(Ottawa) L’heure des bilans approchant à grands pas chez le Canadien, il sera intéressant d’entendre l’analyse que fera la direction des nombreux matchs décidés par un but.

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Le Tricolore en a justement disputé un autre, samedi, une défaite de 5-4 en tirs de barrage aux mains des Sénateurs d’Ottawa, qui ont effacé quatre déficits d’un but.

Cette saison, les Montréalais dominent outrageusement la LNH avec 42 de ces matchs décidés par un seul filet – la moyenne du circuit est à 31. Longtemps, cette statistique a été vue comme une preuve que les hommes de Martin St-Louis se rapprochaient des bonnes équipes.

Cela témoigne-t-il, pour autant, d’une amélioration par rapport à la saison dernière ? Ça dépend de quel angle on l’aborde.

En 2022-2023, le CH s’est retrouvé 31 fois dans un match décidé par un but. Il a gagné 17 de ceux-ci (17-8-6). Cette saison, sur 42 occurrences, il en a gagné… 17 (17-11-14). Aussi bien dire que le taux de succès (,405) est considérablement plus faible que l’an dernier (,548) lorsque la rencontre est particulièrement serrée. Mentionnons par ailleurs que depuis que Sean Monahan a été échangé, le bilan à ce chapitre est de 2-9-6 (taux de,118).

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Nick Suzuki bagarre le long de la rampe avec le défenseur Jake Sanderson

On reconnaîtra en effet une vertu à se retrouver dans ces duels disputés jusqu’à la fin – en théorie, du moins. Mais quelle est la valeur de cette expérience si la proportion des victoires en pareilles circonstances, plutôt que d’augmenter, diminue ?

Ça revient aux petits détails. On peut resserrer ça d’ici l’an prochain pour tomber du bon côté. Si on en gagne davantage, on sera en position de faire les séries.

Alex Newhook

De fait, le Canadien se retrouve actuellement à 13 points des Capitals de Washington, dernière équipe repêchée si les séries commençaient aujourd’hui. Si elle avait simplement maintenu son rythme de croisière de la saison dernière dans les matchs décidés par un but, la Flanelle aurait six points de plus en banque. Ce serait bien sûr insuffisant pour étirer le printemps, mais cela signifierait que le nombre de matchs avec un réel enjeu aurait été plus élevé.

Retards

Poursuivons. La saison dernière, le CH a perdu 45 matchs en temps réglementaire et 6 en prolongation ou en tirs de barrage. Cette saison, le partage est plutôt à 36-14. On déduira donc que des revers en 60 minutes se sont transformés en revers en plus de 60 minutes.

Encore là, c’est plus ou moins emballant, surtout quand on constate qu’après 80 rencontres, le Tricolore affiche un retard d’une victoire (30) sur la saison dernière (31), et d’une victoire en temps réglementaire (20 contre 21). À ce dernier chapitre, l’équipe végète au 29e rang de la ligue, à égalité avec les pauvres Ducks d’Anaheim, et devant les très pauvres Blackhawks de Chicago et Sharks de San Jose.

Après la défaite à Ottawa, Martin St-Louis n’avait clairement pas une conférence à donner sur le sujet des matchs tranchés par un but.

« Plus on continuera de s’améliorer comme équipe, plus on sera du bon bord, a-t-il prédit. Cette année, on a été très compétitifs. Ces répétitions-là, en fin de match, dans des matchs serrés, que tu gagnes ou que tu perdes, tu ne peux pas les acheter. C’est un bel environnement pour la croissance de notre équipe. »

PHOTO MARC DESROSIERS, USA TODAY SPORTS

Drake Batherson marque le but gagnant en tirs de barrage.

« Éventuellement », a-t-il ajouté, son groupe saura inverser la tendance. De quelle manière cela se concrétisera, ce n’est pas clair. Pas plus clair, en fait, que la croissance collective de cette équipe-là, dont l’attaque conclura la saison avec un nombre de buts marqués semblable à l’an dernier, et dont la baisse du nombre de buts accordés est principalement attribuable au brio de Samuel Montembeault et de Cayden Primeau.

Tout n’est pas sombre pour autant. Cole Caufield, par exemple, a inscrit samedi ses 26e et 27e buts de la saison, établissant un nouveau sommet personnel. Il lui aura fallu 80 matchs pour égaler et dépasser sa récolte sur 46 matchs de 2022-2023, mais bon…

PHOTO MARC DESROSIERS, USA TODAY SPORTS

Cole Caufield marque un but devant Joonas Korpisalo

Dans la défaite, le principal concerné n’avait absolument aucune envie de célébrer cet accomplissement. Martin St-Louis, lui, a rappelé que « toute sa game » avait progressé cette saison, si bien qu’était « content que [Caufield] se fasse récompenser ». Ses 37 mentions d’aide, pour un total de 64 points, confirment les dires de son entraîneur.

