Nick Suzuki demeure toujours à un point de devenir le premier centre du Canadien depuis Saku Koivu en 2007 à obtenir au moins 75 points dans une saison. Il lui reste cinq matchs pour réaliser l’exploit.

La production de Suzuki, et l’intérêt pour cette marque, en disent autant sur le talent de ce garçon, dont il s’agit de la meilleure saison offensive en carrière, à seulement 24 ans, que sur l’incapacité du Canadien à produire des centres de premier plan dans les dernières décennies.

La question sera cruelle, soyez prévenus : combien d’équipes n’ont pas su compter sur une seule saison de 75 points ou plus de la part de l’un de leurs centres depuis 2007 ?

Réponse : cinq. Nashville, Arizona, Minnesota, Columbus et Montréal. Les Jets de Winnipeg ont déménagé en Arizona en 1996, Minnesota a accédé à la LNH en 1997, Nashville en 1998, Columbus en 2000 et Montréal… en 1909.

Koivu a atteint les 75 points en bout de piste à Montréal, en 2007, à 32 ans. Si Suzuki devait en obtenir au moins deux, il faudrait remonter à 1997 pour voir un centre du CH en amasser plus de 75. Vincent Damphousse en avait obtenu 81, à l’aube de ses 30 ans, et Minnesota, Nashville et Columbus n’étaient toujours pas nés.

Il ne faut pas déprécier Suzuki pour autant. Un seul centre de 25 ans ou moins, Robert Thomas, a obtenu plus de points. On pourrait ajouter Jack Hughes à cette liste. Hughes compte 74 points comme Suzuki, mais il a raté une quinzaine de matchs.

Suzuki devra-t-il obtenir plus de 90 points par année éventuellement pour être considéré un centre d’élite ? Jonathan Toews a connu seulement deux saisons de plus de 75 points en carrière, et jamais plus de 81 points. Patrice Bergeron a obtenu 75 points ou plus une seule fois, à 34 ans, mais jamais 80 points.

La faillite du repêchage

Il a fallu échanger le capitaine Max Pacioretty pour un jeune centre prometteur des Golden Knights de Vegas, Suzuki, en septembre 2018 pour enfin voir apparaître un centre offensif digne de ce nom. Ce garçon n’avait pourtant encore jamais disputé de match dans la LNH.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Nick Suzuki lors du match contre les Maple Leafs le 6 avril dernier.

Le CH semble vivre une malédiction depuis qu’il a échangé Pierre Turgeon aux Blues de St. Louis pour le rugueux ailier Shayne Corson et le défenseur Murray Baron en octobre 1996, il y a presque 30 ans, afin de libérer de l’espace au centre pour Saku Koivu.

Celui-ci semblait être en voie de devenir un centre numéro un de premier plan dès sa deuxième saison, à 22 ans, en 1996-1997. Il occupait la tête du classement des compteurs de la LNH, avec 56 points en 50 matchs, un rythme de 92 points, lorsqu’il s’est gravement blessé au genou. Il a connu une belle carrière, mais jamais au rythme de cette année-là.

Le premier choix de 1998, 16e au total, Eric Chouinard, devait être le prochain élu. Il était grand, gros, puissant, a connu quelques saisons de 50 buts ou plus chez les juniors, mais n’a jamais pu s’accrocher à la LNH. Le choix de deuxième tour cette année-là, Mike Ribeiro a pu le faire, il possédait du talent à revendre, mais ses frasques nocturnes et une relation tendue avec Koivu a incité Bob Gainey a l’échanger aux Stars pour un défenseur de passage. Ribeiro s’est épanoui à Dallas et a même réussi deux saisons de plus de 75 points malgré ses nuits de sommeil écourtées.

