La structure du hockey féminin professionnel est encore à se définir, mais un élément de l’écosystème se met peu à peu en place.

Les agences commencent en effet à s’implanter dans le milieu. Après la toute-puissante CAA – où œuvre Pat Brisson –, c’est au tour de la firme québécoise Quartexx d’annoncer le développement d’une filière consacrée aux joueuses.

Quartexx a dévoilé son projet mercredi, confirmant du même coup que la joueuse Karell Émard sera à la tête de cette nouvelle division féminine.

« Un joueur de la Ligue nationale n’aura pas besoin d’autant de visibilité qu’une fille. Les besoins sont différents », rappelle Émard, en entrevue téléphonique.

« C’est pour ça que Gio [Giordano Saputo, chef des opérations de Quartexx] voulait que je dirige ce projet. C’est bien beau d’avoir des agents qui viennent du côté masculin, mais ils ne connaissent pas le milieu féminin. Je me vieillis, mais mes 30 ans d’expérience dans le hockey féminin vont m’aider ! »

Il y a deux semaines, CAA confirmait à ESPN la création d’un volet féminin qui comportait huit joueuses, dont la Canadienne Blayre Turnbull.

De son côté, Quartexx n’annonce pas ses nouvelles clientes pour le moment. « Dans les prochaines semaines », assure Émard. Elle a toutefois donné plus de précisions quant à son rôle et à sa mission.

« C’est de s’assurer que les joueuses dans les régions de Montréal, de Toronto aient accès à une patinoire, un gym, des entraîneurs. Je serai un peu une guide, une conseillère, si elles ont besoin d’une opinion avant de signer un contrat. Des choses anodines, qui sont couvertes chez les gars, mais où les filles sont laissées à elles-mêmes. »

Émard en sait quelque chose puisqu’elle a vécu la transition entre la NCAA – elle a joué à St. Lawrence – et la vie d’après. C’est pourquoi elle a écouté quand Giordano Saputo a pris contact avec elle.

« J’adorais l’idée, je trouvais qu’on avait besoin d’une représentation. J’ai dit à Giordano que s’il voulait faire une différence, il fallait investir dans le développement, soit le niveau juste en bas de l’équipe nationale, pour savoir où s’entraîner, avec qui. Je suis tombée là-dedans. Une fois que tu es retranchée des équipes nationales, il n’y a plus de soutien. Le Centre 21.02 vise à éliminer ce genre de vide. »

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Danièle Sauvageau

Danièle Sauvageau, présidente et chef de la direction du Centre 21.02, se réjouit d’ailleurs de l’arrivée de Quartexx dans le paysage.

« Ils veulent aider les joueuses à être représentées, ce que nous, on ne fait pas, rappelle Sauvageau. On est axés sur la performance.

« Ça vient augmenter d’une coche ce qui est déjà en place. Les agences reconnaissent que ces athlètes sont des professionnelles, ne serait-ce que dans leur entraînement. C’est cinq jours par semaine, elles jouent des showcases. L’environnement qu’on offre dans l’entraînement, c’est professionnel. Ensuite, il faut que ces filles soient représentées et, idéalement, aillent chercher des commandites. »

« Pas de discrimination »

Après la fin des activités des Canadiennes de Montréal, Émard s’est jointe à la Professional Women’s Hockey Players Association (PWHPA). Elle a été activement impliquée dans le mouvement dès le départ dans cette organisation rivale de la Premier Hockey Federation (PHF), où joue la Force de Montréal.

En point de presse à Montréal le mois dernier, le commissaire de la LNH, Gary Bettman, avait rappelé son « inquiétude » de voir « deux organisations qui luttent au lieu de s’unir » au sein du hockey professionnel féminin.

Malgré son implication passée, Émard ne ferme aucune porte : elle représentera les joueuses sans égard à la ligue. « Pas de discrimination ! Dans un monde idéal, j’aimerais que les deux ligues puissent coexister. Les deux ligues méritent de vivre », affirme-t-elle.

Il sera intéressant de voir où aboutira le projet. Pour l’heure, « c’est plus un investissement qu’on fait, en voulant aider plus que l’élite. La vision est très différente », dit-elle. « Différente » par rapport à l’image que l’on se fait généralement des agences, une industrie lucrative où les revenus proviennent de commissions sur le salaire des joueurs.

Les plus cyniques diront que les agences voient poindre les revenus à l’horizon et commencent à placer leurs pions. À titre d’exemple, EA Sports a inclus la Canadienne Sarah Nurse sur la couverture du jeu NHL 23.

Mais le mois dernier, Daryl Watts, du Six de Toronto (PHF), révélait qu’elle toucherait 150 000 $US la saison prochaine, ce qui fait d’elle la joueuse la mieux payée de l’histoire du hockey professionnel féminin, rappelait le confrère Martin Leclerc.

La création d’un volet féminin ne nuira certainement pas à l’image de Quartexx. Mais comme le rappelle Émard, « les contrats, on ne parle pas de millions de dollars. Ce n’est pas pour faire de l’argent sur le dos des joueuses ».