(Lausanne, Suisse) De Montréal à Princeton, en passant par Ottawa, pour aboutir à la tête d’une des grandes organisations de la ligue nationale suisse. Tel est le parcours peu commun de John Fust, le Québécois qui occupe le poste de directeur sportif du Lausanne HC.

Les plus romantiques diront même que l’homme originaire de Mont-Royal était prédestiné à œuvrer dans le hockey. L’explication ?

Sa famille est d’origine suisse allemande. C’est dans les années 1920 qu’elle s’est exilée à Montréal. « Mon grand-père est parti de rien, donc il a fait plusieurs jobs, relate Fust, rencontré par La Presse à l’aréna Vaudoise à l’entracte du match entre Lausanne et l’EHC Kloten.

« Il a fini avec son salon de coiffure, Hans Salon. Et il coiffait les femmes des joueurs du Canadien : les femmes de Jean Béliveau, Maurice Richard, Henri Richard, elles allaient toutes le voir ! Il était vraiment bon, il gagnait des concours en Amérique du Nord. Il était suisse, et avec son accent européen fort, il charmait les gens ! »

Ce lien avec les anciens du CH est évidemment anecdotique dans son parcours. Son passeport suisse, hérité de son père, l’est cependant moins. C’est en grande partie ce qui lui a ouvert les portes du hockey européen.

Comme bien des jeunes de sa génération, Fust jouait au hockey à un assez bon niveau pour être admis dans l’équipe de la prestigieuse Université Princeton, au début des années 1990. « J’étais un bon joueur, mais je n’étais pas énorme ni rapide, donc je me suis dit que ça serait mieux en Suisse. Si je n’allais pas jouer dans la LNH, je perdais mon temps en restant en Amérique du Nord », estime-t-il.

Son passeport suisse lui a donc permis de rentrer au pays de ses ancêtres pour amorcer sa carrière professionnelle, d’abord en deuxième division, puis en première. Une carrière de 12 ans bien remplie, principalement à Langnau et à Ambri-Piotta.

Une fois ses patins accrochés, c’est à Ottawa qu’il envisageait la suite des choses. « Je voulais travailler pour le gouvernement », explique l’homme de 51 ans. Mais voilà que par l’entremise de Martin Gerber, son coéquipier en Suisse qui jouait alors pour les Sénateurs, le poste d’entraîneur-chef de Viège s’est offert à lui au cours de la saison 2007-2008.

« Je me suis dit que je l’essaierais pour un an. Ça fait 13, 14 ans ! »

Homme-pieuvre

En Suisse, le titre de directeur sportif équivaut à celui de directeur général en Amérique du Nord. La description de tâches d’un directeur sportif diffère cependant de celle de ses homologues de la LNH.

D’abord, la rencontre a eu lieu sur la passerelle de l’aréna. Or, la passerelle est en fait la dernière rangée des gradins ; les spectateurs passent par là et peuvent apostropher les dirigeants à tout moment. « C’est une game différente, estime-t-il. C’est plus respectueux, les gens viennent te parler, mais ne te dérangent pas. Tu n’es pas un dieu, mais tu es connu. »

Dans son cas, il hérite d’un rôle relativement enviable puisque son club se remet encore du départ de Petr Svoboda – oui, oui, LE Petr Svoboda – essentiellement accusé de tous les maux par ici. « Ça, c’est une autre histoire ! », lance Fust, pudiquement.

Et son travail ? « Tu dois porter tous les chapeaux, car on n’a pas tout le personnel de recruteurs des équipes de la LNH », souligne Fust. Il mentionne par exemple le marché « fermé » en raison du nombre limité d’étrangers que chaque équipe peut accueillir.

« Donc les contacts et l’expérience sont importants. C’est toi qui diriges le recrutement, tu fais les contrats, mais aussi le marketing. Je suis dans les meetings des ventes, du marketing, pour savoir ce qu’on peut faire pour rendre l’équipe encore plus populaire. »

Un directeur sportif en Suisse est pas mal plus impliqué dans la business qu’en Amérique du Nord.

John Fust

Fust tentera maintenant de mener Lausanne au tout premier championnat de première division de son histoire. Au moment de la pause internationale du début de novembre, le club partageait le 6e rang (sur 14) du circuit avec Lugano.

Loin des projecteurs de sa ville natale, il reste néanmoins fier de ses origines. « J’ai grandi à TMR [Mont-Royal], j’ai joué pour les Aigles ! rappelle-t-il, dans un français qu’il a pu conserver en travaillant en Suisse francophone.

« Je suis né à Montréal. Comme tout le monde, j’ai joué. C’était la religion. Je suis très content d’avoir fait une longue carrière ici. Ce n’est pas la LNH, mais la qualité de vie ici est tellement bien que je n’ai aucun regret de ne pas être retourné en Amérique du Nord. »