S’il y a bien une histoire qui captive les fans de foot sur le Vieux Continent cette saison, c’est celle du Bayer Leverkusen. Éternel perdant, le Leverkusen est en train de réaliser l’impensable : disputer une saison complète… sans perdre un seul match. Pour déchiffrer tout ça, on vous met dans la peau d’un érudit du soccer bien heureux de faire partager sa passion à ses collègues de travail autour de la machine à café !

[Nour, avec son habituel gobelet de thé aux perles à la main] Hé, cher collègue ! Tu te souviens, en février passé, lorsque tu nous parlais de la saison 2024 de la MLS qui s’amorçait ? Je serais bien curieuse de savoir ce qui se passe en Europe maintenant !

Nour, tu ne pouvais mieux tomber. Il se trouve qu’en Allemagne, le Bayer Leverkusen vient de disputer… un 41match consécutif sans défaite.

[Luc et Kim, inséparables criards qui en font éclabousser leur café] PARDON ?!

Oui, oui. C’est incroyable. Le Leverkusen, surnommé le Bayer Neverkusen pour témoigner des insuccès éternels de ce club de l’ouest de l’Allemagne, est invaincu depuis août 2023. On parle ici de 36 victoires et 5 matchs nuls, toutes compétitions confondues.

Ainsi, le club trône au sommet de la Bundesliga, 16 points devant le Bayern Munich avec 6 matchs à jouer. Ce n’est jamais arrivé en 61 ans d’histoire de la première division allemande qu’une équipe termine le calendrier sans défaite.

La porte est aussi grande ouverte pour le titre en Coupe d’Allemagne, avec une finale à disputer à la fin de mai contre le FC Kaiserslautern, club de D2 près de la relégation. Son plus grand défi maintenant, si on exclut la possibilité de demeurer invincible : les quarts de finale de la Ligue Europa contre le club anglais West Ham, les 11 et 18 avril.

[Guylain, sirotant la boisson chaude et amère fraîchement servie par la machine] Mais comment est-ce possible ? C’est long, une saison !

Je vous résume ça en deux mots : Xabi Alonso. L’entraîneur espagnol, arrivé en octobre 2022, a non seulement redressé un club qui craignait la relégation il y a un an et demi, mais l’a propulsé vers des sommets inimaginables.

Pour vous donner une idée, confrères et consœurs, les derniers titres du Bayer datent de 1993, avec la Coupe d’Allemagne, et de 1988, avec la Coupe de l’UEFA, soit l’ancêtre de la Ligue Europa. C’était grand à l’époque, mais ces trophées prennent maintenant la poussière depuis plus de 30 ans. On a bien cru à un doublé Bundesliga-Coupe d’Allemagne en 2002, mais ça s’était écroulé en fin de saison. Neverkusen, comme on le disait.

Jusqu’à l’arrivée d’Alonso. L’ancien international de la Roja, du Real Madrid et de Liverpool, et qui a joué sous Pep Guardiola au Bayern Munich, a fait ses classes en tant que technicien chez les jeunes de Madrid et avec la réserve de la Real Sociedad.

Leverkusen, c’est sa première expérience en tant qu’entraîneur chez les pros. On pourrait résumer sa philosophie de jeu en un mélange du style de possession de Guardiola et de la pression intense typique à Jürgen Klopp, qui cause des revirements et des contre-attaques incisives.

[Nour, perspicace] Je veux bien, mais ce n’est pas Alonso qui porte les crampons !

Tu as tout à fait raison ! Sous sa gouverne, quand même, plusieurs joueurs ont connu une très belle progression.

Florian Wirtz s’est imposé comme un créateur de jeu létal, et pourrait rapidement devenir un pilier de la sélection allemande à la position du numéro 10.

PHOTO ANNEGRET HILSE, ARCHIVES REUTERS

Florian Wirtz

Granit Xhaka, après un parcours en dents de scie à Arsenal, est devenu un noyau indispensable de cette équipe, se faisant la connexion entre la défense et l’attaque au milieu défensif.

Jeremie Frimpong, en dévalant l’aile droite à toute allure, a amassé 12 buts et 11 passes, toutes compétitions confondues. Les filets viennent aussi d’Alejandro Grimaldo, autant buteur (11) que passeur (14). Sans oublier Victor Boniface, qui a enregistré 16 buts et 9 passes en 24 matchs, malgré une blessure l’ayant tenu à l’écart de décembre à avril.

Les remparts sont aussi très solides, avec seulement 19 buts encaissés en 27 matchs en Bundesliga.

[Kim, abasourdie, mais intriguée] COLLÈGUE ! Toutes les équipes ont des moments d’égarement ! Elle a bien dû passer près de la défaite à certains moments, non ?

Oh, que oui. Juste la semaine dernière, contre Hoffenheim, Leverkusen tirait de l’arrière 1-0 à la 88e pour finalement l’emporter 2-1.

En Ligue Europa, contre Qarabag de l’Azerbaïdjan, il perdait 2-1 dans les arrêts de jeu… pour finalement l’emporter 3-2 (93e, 97e).

Chaque fois que les carottes semblaient cuites, les hommes d’Alonso s’en sont sortis jusqu’ici. De la trempe de champion, ce Leverkusen.

[Luc, avec une question qui lui brûle les lèvres depuis le début de la conversation] OK, MAIS LÀ ! Xabi Alonso ne va pas rester longtemps, avec tout ça !

C’est vrai que des clubs plus riches et plus prestigieux sont à la recherche d’entraîneurs. On n’a qu’à penser à Liverpool, qui verra son Klopp adoré quitter Anfield à la fin de la saison. Le Bayern Munich lui-même a voulu s’offrir ses services.

Tant pis pour eux : Xabi Alonso reste. C’est confirmé. Peu importe l’issue de cette saison de rêve, l’entraîneur espagnol honorera, au moins pour l’an prochain, son contrat qui le lie au club pour les deux prochaines saisons.

Parce qu’après toutes ces années de misère, pourquoi ne pas faire durer le plaisir ?