Mais encore là, cette production, comme celles de Nick Suzuki, de Mike Matheson et de Juraj Slafkovsky, devra être testée dans un contexte compétitif sur 82 matchs.

On ne peut que leur souhaiter que ce test survienne dès 2024-2025. Car pour une troisième année de suite, il est un peu temps que ça finisse.

En hausse

Cole Caufield

Deux buts, mais aussi plusieurs bonnes chances de marquer. N’eût été une rondelle capricieuse qui a lentement roulé sur la ligne des buts, il aurait réussi un tour du chapeau.

En baisse

Jayden Struble

Son retour à la gauche de David Savard n’a pas été très heureux. Les duels face aux deux premiers trios des Sénateurs ont été particulièrement difficiles.

Le chiffre du match

3

C’est le nombre de punitions qu’a provoquées Ridly Greig. Nick Suzuki, David Savard et Josh Anderson, respectivement, ont été ses « victimes ». Les Sénateurs ont marqué en supériorité numérique aux trois occasions.

Dans le détail

Matheson à la poursuite de Chelios

Visiblement non rassasié de sa récolte déjà hors norme de 60 points, Mike Matheson en a ajouté deux à sa fiche, samedi. Il a d’abord marqué un but de toute beauté en infériorité numérique : profitant de la confusion des Sénateurs à la ligne bleue du CH, il a appuyé sur l’accélérateur et filé fin seul jusqu’à Joonas Korpisalo, qu’il a déjoué d’une habile feinte. Avec ce 11e but, il a par ailleurs égalé un record personnel. Puis, c’est lui qui a remis le disque à Caufield sur le deuxième but du match de l’attaquant, qui a donné l’avance 3-2 à son club. Avec 62 points, Matheson arrive désormais au 14e rang de l’histoire du Canadien pour un défenseur en une saison. Avec deux matchs à disputer, le record d’équipe de 85, détenu par Larry Robinson, est évidemment inaccessible. Or, s’il atteignait la barre des 65, Matheson signerait la meilleure production d’un arrière montréalais en 35 ans, soit depuis les 73 points de Chris Chelios en 1988-1989.

Ratés à court d’un homme

Le désavantage numérique du Canadien avait été sublime, jeudi soir, en menottant complètement l’attaque massive des Islanders de New York. À Ottawa, ça s’est un tout petit peu moins bien passé : les Sénateurs ont profité de six avantages numériques pour inscrire leurs trois premiers buts. Brady Tkachuk a profité deux fois d’une couverture relâchée autour du filet de Cayden Primeau. Et Shane Pinto a complété une passe arrière parfaite de Claude Giroux, alors que l’escouade défensive du Canadien semblait déboussolée. Il s’agit d’une soirée à oublier pour le duo de Jake Evans et Joel Armia, qui était sur la glace pour ces trois buts. « On a écopé de trop de punitions et on a eu de la misère avec leur avantage numérique », a analysé Martin St-Louis. Il n’y a, en effet, pas grand-chose à rajouter à ce sujet. Primeau, lui, a pris le blâme pour les buts des Sénateurs, tous marqués avec un homme en plus – le dernier a été inscrit à six contre cinq. « Le gardien est censé être le meilleur joueur en infériorité numérique », a-t-il dit. C’est une critique sévère. Mais il n’est pas faux qu’il n’a pas sauvé son club non plus.

En attendant Lane Hutson

Martin St-Louis s’est montré prudent, samedi matin, dans ses remarques à l’égard de Lane Hutson. Le jeune défenseur, dominant sur le circuit universitaire américain, a signé son premier contrat professionnel vendredi, et il rencontrera ses nouveaux coéquipiers ce dimanche à Detroit. Même si son entraîneur ne s’est pas avancé sur sa participation au match de lundi contre les Red Wings, on peut parier que le nouveau numéro 48 du Tricolore vivra ce jour-là son baptême de la LNH. Bien des amateurs s’emballent de voir ce prodige offensif faire le saut chez le Canadien, mais à 5 pi 10 po et un peu plus de 160 livres, il aura fort à faire pour se mesurer à des joueurs plus vieux et, surtout, plus costauds que lui. « Jusqu’ici, il a prouvé à tous les niveaux qu’il a des atouts pour avoir un impact dans un match, a convenu St-Louis. Là, il faudra voir s’il est capable de continuer à faire ça à ce niveau-là. » Le pilote, par ailleurs, affirme ne pas avoir eu beaucoup de temps pour étudier le jeu de Hutson. « Ce que je vois, c’est un peu ses faits saillants. C’est sûr que c’est le fun à voir, mais moi, j’aime ça voir tout le match. »

Simon-Olivier Lorange, La Presse