(Seattle) Le poids des défaites ne pèse pas sur tout le monde de la même manière. Question de personnalité, sans doute. D’âge et d’expérience, certainement.

S’il y en a un qui semble agacé à la suite des revers de son équipe, c’est Juraj Slafkovsky. Après que son équipe eut été malmenée par les Canucks de Vancouver, jeudi soir dernier, il est passé en coup de vent dans le vestiaire. Les journalistes affectés à la couverture du match l’ont décrit comme particulièrement contrarié.

Ce n’est pas la première fois qu’il exprime son insatisfaction après une défaite. Plusieurs fois, depuis quelques semaines, il a dévié les questions sur ses succès offensifs – bien réels, avec 20 points à ses 22 derniers matchs – pour rappeler qu’il s’en soucie peu si son équipe ne gagne pas.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Juraj Slafkovsky lors d’un match contre les Coyotes de l’Arizona au Centre Bell

Samedi matin, après l’entraînement de l’équipe, à Seattle, le grand gaillard avait retrouvé sa proverbiale bonne humeur, en tout cas le temps d’un court entretien avec La Presse. À tête reposée, il reconnaît, comme tous ses coéquipiers d’ailleurs, que l’équipe est en reconstruction, ce qui ne se fait pas sans heurt. Que l’important réside « dans la manière dont on se comporte sur la glace », que « si on trouve notre jeu, les résultats vont venir ».

Il faut s’en tenir au plan. Se frustrer rendra ça pire. On doit trouver du positif chaque jour dans chaque match. Mais on ne peut pas s’en satisfaire non plus.

Juraj Slafkovsky

La patience fait-elle partie de ses qualités ? lui demande-t-on, tandis qu’il retire ses jambières. Le jeune homme interrompt son geste, regarde devant lui, sourit. « Euh, non ! », laisse-t-il tomber, d’un ton amusé.

« J’apprends à être plus patient, avoue-t-il. Bien sûr que j’aimerais que tout aille vite. Mais c’est une longue saison, avec beaucoup de hauts et de bas. C’est une longue carrière, aussi. Ce n’est pas comme si tout devait arriver d’un coup… »

« Bonne direction »

Dans cette démarche, il sent qu’il est « dans la bonne direction ». Une formule d’ordinaire convenue, mais certainement pas dénuée de sens dans le cas de Slafkovsky.

Il en a déjà parlé par le passé, mais la saison 2022-2023, sa première dans la LNH, a été pénible sur le plan individuel. Le Slovaque étant probablement le critique le plus sévère de son travail, ses débuts nord-américains lui ont donné du noir à broyer. Seulement 10 points en 39 matchs, dont une disette complète de 15 rencontres avant qu’une blessure ne mette fin prématurément à sa campagne.

Sur la patinoire, il semblait désorganisé, parfois même déboussolé, visiblement inquiet de se mettre les pieds dans le plat. Après un camp d’entraînement autrement positif l’automne dernier, il a été rattrapé par ses carences au cours des premières semaines de la saison.

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Juraj Slafkovsky (20) avec Nick Suzuki et Cole Caufield

Sur le plan offensif, le grand déblocage est venu à la mi-décembre. Il a alors trouvé ses aises sur le premier trio de l’équipe, à la droite de Cole Caufield et de Nick Suzuki.

Ce qui a le plus changé dans son état d’esprit ? Il est plus calme qu’auparavant, avance-t-il. Plus patient aussi, un thème décidément récurrent dans la conversation.

« J’ai bon espoir que les choses sur lesquelles je travaille vont finir par marcher, affirme-t-il. Je n’étais pas satisfait l’an dernier parce que je n’avais pas de points, mais aussi parce que je voulais tout précipiter. Parfois, peu importe à quel point on désire quelque chose, ça peut nécessiter plus de temps que pour une autre. Il faut apprendre sur soi-même. J’apprends encore comment réagir face à des situations que je n’avais jamais vécues auparavant. »

« Si je n’avais pas été patient, je ne serais probablement plus ici, croit-il. J’aurais été cédé aux ligues mineures. »

On ne sait trop si cette analyse est une interprétation personnelle ou un scénario évoqué par ses patrons. De toute façon, on n’en est plus là. Avec une récolte de 38 points en 69 matchs cette saison, le gros ailier a fait la démonstration que sa place est dans la LNH.

Confiance

À l’instar de son équipe, il n’est pas parfait pour autant. Toutefois, ses conversations avec Martin St-Louis, mais aussi avec Adam Nicholas, spécialiste des habiletés qui a beaucoup travaillé avec lui, l’ont aidé à cheminer. Le regard qu’il porte sur son travail a à l’évidence changé, si bien qu’il passe plus rapidement par-dessus ses erreurs.

Prenez le match du 14 mars dernier contre les Bruins de Boston. En début de rencontre, une mauvaise couverture de Slafkovsky près de son filet a permis à Danton Heinen d’ouvrir la marque. Dix minutes plus tard, le numéro 20 servait une passe savante à Nick Suzuki, qui a créé l’égalité.

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Jonathan Drouin (27) et Juraj Slafkovsky (20)

Est-ce qu’il aurait réussi à faire fi de son erreur l’an dernier ? Peut-être. Aussi rapidement ? Probablement pas.

« Maintenant, je commets tellement d’erreurs que je dois être capable de passer à autre chose ! », plaisante-t-il.

Il a beau affirmer qu’il ne se soucie pas de sa fiche offensive, il admet que « ça fait du bien de finalement avoir des points ».

« Ça aide à avoir confiance, poursuit-il. Surtout les jours où je ne me sens pas à mon meilleur. Si je connais un mauvais match, je sais que ça peut changer avant la fin de la rencontre. »

Il y a aussi de cela, dans l’apprentissage du métier de hockeyeur professionnel. Accepter que chaque jour ne soit pas le plus beau de sa vie.

Que les matchs se suivent mais ne se ressemblent pas. Mais aussi que « la ligue s’en fiche », phrase fétiche de Martin St-Louis que l’attaquant répète pour se rappeler que peu importent les problèmes du moment, l’adversaire ne prendra personne en pitié.

Mû par cette belle sagesse, et en dépit des défaites qui s’accumulent, Juraj Slafkovsky s’amuse. Ça non plus, ce n’était pas aussi clair il y a un an.

Jouer dans la LNH, « c’est ce que j’ai toujours voulu », conclut-il. « Je suis juste content que ça m’arrive. Je ne changerais rien, je ne veux rien d’autre. »

La vie est belle, quoi. Même si quelques victoires en plus ne nuiraient pas.