(Chestnut Hill, Massachusetts) Tous les chemins mènent à la LNH. Celui d’André Gasseau, de la Gaspésie à Boston en passant par la Californie, sera des plus uniques s’il atteint le circuit un jour.

Gasseau est un espoir des Bruins de Boston, un ailier repêché au 213e rang en 2021, qui dispute sa première saison dans la NCAA à Boston College. Il est né en Californie, a grandi dans le réseau de hockey mineur des Kings de Los Angeles, mais l’accent aigu sur son prénom et la consonance de son nom de famille trahissent ses origines québécoises.

C’est d’ailleurs en français qu’il nous salue à notre arrivée au Conte Forum, en ce mardi soir frisquet, avant de passer à l’anglais pour l’entrevue.

« Mon père m’a toujours parlé en français et s’attendait à des réponses en français. J’ai étudié en français pendant quelques années, donc ça a aidé. Je dirais que je suis à l’aise. Il y a des mots dont je ne suis pas sûr, ou que je ne sais pas comment épeler. Mais je peux tenir une conversation et c’est pas mal cool. »

Le père, c’est James Gasseau, un Gaspésien qui s’est exilé en Californie au milieu des années 1990 dans le genre d’histoire typique du petit monde du hockey.

Gasseau a joué son hockey junior avec les Voltigeurs de Drummondville de 1983 à 1986. Parmi ses coéquipiers, un certain Pat Brisson. Quand les Kings se sont mis à construire des patinoires dans la région de Los Angeles, Brisson a glissé un mot à son ancien coéquipier, et près de 30 ans plus tard, James Gasseau demeure toujours en Californie.

Pour un type qui vit dans un environnement anglophone depuis trois décennies, et qui s’est marié avec une Britanno-Colombienne, il a gardé un français impeccable, un exploit dans les circonstances.

PHOTO FOURNIE PAR JAMES GASSEAU

De gauche à droite : André, Jacqueline, Terri et James Gasseau

« Je parle à ma mère sur FaceTime tous les jours. J’écoute BPM Sports, TSN Radio aussi. J’aime ça, le mémérage ! », lance James Gasseau au bout du fil.

Les difficultés de maintenir le français pour des enfants nés et élevés aux États-Unis ont déjà été documentées dans nos pages.

Mais pour James Gasseau, c’était « ben, ben important » de transmettre le français.

« Je ne voulais pas le perdre. Les enfants, depuis qu’ils sont nés, je leur parle juste en français. André est meilleur, il a fait trois ans à l’école française. Jacqueline [sa fille] le comprend, mais son parler est moins bon. Je me disais que j’avais la chance de leur apprendre une deuxième langue, c’était facile. Je n’ai jamais bronché. André, son français est cassé, mais il peut se débrouiller.

« Je n’ai jamais lâché. Tout ce qu’ils entendent de moi, c’est en français ! »

Les arts martiaux

André Gasseau connaît une première saison universitaire intéressante. Avec 19 points (5 buts, 14 aides) en 27 matchs, il vient au 4e rang des compteurs des Eagles.

Son joueur préféré ? Brendan Gallagher. Une réponse étonnante quand on voit le gaillard de 6 pi 4 po se déplier pour se lever et nous saluer.

« Mon père est un grand fan du Canadien et il me disait toujours à quel point il est bon, qu’il a du cœur et que c’est un leader. Mon père me disait toujours d’être comme lui. Évidemment, je suis plus gros et j’ai un style différent, mais il me disait toujours de le regarder. »

Là où Gasseau se distingue réellement du lot, c’est dans son entraînement. L’été, il s’adonne en effet au jiu-jitsu et au muay thaï, des disciplines rarement associées aux hockeyeurs.

« Mon père m’a inscrit quand le hockey devenait plus robuste, raconte-t-il. Au début, ça ne m’intéressait pas vraiment, je pensais que ça serait trop difficile. Mais ça fait maintenant huit ans et je n’ai jamais arrêté. J’en fais chaque été, trois ou quatre fois par semaine. J’essaie de l’intégrer à mon régime d’entraînement. Et c’est un bon outil mental, afin de contrôler tes émotions. Ça apprend aussi à se battre, ou du moins à se défendre. »

PHOTO FOURNIE PAR JAMES GASSEAU

André Gasseau

Un bon outil mental ? « J’ai 19 ans, je suis fort et je me bats contre un homme de 50 ans, plus vieux, moins fort, et il me bat. C’est facile d’être frustré, tu ne t’attends pas à perdre. Donc ça te montre l’humilité, ça te montre à écouter ce qu’on t’enseigne. »

Le paternel s’est initié aux arts martiaux dans ses années à l’Université Laval, quand il étudiait en affaires. Son emploi : « Portier au Merlin, au Brandy, se remémore-t-il. Dans les bars, les gens prennent un coup. Ça m’avait donné de la confiance physique, quand il se passait des choses. »

James Gasseau n’est plus entraîneur, mais en tant que directeur des programmes de hockey des Kings, il gravite tout de même dans cet univers.

« Les arts martiaux, je les conseille à tous les jeunes qui font du sport d’équipe. C’est bon pour le mental toughness. C’est sous-utilisé. On dirait que les jeunes s’entraînent juste au hockey, mais qu’ils n’entraînent pas leur mental. C’est un combat. Tu ne peux pas te cacher. Tu dois te défendre, te servir de ton corps. Et dans la culture, il y a beaucoup de respect. »

Lisez « Le défi américain de la langue française »

123

Comme son fils, James Gasseau a lui aussi été repêché par une équipe de la LNH. En 1984, les Sabres de Buffalo l’ont réclamé au 123e rang. Il a joué 82 matchs dans la Ligue américaine, à Rochester.