L’enflure médiatique est un peu survenue par hasard, en décembre 2019. Le reporter affecté à la couverture du Lightning de Tampa Bay pour le compte du site The Athletic, Joe Smith, était en visite à Örnsköldsvik, une petite ville suédoise de 30 000 âmes située à plus de 500 kilomètres de Stockholm pour y retracer les racines de Victor Hedman.

Cet envoyé spécial de la Floride tentait aussi de percer le secret d’Ovik. Comment diable une si petite ville avait-elle pu produire autant de vedettes de la LNH, non seulement Hedman, la star du Lightning, mais les frères Henrik et Daniel Sedin, Markus Naslund et Peter Forsberg.

Vers la fin de son très long reportage, Smith se demandait si cette grande lignée de hockeyeurs ayant évolué pour l’équipe professionnelle locale, Modo, aura des successeurs.

« Dans cinq ans, (Mattias Norlinder) va gagner le trophée Norris, lui confie Per Hagglund, un journaliste qui a couvert les activités de Modo pendant plus de 30 ans et vu grandir les Forsberg, Hedman et compagnie. C’est un Nicklas Lidstrom, tellement intelligent, de bonnes mains, une aisance sur patins. Il sera le prochain joueur de Modo qui fera parler de lui. »

Norlinder, 19 ans, avait été repêché au troisième tour par le Canadien six mois plus tôt. Il était passé sous les radars de la LNH à son année d’admissibilité puisqu’il avait passé presque tout l’hiver au sein du club junior de Modo, avant de mériter un rappel en fin de saison, et surpris en amassant 6 points en 14 matchs au sein de la première paire de défenseurs avec l’ancien des Thrashers d’Atlanta, Tobias Engström. Il avait 12 points en 25 matchs au compteur lors de la visite de Joe Smith.

C’était presque trop beau pour être vrai. Un obscur choix de troisième tour, repêché par le Canadien après Cole Caufield et Jayden Struble en 2019, comparé au légendaire Nicklas Lidstrom ? Celui-ci n’était pas seulement suédois, défenseur gaucher, mais il avait constitué un choix de troisième tour également, 30 ans plus tôt.

Hagglund n’était pas entraîneur, mais il avait vu grandir cette cohorte suédoise de vedettes au fil des décennies. On ne compare pas un jeunot de 19 ans à l’un des plus illustres défenseurs de l’histoire de la Ligue nationale de hockey sans être sûr de son coup.

Joe Smith s’était presque excusé au bout du fil deux jours après la publication de son reportage lorsque La Presse l’avait joint. « Il n’a pas dit qu’il deviendrait le prochain Lidstrom, mais qu’il lui rappelait Lidstrom. C’est le meilleur espoir de Modo depuis Hedman selon lui. Il n’est pas le seul dans l’entourage de l’équipe à le porter en haute estime. Norlinder fait partie de leur nouvelle vague. »

La Presse a eu beau modérer les attentes, le mal était fait. Les clips en provenance de Suède au fil des mois, années suivantes, nous montraient de flashs offensifs spectaculaires, de quoi nourrir la bête. En vérité, son jeu défensif comportait encore de sérieuses lacunes.

Norlinder s’est finalement pointé le bout du nez à Montréal deux ans plus tard, en septembre 2021, avec la volonté de mériter un poste avec le Canadien. Il était attendu avec beaucoup de fébrilité. Le directeur général à Modo, Frederik Sjöström, un ancien hockeyeur de la LNH, en avait ajouté dans une interview avec le collègue de Sportsnet, Eric Engels, en évoquant « des habiletés naturelles à vous faire décrocher la mâchoire. »

Norlinder a été bon, sans être mauvais, à son premier camp d’entraînement professionnel en Amérique du Nord, mais certainement pas à la hauteur du jeune Kaiden Guhle, repêché un an plus tard, de deux années son cadet.

On lui a toutefois permis de disputer six matchs à Montréal, six autres à Laval, sans éclat, avant de lui permettre de rentrer en Suède pour y compléter la saison. Le ballon venait de dégonfler.