On a surtout repêché des ailiers ou des défenseurs dans les deux premiers tours du repêchage entre 1999 et 2003. Puis est arrivé Kyle Chipchura, le premier choix de 2004, 6 pieds 3 pouces, 200 livres, pas le plus doué offensivement, mais on le disait un grand leader, robuste, responsable défensivement. Il a même été capitaine de l’équipe nationale junior au Championnat mondial. Mais Chipchura s’est blessé gravement dans les rangs juniors, la LNH a cessé de tolérer l’accrochage et Chipchura, entre autres en raison de son manque de vitesse, est devenu un joueur de quatrième trio ailleurs.

Le Canadien a repêché des gardiens, des ailiers et des défenseurs entre 2005 et 2008, et de très bons, Carey Price, Ryan McDonagh, P. K. Subban, Max Pacioretty et Guillaume Latendresse.

Pour pallier cette faiblesse au centre, Gainey a obtenu Scott Gomez, 29 ans, des Rangers, en juin 2009. La mauvaise idée aura été de céder McDonagh pour l’acquérir alors que New York cherchait d’abord à se débarrasser son contrat. Gomez a duré un an et demi à Montréal, le temps d’une saison de 59 points, de bonnes séries en 2010 au cours du printemps Halak.

On s’en est remis un peu par défaut au cours des années suivantes à Tomas Plekanec, un choix de deuxième tour en 2001, et David Desharnais, jamais repêché. Ils n’ont pas mal fait dans les circonstances malgré leur talent limité et Carey Price savait limiter les dégâts de ce club plutôt moyen.

Le premier choix de 2009, Louis Leblanc, a fait rêver le temps de la journée de repêchage, mais ça n’a pas duré. On a vite réalisé ses limites. Il a joué une cinquantaine de matchs à Montréal avant d’être cédé aux Ducks quelques années plus tard. Montréal aurait reçu un choix de cinquième tour si Leblanc avait disputé 15 matchs à Anaheim. Ce ne fut pas le cas. Les Ducks ont utilisé ce choix pour repêcher Troy Terry, l’un de leurs deux meilleurs compteurs depuis trois ans.

Le CH repêchait dans le top trois pour la première fois en plus de 30 ans en 2012. Alex Galchenyuk devait enfin devenir le sauveur. Mais c’était un ailier dans l’âme – une âme tordue d’ailleurs – et il n’a jamais eu l’intelligence et le sens d’anticipation pour jouer à cette position.

Marc Bergevin a aussi fait de gros échanges pour obtenir Jonathan Drouin, puis Max Domi, et les transformer d’ailiers en centres, sans succès. Il y a eu Ryan Poehling et Jesperi Kotkaniemi, deux choix de premier tour, autant d’échecs.

Après Suzuki, il pourrait y avoir Kirby Dach l’an prochain, peut-être aussi Alex Newhook si on le garde à sa position actuelle. Trois jeunes centres, tous acquis dans des échanges, dont les deux derniers par la nouvelle administration.

Les partisans du Canadien mériteraient au moins deux jeunes centres de premier plan après tous ces échecs, n’est-ce pas ?

Une course serrée dans l’Est

Avec cinq matchs ou moins à disputer, la course pour les qualifications en séries est excitante dans l’Association de l’Est. Les Islanders, les Red Wings, les Penguins, les Flyers et les Capitals luttent pour les deux dernières places disponibles. Seulement deux points séparent tous ces clubs.

Pittsburgh était à neuf points d’une place en séries le 26 mars. Ils ont remporté six de leurs sept dernières rencontres, mais ont néanmoins obtenu un point lors de cette seule défaite. Comme quoi échanger Jake Guentzel n’a pas fait si mal. L’increvable Sidney Crosby a 16 points à ses 8 derniers matchs.

Les Flyers ont perdu huit matchs sur neuf depuis que John Tortorella a envoyé son capitaine Sean Couturier sur la tribune de la presse. Les Capitals ont perdu six matchs de suite.

À surveiller ce soir, les Penguins affrontent les Maple Leafs. Puis les Red Wings jeudi.

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