Depuis qu’ils sont entraîneurs, on dirait que tout unit Alain Vigneault et Claude Julien.

Vigneault vient de Hull et Julien, d’Orléans. Les deux ont dirigé les Olympiques de Hull, puis le Canadien. Ils se sont affrontés en séries en 2011 (Canucks-Bruins), en 2017 (Rangers-Canadien) et en 2020 (Flyers-Canadien).

Mais c’est à Salt Lake City que leur longue histoire a commencé. De 1981 à 1983, ils ont fait la pluie et le beau temps avec les Golden Eagles, dans la défunte Ligue centrale. Plus de 40 ans avant que la LNH ne débarque en Utah, ils ont connu le hockey là-bas.

J’ai adoré ça. Pour une ville des ligues mineures, c’était vraiment beau. On était peut-être l’équipe qui attirait les meilleures foules de la ligue. Je ne peux pas te dire si ça va fonctionner, ça fait 40 ans ! Mais j’avais adoré la ville, les gens sont gentils. Tu es dans la vallée, tu conduis 40, 45 minutes et tu es sur les pentes de ski. Les paysages, c’est vraiment intéressant.

Claude Julien

Vigneault se souvient aussi d’une « belle ville, dans les montagnes ». Et le hockey ? « Dur à dire. Dans ce temps-là, le hockey était très différent. Il y avait encore de l’intimidation, plus de bagarres. Regarde nos minutes de pénalité à Claude et moi ! Est-ce que les gens aimaient le hockey ou les batailles ? », se demande celui qui était surnommé « AV ».

Regardons-les, les minutes de pénalité, puisqu’il en parle. Des saisons de 134 et 176 pour Julien. Vigneault en a eu 266 à sa première saison, puis 189 à sa deuxième… en 33 matchs ! C’était l’époque post-Slap Shot, mais aussi pré-commotions cérébrales…

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Claude Julien a aimé son passage à Salt Lake City, il y a 40 ans.

« Une fois, Alain s’était battu contre un joueur de Tulsa et ça avait frustré George McPhee, se souvient Julien. Alain s’était fait sortir du match. George lui criait après, mais c’est moi qui ai été pogné pour me battre avec George ! Dès la mise en jeu, on s’est mis à se tapocher. Quand je suis revenu au vestiaire, j’étais magané. J’ai regardé Alain, je lui ai dit : c’est à cause de toi ! On était jeunes, on trouvait ça drôle. »

Vigneault nuance. « J’ai vu la bagarre, Claude s’était bien défendu, les deux étaient maganés ! »

Avec Alain Lemieux (le frère de Mario) et le Franco-Ontarien Denis Houle, ils formaient un quatuor francophone bien apprécié. « Alain Lemieux était tout un joueur. Denis Houle était capable de marquer. Claude et moi, on était plus défensifs, mais on aidait nos coéquipiers quand ils avaient de la misère », décrit Vigneault.

« Il n’y avait pas vraiment d’Européens, donc les francophones se tenaient plus ensemble, poursuit-il. Au début de ma première année, ils ont fait des règles d’équipe et disaient qu’on devait se parler seulement en anglais. Je disais : voyons, si je parle à Claude, à Denis, je vais le faire en français. Et Mark Reeds a dit : voyons, laissez-les se parler en français ! Comme aujourd’hui. Quand les Tchèques sont un à côté de l’autre, ils se parlent dans leur langue. Et moi, quand je parlais à Alex Burrows, c’était en français ! »

Futurs coachs

La carrière de joueur de Vigneault a été brève, même s’il a eu droit à 42 matchs avec les Blues de St. Louis à travers son séjour à Salt Lake. Il n’a pas été rappelé la saison suivante. En 1984, à 23 ans, il a compris que le train était déjà passé. « J’ai dit à ma femme : je suis un ordinaire. » Il est retourné aux études, est devenu entraîneur à Trois-Rivières et il a aujourd’hui un trophée Jack-Adams chez lui.

Julien a quant à lui disputé 14 matchs dans la LNH, mais a joué chez les pros jusqu’en 1992, à l’âge de 32 ans.

Les deux sont aujourd’hui sans emploi. Julien demeure actif ; il prévoyait assister au match Maple Leafs-Bruins lundi soir à Boston. Vigneault travaille quant à lui sur son golf en Floride ; son contrat avec les Flyers, qui l’ont remercié il y a deux ans, expire à l’été.

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Alain Vigneault avec le Canadien en 1999

Se doutaient-ils qu’ils gagneraient mieux leur vie derrière le banc que sur la glace ? « Moi, je ne pensais pas au coaching, assure Vigneault. J’essayais tout pour faire carrière comme joueur. Et quand tu es jeune, tu reçois des conseils, tu n’en donnes pas. »

Julien croit lui aussi que les deux comparses, dans la jeune vingtaine, ne pensaient pas à leur après-carrière. Mais « on était prêts à jouer à tous les matchs. Alain Lemieux était plus relax. Donc Vigneault et moi, on essayait de motiver Lemieux à se donner tous les soirs. Même si on ne le réalisait pas dans ce temps-là, on était dévoués et sérieux. Avec le recul, je suis moins surpris ».

Les deux ne sont pas restés particulièrement proches, mais le respect est manifeste. « On n’est pas des tonnes de francophones dans le domaine, souligne Vigneault. On a fait le même travail pendant des années, on essayait de percer ensemble. Claude n’est pas un ami proche, mais c’est quelqu’un que j’aime et respecte. On est passés à travers les mêmes choses. C’est dur de percer dans ce milieu. »

Comme quoi tout est dans tout, c’est justement un entraîneur-chef du Québec qui a percé, André Tourigny, qui dirigera la nouvelle équipe de Salt Lake City.