(Edmonton) Les joueurs qui jouent devant leurs proches à l’étranger frappent toujours l’imaginaire. Combien d’images a-t-on en tête de Québécois qui viennent marquer un gros but au Centre Bell ?

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Cela dit, ces rencontres ne sont pas que joie et bonheur. L’athlète professionnel qui souhaite se concentrer sur sa routine devra revoir ses plans. Kaiden Guhle, mardi, jouait à la maison. Il a grandi à Sherwood, banlieue située à une quinzaine de kilomètres du Rogers Place.

Il n’a toutefois pas paru le moindrement dérangé par les distractions. Le jeune homme a été un des employés les plus méritants de cette courte défaite de 3-2 du Tricolore en prolongation face aux puissants Oilers d’Edmonton.

Un but de Leon Draisaitl, inscrit à la toute fin d’une pénalité de quatre minutes à Joel Armia, a permis aux Albertains de triompher. Guhle était d’ailleurs rentré au banc depuis une vingtaine de secondes quand Draisaitl a profité d’un Samuel Montembeault qui commençait à être usé par le volume incessant de tirs pour marquer. C’était le sixième tir cadré, et la neuvième tentative de tir, des Oilers en trois minutes de prolongation.

« C’est un de nos meilleurs matchs de la saison. Il y a beaucoup de positif, je ne commencerai pas à être négatif. C’est dur de perdre comme ça parce que les joueurs ont vraiment tout laissé sur la glace », a estimé l’entraîneur-chef remplaçant du Canadien, Trevor Letowski.

Mais dans cette défaite, Guhle a démontré en quoi sa progression est impressionnante après seulement 108 matchs dans la LNH, dans des circonstances pas évidentes. Mardi matin, il racontait aux médias la logistique derrière ce duel. « On aura peut-être un autobus complet qui va venir de Sherwood Park ! », rigolait-il. Et pour le portefeuille ? « Ça a donné un bon coup ! »

Mais il y a aussi des bienfaits à jouer à la maison. Dimanche et lundi, il a eu droit à des soupers maison, cuisinés par sa mère et le conjoint de celle-ci. « Des côtes levées barbecue dimanche et du rosbif lundi », a-t-il détaillé, pouvant difficilement cacher ses origines albertaines.

Et il y a aussi le fait que sa carrière junior a pris fin ici, à Edmonton, lui qui a joué pour les Oil Kings. Ce qui l’a plutôt bien servi dans les circonstances.

« J’ai récemment commencé à utiliser des bâtons Bauer. [Juraj Slafkovsky] avait un restant d’une commande, il lui en restait un, en fait, et je l’ai cassé à Calgary. Donc en arrivant ici, j’ai été voir Rogan [le préposé à l’équipement] pour lui demander s’il en avait en trop. J’en avais testé quand je jouais ici et c’était les mêmes bâtons que j’avais essayés dans le temps. »

C’est donc avec un de ces bâtons obtenus de son ancien préposé à l’équipement qu’il a marqué en troisième période pour créer l’égalité et permettre au CH de repartir d’ici avec un point. « C’est drôle comment ça a fini. Je l’ai déjà texté… C’est pas mal grâce à lui, ce but !

PHOTO PERRY NELSON, USA TODAY SPORTS VIA REUTERS CON

Nick Suzuki (14) et Leon Draisaitl (29)

« C’était une bonne sensation. C’est toujours bien de marquer dans cet amphithéâtre, surtout avec tous les partisans du Canadien ici. On aurait dit qu’on était à domicile. C’est assurément parmi les buts préférés de ma carrière. Mais ç’aurait été mieux d’avoir les deux points. »

Son but sera vu et revu aux bulletins télévisés, au grand dam de Calvin Pickard, parce qu’aucun gardien n’aime se faire déjouer sous le gant. Souhaitons à Jake Evans que les faits saillants incluront sa passe parfaite en zone neutre, que Guhle a saisie en plein élan.

