(Salt Lake City) Pour la troisième fois depuis l’inauguration du Centre Vidéotron, la Ligue nationale a préféré un marché américain plutôt qu’un retour à Québec. Et pour Gary Bettman, c’est parce que les astres étaient alignés vers l’Utah.

Après Vegas et Seattle, Salt Lake City est en effet le troisième marché à accueillir la LNH depuis l’achèvement du Centre Vidéotron, en 2015. Au baseball, un frappeur est retiré après trois prises. Est-ce à dire que les représentants de Québec qui s’activent pour ramener la LNH en ville doivent passer à autre chose ?

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Gary Bettman et Ryan Smith, nouveau propriétaire

« Pas du tout, a répondu Bettman, dans une courte rencontre avec La Presse après sa conférence de presse. Quand un dossier substantiel d’expansion se présente, on le considère. Ici, c’était une situation unique.

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« En plus de ce que tu as entendu pendant le point de presse (nous y reviendrons), il y a le fait que ça fonctionne géographiquement. Le calendrier de la prochaine saison est prêt à 85 %. En relocalisant l’équipe en Utah, on n’a pas besoin de réaménager les divisions. Pour les marchés de télévision, aussi, c’était un match parfait. »

Le tapis rouge

Bettman a eu un vendredi un brin meublé. Le matin, il était dans la région de Phoenix pour enterrer les Coyotes, mais pas le hockey en Arizona, précisons-le. Trois heures plus tard, il débarquait dans la capitale de l’Utah pour se prêter à un point de presse de plus d’une heure, aux côtés de Ryan et Ashley Smith, les nouveaux propriétaires de l’équipe qui aboutira ici l’automne prochain.

Un point de presse où le commissaire était plutôt détendu. Il est un habile orateur, même devant les foules hostiles, mais cette fois, c’est par une salve d’applaudissements qu’il a été accueilli, devant un parterre d’élus locaux.

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Le commissaire de la LNH, Gary Bettman

En devenant des amateurs de hockey, vous apprendrez vite que je ne reçois pas ce genre d’accueil en général ! La LNH en Utah, ça sonne vraiment bien. Je suis très heureux d’accueillir l’Utah dans la LNH.

Gary Bettman, commissaire de la LNH

À ses côtés, Ryan et Ashley Smith, un couple de richissimes gens de la région, également propriétaires du Jazz de l’Utah, dans la NBA. À 45 ans, Ryan Smith va substantiellement rajeunir le groupe de propriétaires de la LNH. Le milliardaire, fondateur de la firme Qualtrics, est doué pour les interactions sociales. Il est arrivé décontracté au point de presse, coupe-vent gris sur le dos. Dans les minutes qui précédaient la conférence, il saluait quelques journalistes, locaux et de l’extérieur.

Ashley Smith, sa conjointe, a remercié Bettman à plusieurs reprises, avant d’expliquer la genèse de leur intérêt pour un club de la LNH.

« Ça a commencé par une conversation à la table, au souper, comme ce fut le cas pour le Jazz, a-t-elle détaillé. Donc mon engagement, c’est que dorénavant, on n’aura plus de conversations comme ça au souper ! »

On n’a visiblement pas tous les mêmes conversations au souper.

Démarches énergiques

Ce qu’on en comprend, c’est que Ryan Smith a été vigoureux dans ses démarches. « C’est Ryan qui a cogné à ma porte il y a deux ans pour avoir une équipe d’expansion en Utah », a indiqué Bettman.

Le nouveau proprio a raconté que l’aventure avait commencé par un souper avec Bettman à New York. « On espérait que personne ne nous reconnaisse, a-t-il convenu. J’étais renversé de voir à quel point Gary était ouvert. Il ne me connaissait pas, on avait simplement des amis communs. Mais il a changé ses plans ce jour-là parce que j’étais en ville. Il m’a donné son numéro et m’a dit qu’on resterait en contact. »

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Le nouveau propriétaire de l’équipe de l’Utah, Ryan Smith, en conversation avec des journalistes

Smith n’a pas été le seul. Le gouverneur de l’État, Spencer J. Cox, a indiqué avoir lui aussi été en communication avec le commissaire de la LNH « depuis la fin janvier ».

