(Denver) À moins qu’un gardien ne le couvre de cadeaux, comme ç’a été le cas à Seattle dimanche dernier, le Canadien ne marque pas beaucoup de buts. Le problème n’est pas nouveau. Mais il est particulièrement criant dans un département spécifique depuis quelques semaines.

Au cours des 20 derniers matchs, le Tricolore a présenté le pire avantage numérique de la LNH. Avec un taux de réussite de 11,3 % dans cet intervalle, au 32rang du circuit, la Flanelle a converti à peine une chance sur neuf. La cassure est d’autant plus frappante qu’au cours des 20 matchs précédents, les Montréalais carburaient à un rythme de 27,3 %. La chute n’est pas que manifeste : elle est brutale.

La présente campagne s’est déroulée en trois temps sur ce plan. Les 30 premiers matchs ont été le théâtre d’une recherche de solutions. Après avoir, de l’aveu même de la direction, complètement négligé cet aspect du jeu en 2022-2023, on a identifié ce chantier parmi les priorités de 2023-2024.

On a donc assisté à différentes expériences et à quelques changements, au gré des observations et des blessures. Lorsque Kirby Dach est tombé au combat dès le deuxième match de la saison, il a d’abord été remplacé par Josh Anderson dans la première vague. Alex Newhook a lui aussi eu sa chance jusqu’à ce qu’il se blesse à la fin du mois de novembre.

C’est finalement Juraj Slafkovsky qui a été inséré dans cette unité lorsqu’il a commencé à trouver ses repères offensivement.

Cette période en a aussi été une de rodage, notamment sur le plan des entrées de zone. La stratégie de la fronde (slingshot, en anglais), cette fameuse passe arrière vers Nick Suzuki qui, en accélération, transporte la rondelle jusqu’à la ligne bleue, a demandé beaucoup de répétitions. On a aussi retiré Sean Monahan de l’avant du filet pour le muter au poste de pivot (bumper).

Le 16 décembre, au terme du 30match, l’avantage numérique affichait un taux d’efficacité de 16,7 %. À ce jour, en excluant les fluctuations inévitables des premiers jours du calendrier, il s’agit du plus bas cumulatif atteint cette saison.

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Cole Caufield

Un déclic s’est alors produit. À compter du 18 décembre, le taux de succès du Canadien a commencé à monter, et monter encore, jusqu’à atteindre 20,2 % le 6 février, au match numéro 50. On était encore loin des performances de l’élite du circuit, mais l’amélioration était évidente. Les entrées de zone étaient efficaces, la rondelle circulait avec rapidité, la menace venait de partout, et non plus seulement du côté de Cole Caufield. Au cours de cette période dorée, plus d’une occasion sur quatre se soldait par un but.

Or, depuis le 51match, la tendance est à la baisse. Au total, l’efficacité de l’attaque à cinq a perdu 2,4 points de pourcentage, pour aujourd’hui se situer à 17,8 %. La dégringolade est particulièrement radicale récemment : seulement trois buts en 41 occasions. La magie n’opère plus du tout.

Questions

Joueurs et entraîneurs se grattent la tête devant cette évidente baisse de régime.

Trevor Letowski, entraîneur-chef par intérim, a appelé à la « prudence ».

Les chances [de marquer] sont là. Ce n’est pas le moment de tout changer.

Trevor Letowski

Letowski marque un bon point. La cadence des tirs cadrés a fléchi, mais le nombre de chances de qualité est légèrement plus élevé depuis 20 matchs qu’au cours des 20 précédents. La rondelle, toutefois, refuse de pénétrer devant le filet.

Alex Burrows, entraîneur adjoint responsable de l’avantage numérique, a identifié un « manque d’exécution » et des difficultés à « finir les jeux ».

