Guy Carbonneau a atterri chez le Canadien en 1981, à l’époque où Guy Lafleur était encore la superstar de l’équipe.

Il a remporté une première Coupe Stanley en 1986 avec une offensive menée par Bobby Smith, Mats Naslund, Stéphane Richer et Claude Lemieux, une seconde en 1993 avec Vincent Damphousse, Kirk Muller, Brian Bellows, Stephan Lebeau et Denis Savard comme locomotives à l’attaque.

Plus tard, comme entraîneur, il a dirigé Saku Koivu, Alex Kovalev, Alex Tanguay, Robert Lang et compagnie.

Se souvient-il d’un premier trio à Montréal dont tous les membres sont jeunes et talentueux comme Nick Suzuki, Juraj Slafkovsky et Cole Caufield ?

Suzuki, 24 ans, produit à un rythme d’une saison de 77 points, Caufield, 23 ans, de 65 points et Slafkovsky, 19 ans, de 44 points. Mais à leur cadence actuelle, ils pourraient aussi engranger quatre ou cinq points de plus que les projections.

« Jeunes comme eux, ça n’arrive pas souvent. Câline, j’essaie de regarder dans le passé… de mémoire, ça ne me revient pas. On en a eu des bons dans les années 1990 avec Richer, Damphousse, Lebeau, mais ils n’étaient pas aussi jeunes. On avait surtout de bons duos. Il y avait beaucoup plus de vétérans à l’époque, il faut le mentionner. »

Aujourd’hui, avec le plafond salarial, tu n’as pas le choix d’avoir de plus jeunes effectifs.

Guy Carbonneau

L’ascension de Slafkovsky, 18 points à ses 20 plus récentes rencontres, demeure sans doute à ce jour la plus grande réalisation de l’entraîneur-chef Martin St-Louis, estime Carbonneau.

« Martin a été patient avec Slafkovsky. De mon point de vue extérieur, je l’aurais probablement envoyé dans la Ligue américaine l’an dernier ou en début de saison. Mais nous, qui commentons à la télé, dans les journaux ou à la radio, ne sommes pas à l’interne. C’est un peu injuste pour nous. On n’a pas le pouls des joueurs. Se sent-il en confiance ? Est-il à l’aise avec le groupe ? Ça demeure aussi un premier choix au repêchage. Tu as parfois tendance à être plus patient. »

Carbo aurait aimé diriger un tel poulain.

« C’est le fun de voir sa progression depuis deux mois : te faire aimer une peinture, ça n’est pas toujours facile, mais à force de la regarder de tous les côtés, tu commences à y voir du beau. Quand ça débloque, ce sont des feelings extraordinaires.

« Il y a aussi la façon dont Suzuki maintient son niveau de performances. S’il veut demeurer un centre numéro un, il doit apprendre à jouer défensivement comme offensivement, à moins de t’appeler McDavid ou MacKinnon et de faire plus de 130 points par année. »

Un Selke pour Suzuki ?

Exagère-t-on en suggérant pour Suzuki un trophée Selke, remis à l’attaquant défensif par excellence dans la LNH ? Carbo en a gagné trois, en 1988, 1989 et 1992…

« Le jeu défensif, c’est beaucoup d’instinct, de réaction, d’anticipation surtout. J’étais un joueur très visuel. J’avais beaucoup de facilité à retenir certaines tendances chez l’adversaire. Les meilleurs joueurs défensifs, comme les Patrice Bergeron et Anze Kopitar récemment, ont ces atouts.

« Nick, on le voit, vole beaucoup de rondelles, l’instinct est là. Il va continuer de s’améliorer. Il a un certain potentiel pour y arriver. Est-ce qu’il peut dans deux ou trois ans se trouver sur la liste de trois ou quatre candidats chaque saison ? Peut-être. Mais pas en ce moment. »

PHOTO SERGEI BELSKI, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Nick Suzuki

Carbonneau croit en la reconstruction actuelle, mais il manque encore évidemment des pièces importantes.

« L’absence de Kirby Dach depuis deux ans est importante. C’est probablement ce qui fait le plus mal au Canadien. Quel est son potentiel ? Son plafond ? J’adore Nick [Suzuki], est-il un premier centre ? Il est dans les 60-70 points. C’est pas assez. Si on est capable de trouver un autre centre qui va faire la même chose, oui. Ça prend donc un autre joueur de centre, Dach peut-être, et un autre bon ailier pour aider le deuxième trio.

« Défensivement, il n’y a pas assez de profondeur en termes de joueurs d’impact, poursuit Carbonneau. On peut difficilement en demander plus à Mike Matheson, c’est une surprise extraordinaire. J’adore ce que je vois de Guhle. Va-t-il plafonner ? S’il peut être un peu plus offensif, ça serait tout un atout.

« Après, on parle tous de Lane Hutson et de ces gars-là, mais ils n’ont pas encore atteint la Ligue nationale. Plusieurs ont dominé dans la NCAA et les rangs juniors et n’ont pas eu de grandes carrières dans la LNH, alors je veux voir avant. Est-ce qu’on est sûrs de Cayden Primeau et Samuel Montembeault ? On a deux potentiels intéressants, mais rien de garanti comme numéro un encore. »

L’espoir le plus intrigant

Quel espoir du Canadien intrigue le plus l’ancien capitaine et entraîneur du CH ?

« J’ai eu l’occasion de parler à certains membres de l’organisation qui le voient jouer en Suède, et le défenseur Adam Engström pique ma curiosité. C’est un gars de 6 pi 2 po, presque 200 lbs, j’ai hâte de le voir ici. Ils sont très contents de la façon dont il se développe. »

Carbonneau croit en Kent Hughes, le directeur général du Canadien.

« Par son calme, il me rappelle un peu Serge Savard. Il a toujours de bonnes réflexions. Sur le plan émotionnel, ce n’est jamais trop haut, jamais trop bas. C’est ce qui fait les succès de ces gars-là quand ils sont agents. J’aime ce qu’on a fait dans les dernières années. »

Kent [Hughes] a été un gros facteur de changement, le deuxième a été Chantal [Machabée], parce que l’ambiance a beaucoup changé dans l’entourage de l’équipe depuis qu’ils sont arrivés.

Guy Carbonneau

« Kent comprend la game, poursuit notre homme. Un entraîneur a besoin d’un directeur général comme ça. Le coach va toujours avoir des insatisfactions au quotidien. Martin ne peut pas être content, ils perdent tout le temps. Tu ne peux pas faire des échanges chaque fois que ton entraîneur te demande de le faire. Kent est un homme patient. »

Le meilleur coup de Hughes ? « D’obtenir Matheson contre Petry, c’est difficile de faire mieux. Petry ne voulait plus rester ici et il commandait quand même un salaire important. Il en a fait plusieurs. Je suis content qu’il ait gardé Savard et Matheson à la date limite des échanges pour entourer les jeunes. »

Même si le Canadien a trois points à peine de plus qu’après 67 matchs l’an dernier, et une victoire de moins, Carbonneau prend beaucoup plus de plaisir à le suivre pour le compte de RDS cette saison.

« L’an dernier, ils cassaient quand ça allait mal. Cette saison, ils plient. Et quand ils cassent, ils cassent moins longtemps. Tu vois des progrès dans les performances des joueurs, mais il y a encore des choses à travailler, dont le jeu en défense… »