Et c’est justement à ce moment que les démarches du Smith Entertainment Group (SEG) sont devenues publiques. Le 24 janvier, SEG a publié une lettre clamant haut et fort son désir d’obtenir une équipe de la LNH.

Les campagnes publiques et bruyantes font rarement l’affaire des ligues professionnelles, mais il semble que dans ce cas-ci, SEG ait touché la cible avec ses démarches.

« Ça nous a convaincus de votre sérieux. On a eu plusieurs discussions, mais en rendant votre démarche publique, c’était une façon subtile de mettre de la pression sur nous ! », a blagué Bettman, à Ashley et Ryan Smith.

Sa confiance était d’autant plus manifeste que sa visite à Salt Lake City était sa première depuis le début de processus. D’autres dirigeants de la LNH s’y étaient toutefois rendus, nous dit-on.

Conseils pour la suite

Pour l’heure, aucune démarche d’expansion n’est en cours. La LNH vient aussi, espère-t-elle, de stabiliser le cancre parmi ses 32 franchises.

Mais les choses peuvent changer vite. Les Sénateurs devront tôt ou tard construire un nouvel amphithéâtre. Les Jets de Winnipeg ont fini à l’avant-dernier rang de la LNH cette saison, avec 13 490 spectateurs par match ; s’ils ne redressent pas la situation l’an prochain, les Coyotes ne seront plus là pour leur subtiliser le 32rang.

Bref, que ce soit pour une relocalisation ou pour une expansion si le circuit veut grossir ses rangs, il y aura d’autres occasions pour des marchés en quête de sport professionnel. Le conseil du commissaire pour de futurs investisseurs ?

« Soyez imaginatifs, audacieux, engagés. Ayez les ressources à portée de main et ne passez pas par quatre chemins. Et on bâtira une relation, on essaiera d’imaginer l’impossible. »

À ce sujet, Québec ne manque visiblement pas d’audace et d’imagination, ayant affecté un ministre spécifiquement au dossier du retour du hockey dans la Grande Capitale. Éric Girard, ministre des Finances, a d’ailleurs de nouveau rencontré Bettman il y a deux semaines.

« Je vais rencontrer les élus du Québec quand ils veulent. Mais le gouvernement du Québec ne sera pas le propriétaire de la franchise », a rappelé Bettman à La Presse. Lors de cette rencontre, le ministre Girard a expliqué avoir demandé au commissaire son appui dans l’éventualité où Québec proposerait au Canadien de Montréal de disputer un match de saison au Centre Vidéotron. « Tout est évalué au cas par cas », a rétorqué Bettman.

Tourigny de retour

André Tourigny va suivre les anciens Coyotes dans le déménagement à Salt Lake City. Son directeur général, Bill  Armstrong, devrait aussi survivre, si on se fie aux propos de Ryan  Smith. « Comme on acquiert seulement les gens, on a besoin des gens, a illustré Smith. C’est tout ce qu’on obtient. Donc c’est ça leur statut ; on a besoin de tout le monde. On a eu une bonne conversation hier. » Il semble donc que l’organisation imitera l’Avalanche, qui avait retenu les services de Marc  Crawford et de Pierre Lacroix en passant de Québec au Colorado. En revanche, les Jets de Winnipeg étaient repartis sur de nouvelles bases après leur départ d’Atlanta.

Kings–Golden Knights à Salt Lake ?

Le fameux calendrier préparatoire des Kings de Los Angeles, probablement le calendrier préparatoire qui a le plus fait couler d’encre de l’histoire des calendriers préparatoires, n’a pas fini de faire jaser. En plus de ses deux matchs à Québec, la formation californienne devait en disputer un à Salt Lake City, contre les Golden Knights, le 23  septembre. Or, en réponse à un courriel de La Presse, un relationniste des Kings a indiqué que « le match est toujours prévu à l’horaire dans ces conditions ». Si changement il y a, il semble improbable que Québec hérite également de ce match, puisqu’il aura lieu 10 jours avant les deux rencontres prévues au Centre Vidéotron, les 3 et 5 octobre.