Il n’y avait plus d’attente un an plus tard, en septembre 2022. Sa rétrogradation à Laval, avec six autres joueurs de Ligue américaine, n’a même pas fait les manchettes. Il avait même été devancé dans la hiérarchie par Otto Leskinen et Corey Schueneman…

Norlinder a passé la saison entière à Laval l’an dernier. Ses 19 points en 67 matchs n’avaient rien de très réjouissant pour un défenseur supposément réputé offensivement. William Trudeau et Nicolas Beaudin étaient même passés devant lui. Le prochain Nicklas Lidstrom n’était même pas un pilier dans la Ligue américaine !

Des rumeurs ont fait état pendant quelques jours cet été de la fin de son association avec le Canadien. L’organisation a vite démenti cette fausse nouvelle, et Norlinder s’est assuré de remettre les pendules à l’heure à son arrivée dans la métropole.

Et puis voilà, avec un seul match préparatoire à disputer au camp d’entraînement cette année, Mattias Norlinder, qu’on n’attendait plus depuis déjà deux ans maintenant, est toujours avec le club. Ses chances d’entamer la saison à Montréal demeurent minces, mais il a répondu favorablement à un défi de taille lundi soir à Toronto contre les Maple Leafs et leurs grandes vedettes.

En l’absence de Mike Matheson, blessé, Norlinder, 23 ans, complétait la première paire de défenseurs avec David Savard. Non seulement a-t-il marqué le premier but de son équipe d’un tir de la pointe, non seulement a-t-il montré beaucoup d’assurance à titre de seul défenseur sur la première vague en supériorité numérique, mais son sang-froid, et ses habiletés, lui ont permis de conserver la rondelle en zone ennemie en fin de troisième période, avant de voir le CH égaliser sur le but de Josh Anderson.

Norlinder a joué 18 : 57, le plus haut total après David Savard et Jordan Harris, dont les minutes ont été gonflées par cinq supériorités numériques des Leafs, contre trois pour les visiteurs. L’ancien espoir de Modo a eu Matthews, Tavares et Marner dans les pattes toute la soirée et il n’a pas mal paru dans sa zone même si le jeu défensif ne constitue pas son premier atout.

Qu’il soit encore dans les discussions en octobre, même si ses chances d’entamer l’année à Laval sont plus grandes que de disputer le premier match de la saison du Canadien, révèle déjà une grande persévérance de sa part.

Un autre jeune défenseur des Sénateurs au ballottage

En juin 2018, les Sénateurs d’Ottawa repêchaient au 26e rang un défenseur droitier de la Ligue junior A de l’Alberta, Jacob Bernard-Docker, une vingtaine de rangs après le quatrième choix au total, Brady Tkachuk.

Un an plus tard, Ottawa jetait son dévolu sur un autre défenseur droitier, Lassi Thomson, au 19e rang, quatre places après Cole Caufield et trois après Alex Newhook.

Incapable de percer la formation des Sénateurs depuis quatre ans, Thomson a été soumis au ballottage ce week-end et réclamé par les Ducks d’Anaheim. Bernard-Docker a subi le même sort lundi. Tyler Boucher, le premier choix du club, dixième au total, en 2021, est blessé depuis le début du camp d’entraînement, mais il n’a même pas produit au rythme d’un point par match dans les rangs juniors.

Les Sénateurs n’ont pas repêché dans les deux premiers tours lors des deux plus récentes cuvées et n’arrivent pas à mettre Shane Pinto sous contrat en raison de contraintes salariales. Il s’agit d’une situation atypique pour un club exclu des séries depuis six ans.

Heureusement, le jeune noyau est solide avec des joueurs repêchés dans le top 5, Tim Stützle, Tkachuk et Jake Sanderson. Mais il faudra se mettre à gagner éventuellement sans quoi Ottawa pourrait louper son pari en raison de multiples décisions coûteuses.

À ne pas manquer

1- Drôle de camp d’entraînement à Montréal. Les joueurs attendus se sont faits discrets et ceux qui n’étaient pas dans les plans se démarquent. L’analyse de Guillaume Lefrançois.

2- Charles Jourdain aime bien le feeling de frapper sur un être humain et tenter de le détruire sans conséquence. William Thériault l’a interviewé pour tenter de sonder l’âme de ce gladiateur de l’octogone.

3- Un divorce entre le CF Montréal et sa vedette offensive Romell Quioto s’annonce-t-il ? Quioto dit être sans nouvelle du club en prévision d’une prolongation de contrat. Jean-François Téotonio nous en dit plus long.