« On a davantage échappé la rondelle récemment », a quant à lui soulevé Nick Suzuki. On remarque en effet des entrées de zone plus bancales, des rondelles perdues, des passes qui ne trouvent pas de destinataires…

Le changement le plus visible se situe certainement sur le plan du personnel. Sean Monahan a été échangé aux Jets de Winnipeg le 2 février dernier. Le Canadien avait alors disputé 49 matchs. Le CH a atteint son sommet en avantage numérique à la joute suivante.

Alex Newhook, lui, est revenu au jeu le 10 février après avoir soigné une blessure à une cheville. Le remplacement du numéro 91 par le numéro 15 a d’abord généré quelques buts, il est vrai. Néanmoins, il semble évident que la présence de Monahan, aussi dangereux et imprévisible comme tireur que comme passeur, manque au Tricolore dans cette phase de jeu.

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Alex Newhook

Dans le vestiaire, la question est délicate. « Je pense que “Newy” fait du bon travail, a estimé Trevor Letowski. C’est facile de le montrer du doigt quand la rondelle ne rentre pas, mais je crois que c’est le bon gars [dans ce rôle]. »

Monahan et Newhook « sont semblables », croit Suzuki. « Ils ont de bonnes touches de rondelle, ils se positionnent bien, ils sont disponibles à tout moment, a énuméré le capitaine. Je ne pense pas que ç’ait changé grand-chose. »

« On sait ce dont on est capables, a ajouté Newhook. Si on réussissait simplement à compléter plus de jeux en espace restreint, je pense que notre pourcentage pourrait rapidement repartir à la hausse. »

Deuxième vague muette

On ne pourra évidemment affirmer hors de tout doute que le départ de Sean Monahan justifie à lui seul la panne de l’avantage numérique montréalais. Mentionnons néanmoins que, depuis son arrivée à Winnipeg, celui des Jets produit à un rythme de 27,3 %. Mais ne digressons pas.

Ce qu’on sait, toutefois, c’est que l’aide ne viendra pas de la deuxième vague. La dernière fois que quiconque n’est pas Suzuki, Caufield, Slafkovsky, Matheson, Monahan ou Newhook a obtenu un point en pareilles circonstances, c’était le 16 décembre.

Bref, au cours des 39 derniers matchs, tout le reste de l’équipe a été blanchi. Pendant cette période, Josh Anderson et Brendan Gallagher ont pourtant passé une quarantaine de minutes chacun sur la glace avec l’avantage d’un homme. Jesse Ylönen (presque 30 minutes), Arber Xhekaj et Joshua Roy (22 chacun) n’ont pas fait mieux.

Si la première vague continue de menacer, on ne saurait en dire autant de la seconde qui, en plus de ne pas obtenir de point, ne génère pas grand-chose, voire rien du tout.

On en finit par se demander si on n’envoie pas la deuxième unité simplement pour reposer le reste du groupe.

Quel niveau d’attention accorde-t-on aux employés de soutien en avantage numérique ? avons-nous demandé à Alex Burrows, lundi.

« Peu importe qui est sur la deuxième vague, on n’a pas changé le plan, s’est-il défendu. On a notre réunion avec la première, puis celle avec la deuxième, et on essaie d’aborder l’avantage numérique de la même manière. »

Parfois, a-t-il fait remarquer, la deuxième vague doit se contenter de « miettes », dans les dernières secondes de l’attaque à cinq, encore que ce ne soit pas toujours le cas.

« Ça demeure du temps de glace important pour eux, a-t-il insisté. Ça leur permet d’avoir de bonnes touches en zone offensive, de bien paraître autour du filet. C’est à eux de continuer à exécuter et de trouver des manières d’avoir du succès. »

Bien qu’il ne reste qu’environ trois semaines à écouler à la saison, et 12 matchs à disputer, Nick Suzuki estime qu’il reste encore « beaucoup de temps » pour renverser la vapeur.

« Il suffit d’un but et les gars vont reprendre confiance en eux, a-t-il affirmé. Les passages à vide peuvent arriver, mais on sait qu’on a déjà produit à presque 30 % pendant un moment. On veut revenir à ça. »