l’été dernier. Sheldon est un excellent entraîneur et un grand homme. Mais nous avions besoin d’une nouvelle voix pour mener cette équipe vers son objectif ultime. »

On en saura plus long lors de la conférence de presse de la direction plus tard vendredi. Il manque évidemment des éléments importants pour analyser cette décision : la dynamique à l’interne, la relation de Keefe avec ses joueurs, la justesse de certaines de ses décisions et la réaction de ses leaders à ses décisions.

Mais de l’extérieur, le premier réflexe serait de blâmer les gestionnaires de cette équipe pour l’incapacité des Leafs à percer en séries, le président Brendan Shanahan en tête, son directeur général Treliving, l’homme derrière l’immense fiasco à Calgary. Les médias torontois n’ont pas tardé à pointer des doigts accusateurs vers le sommet de la hiérarchie.

Keefe devait composer avec l’un des duos de gardiens les plus médiocres de la Ligue nationale de hockey. La défense était poreuse. Pour la solidifier, Treliving a embauché l’été dernier un défenseur offensif faible défensivement, John Klingberg, pour 4,1 millions. Klingberg a disputé 14 matchs, presque tous affreux, avant de déclarer forfait pour blessure et ne plus jamais revenir.

Deux défenseurs importants ces dernières années étaient au bout du rouleau. T. J. Brodie a disputé un match en séries, Mark Giordano aucun. À cet effet, les acquisitions de Joel Edmundson et Ilya Lyubushkin à la date limite des transactions ont aidé. Mais peut-on aspirer à une Coupe Stanley avec un top 4 en défense constitué de Morgan Rielly, Lyubushkin, Simon Benoit et Jake McCabe ?

Max Domi et Tyler Bertuzzi ont signé des contrats d’un an pour donner de la profondeur à l’attaque. Le premier a reçu 3 millions pour un an, le second 5,5 millions pour une saison également. Ils ont tous deux marqué un but et obtenu trois aides en sept matchs de séries, après une saison d’une quarantaine de points.

Le joueur de soutien David Kämpf a reçu un cadeau de 9,6 millions pour quatre ans, avec une clause partielle de non-échange. Il a joué 13 : 21 en séries au centre du quatrième trio, après une maigre récolte de 19 points en saison régulière.

Le dur à cuire de 37 ans Ryan Reaves a obtenu 1,35 million des Leafs par saison pour trois ans. Il n’a pas joué lors des deux derniers matchs de la série contre les Bruins, après avoir été limité à sept minutes d’utilisation en moyenne lors des cinq premiers.

Et aujourd’hui, Sheldon Keefe est le premier à payer pour l’échec des Leafs au premier tour.

Pas de gardien, pas de succès…

PHOTO BEN MCKEOWN, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

L’entraîneur Lindy Ruff

Huit entraîneurs ont été congédiés cette saison. Avant Keefe, il y a eu Lindy Ruff, D. J. Smith, Craig Berube, Don Granato, Todd McLellan, Dean Evason et Jay Woodcroft.

Leur point en commun ? Tous, sans exception, ne pouvaient compter sur un gardien réputé. Ruff a dû composer avec Vitek Vanecek et Nico Daws pendant presque toute la saison au New Jersey ; Smith avait Joonas Korpisalo et Anton Forsberg à Ottawa ; Jordan Binnington n’est pas un vilain gardien pour les Blues, mais il n’a jamais été à la hauteur de ses performances des séries en 2019 sous Berube ; les Sabres de Don Granato ont vite promu le jeune Devon Levi à titre de numéro un, trop rapidement d’ailleurs. On l’a rétrogradé dans la Ligue américaine et un autre jeune, Ukko-Pekka Luukkonen, a pris la relève, avec succès.

Cam Talbot était le gardien numéro un pour les Kings de Todd McLellan. Il a terminé les séries sur le banc après une affreuse deuxième moitié de saison. Woodcroft ne s’est pas aidé en début de saison à Edmonton en modifiant le système de jeu défensif. Mais son gardien d’expérience Jack Campbell a été lamentable au point de passer l’hiver dans la Ligue américaine et Stuart Skinner n’arrêtait rien ; chez le Wild de l’entraîneur déchu Evason, Marc-André Fleury est en fin de parcours après une glorieuse carrière et le jeune Filip Gustavsson n’a pu répéter ses exploits de la saison précédente.