Mais il a surtout livré du jeu assuré pendant les trop nombreux désavantages numériques de son club. À 5 contre 5, il a passé presque tout son temps (12 min 28 s selon Natural Stat Trick) contre Connor McDavid. Ce dernier l’a fait mal paraître en se moquant de lui en début de match, pour ouvrir la marque. Mais Guhle ne s’est pas laissé ébranler et a répondu à l’appel.

« Il a été très bon ce soir, a jugé Letowski. C’était un match excitant pour lui, avec son historique ici. Il a répondu, il compétitionnait et il a marqué un gros but. C’est toute une soirée pour un jeune. »

En hausse : Jake Evans

Il a souvent livré de grandes performances face à son vieil ami Connor McDavid. C’était encore le cas mardi, et ça a commencé par du solide boulot au cercle des mises au jeu.

En baisse : Colin White

Il joue essentiellement parce que le Canadien ne compte sur aucun autre centre dans son effectif, mais joue-t-il vraiment s’il est cloué au banc à partir de la fin de la deuxième période ?

Le chiffre du match : 27

Ce n’était pas exactement son plus beau de la saison, mais Nick Suzuki a inscrit son 27e but de la saison. Il bat ainsi sa marque personnelle de 26, établie l’an passé.

Dans le détail

Pearson saute son tour

Une surprise que l’on pourrait qualifier de modeste nous attendait à l’entraînement. Trevor Letowski a en effet annoncé que Tanner Pearson, qui se cherche depuis son retour au jeu en janvier, était laissé de côté. C’était la première fois de la saison qu’il subissait un tel affront. « C’est toujours difficile avec un joueur respecté qui est dans la ligue depuis longtemps, a admis Letowski. Mais on a dit à Tanner il y a quelque temps qu’on pensait à le sortir de la formation. Ce n’est pas comme si ça venait de nulle part. » Son exclusion de la formation a permis à Michael Pezzetta de revenir au jeu, lui qui a été retranché pour 10 des 12 matchs précédents. Pezzetta n’a pas mis de temps à s’inviter dans l’action ; il a laissé tomber les gants contre le fougueux Sam Carrick dès sa première présence. Il semble que ce soit une mise en échec légale de Pezzetta contre Carrick qui a déclenché le conflit, quoi que l’on ait cru entendre quelque chose qui ressemblait à « poisson pas frais ! ? » du haut de la passerelle. Mais nos oreilles nous ont peut-être trompé.

Nette amélioration de Newhook

Les mises en jeu étaient une des lacunes d’Alex Newhook à son arrivée à Montréal. Il en avait gagné seulement 41,4 % la saison dernière au Colorado, et il était à 38,7 % au moment de se blesser, l’automne dernier. Mais depuis son retour, ses résultats sont nettement plus probants : exactement 50 % (93 en 186), tout ça en 18 matchs, un échantillon qui commence à tenir la route. En fin de première période, il en a remporté une contre l’excellent Leon Draisaitl, une mise en jeu cruciale parce qu’il restait 10 secondes avant l’entracte et qu’elle se faisait en zone du Canadien, du côté droit en plus, là où le gaucher Newhook est désavantagé. « J’ai toujours tenté d’y travailler. C’est une partie importante du hockey et à mon retour au jeu, je me doutais que je jouerais au centre pour le reste de la saison », disait-il samedi matin à Calgary.

Henrique brise la glace

Adam Henrique est le plus gros nom acquis par les Oilers à la date limite des transactions. Coincé dans le mouroir des Ducks d’Anaheim lors des six dernières saisons, il n’a toutefois joué que quatre matchs en séries depuis son phénoménal printemps 2012, quand il avait aidé les Devils du New Jersey à atteindre la finale de la Coupe Stanley. Il devra donc reconstruire sa réputation de joueur des séries. En attendant, il a brisé la glace. À son sixième match avec les Oilers, il a profité d’un flottement entre Joshua Roy et David Savard dans son marquage pour se glisser dans la peinture bleue et marquer son premier but avec sa nouvelle équipe. En attendant qu’il soit plus productif, il offre aux Oilers une profondeur intéressante au centre, derrière les incontournables Connor McDavid et Leon Draisaitl.

Guillaume Lefrançois, La Presse