(Stamford, Connecticut) Ici, des boîtes frappées de la fameuse flèche d’Amazon. Là, des bâtons encore dans leur emballage. Et maintenant, une paroi de casier sur laquelle il est écrit, au crayon à mine, « NY 28 ». Le fin limier que nous sommes en déduit qu’il s’agit d’un panneau de 28 pouces destiné à New York.

« Ils n’ont pas encore eu le temps de poser le panneau de finition », s’excuse Pascal Daoust.

Le Québécois nous accueille jeudi après-midi, dans ce qui est son nouvel espace de travail, un projet en construction, bien évidemment. Les lieux – un pharaonesque complexe sportif situé à Stamford, au Connecticut – ne sont pas en construction, mais les espaces réservés à l’équipe de New York de la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF), équipe dont Daoust est le directeur général, sont en plein aménagement.

PHOTO GUILLAUME LEFRANÇOIS, LA PRESSE

Il reste bien du travail d’ici le début de la saison.

Son titre est bel et bien « directeur général », mais dans une équipe fondée il y a à peine deux mois, n’imaginez pas que son travail consiste à se chicaner avec des agents, à voyager d’une ville à l’autre et à passer des soirées dans les arénas à scruter de futures joueuses. Ces tâches viendront avant longtemps, mais d’ici là, il y a pas mal plus urgent.

« Quand tu as le privilège de bâtir à partir de zéro, tu finis par développer des compétences dans des domaines que tu ne connais pas, raconte-t-il à La Presse, attablé dans le centre d’entraînement de l’équipe. Les laveuses et sécheuses, je peux t’en parler ! Il fallait les magasiner, s’informer sur les différences de capacité, entre telle et telle marque, et comment tel ou tel modèle va aider nos gérants d’équipement. »

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Tout n’est pas encore déballé…

Les membres de son personnel commencent aussi à affluer. Katia Clément-Heydra, ancienne joueuse des Canadiennes de Montréal, agira comme responsable des services à l’équipe. Noémie Chartier-Lefrançois, ancienne thérapeute sportive des Olympiques de Gatineau, occupe les mêmes fonctions pour la future équipe. Elles sont deux des trois Québécois qu’il a débauchés – le troisième étant Christophe Perreault, directeur du recrutement et des statistiques avancées.

La vision

Daoust a donc les deux mains dans cette logistique, mais il doit aussi monter un club en parallèle. Le camp d’entraînement s’amorce officiellement vendredi. Jeudi, c’était les examens physiques. Et la journée de mercredi était consacrée aux examens médicaux, de même qu’à une première rencontre d’équipe, au cours de laquelle il a présenté la culture qu’il souhaite inculquer à l’organisation. Ce qu’il a dit ?

« La famille, c’est une valeur. Je ne leur demande pas d’être amies. Mes frères, ce ne sont pas mes meilleurs amis au monde, mais je peux les appeler n’importe quand, ou ils vont m’appeler, et je vais être là. On ne choisit pas ses coéquipiers, on ne choisit pas sa famille, mais on est toujours là. »

Daoust a aussi insisté sur la loyauté. « Si j’en pointe une – et elles ont eu peur que je les pointe ! – et que je lui demande de chanter, ça se peut que ça sonne mal. Si j’en pointe quatre et que je dis : chantez votre chanson préférée, ça se pourrait qu’elles ne chantent pas la même chanson. Par la loyauté, je leur ai dit qu’on partage nos idées, qu’on va avoir 35 bonnes idées comme on pourrait chanter 35 chansons. »

Si on gagne à la fin, ce ne sera pas à cause du plan de match. S’il y en avait un qui fonctionnait, on l’achèterait sur l’internet ! Celui qui fonctionne, c’est celui qu’on fait toutes en même temps. Donc si les 35 chantent la même chanson en même temps, ça va sonner de façon magique et ça va cacher les mauvais chanteurs.

Pascal Daoust

Le reste va venir bien vite. On ignore toujours la date du début des activités, bien que le 1er janvier circule abondamment. La date semble plutôt proche, sachant que les six DG doivent essentiellement construire l’avion en plein vol. « Il y a des gens en place dans cette ligue qui ont fait des choses incroyables depuis des mois. Les DG, on est en poste depuis le 1er septembre. Il vient de s’écouler deux mois et demi et j’ai l’impression que ça fait trois ans. Si on a réussi à faire tout ça en deux mois et demi… », rétorque Daoust.

« Mais ce qui est spécial, c’est qu’on commence en janvier, et il y aura un repêchage probablement dès juin. Les équipes où il faut recruter, il va leur rester trois mois de hockey en janvier. Là, j’ai zéro le temps. Mais une fois que ce sera parti, il va falloir aller sur la route. »

Pour cette raison, il demeurera donc à Blainville pendant la saison et voyagera de la maison pour le recrutement ou pour suivre son club.

New York par procuration

Stamford, pour les non-initiés, est une des nombreuses banlieues cossues de New York. Les gestionnaires de fonds spéculatifs – les hedge funds – sont réputés pour avoir envahi la région. Une visite de Chelsea Piers, le centre sportif où s’entraîneront les joueuses de l’équipe de New York, donne un aperçu des conditions socioéconomiques du secteur. On peut y pratiquer l’escrime, le squash, la natation et le hockey, et les plateaux de gymnastique pour les enfants sont à perte de vue.

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L’intérieur du centre sportif Chelsea Piers, où s’entraînera l’équipe de New York

Mais nous voici tout de même à 60 km de Times Square. C’est l’équivalent du Canadien qui jouerait à Saint-Jérôme, mais où le Johnny est remplacé par une trattoria qui sert un penne arrabbiata à 27 dollars, américains, bien sûr.

Les arénas des matchs à domicile n’ont toujours pas été confirmés, mais Bridgeport, encore plus loin de New York, revient souvent comme une possibilité. Il n’est toutefois pas impossible que l’équipe dispute quelques matchs plus près de la région new-yorkaise.

« Les Rangers s’entraînent à l’extérieur de New York, rappelle Daoust. Les joueurs vivent à l’extérieur de la ville. C’est beaucoup plus abordable pour les joueurs et le personnel. On est comme les équipes pros qui s’entraînent à l’extérieur. Je ne peux rien annoncer, mais c’est sûr qu’on devra aller là-bas, on va représenter New York. »

Là-dessus, aucun doute que Daoust s’assurera que le club soit près du marché dont il porte le nom. Après tout, il rêve depuis toujours à un job dans la Big Apple. Il n’en a jamais été aussi près.