Les années défilent, les souvenirs restent. Et encore en 2023, le nom de Michel Goulet en fait renaître plusieurs à l’esprit des anciens amateurs des Nordiques de Québec. La Presse a pris des nouvelles de celui qui fut autrefois un prolifique marqueur.

On joint Michel Goulet au téléphone en ce premier mercredi de l’année. L’homme de 62 ans se trouve à Denver, au Colorado, où il a élu domicile en 1995, quelques mois après avoir pris sa retraite du hockey professionnel. Il avait alors accepté de se joindre à l’Avalanche du Colorado – fraîchement déménagé de Québec – à titre de directeur du personnel des joueurs. Il a travaillé avec l’équipe pendant 14 saisons.

« J’ai décidé de rester ici parce que c’est une des plus belles places pour la qualité de vie, pour le sport, pour tout. J’adore ça », dit-il d’entrée de jeu.

Il n’est pas seul là-bas ; une quinzaine d’anciens de la Ligue nationale, surtout de l’Avalanche, y résident.

« On essaie de regrouper tout le monde. On joue des matchs de hockey », dit-il avant de préciser : « Pas moi parce que j’ai un nouveau genou. J’ai été opéré il y a sept mois. Mais les gars jouent des matchs d’exhibition. Ça joue au golf. C’est le fun. »

Goulet a aussi été opéré au dos l’année dernière. Il a donc surtout consacré les deux dernières années à se rétablir physiquement. « J’essaie de mettre les morceaux en place, comme on dit ! », s’exclame-t-il dans un éclat de rire.

Depuis que Goulet a pris sa retraite, en 1995, le hockey n’a jamais quitté sa vie.

En 2006, il est passé tout près de succéder à Pierre Lacroix comme directeur général de l’Avalanche. « J’étais dans la course, mais je n’ai pas eu le job. Ce n’est pas grave ! Ce sont des choses qui arrivent ! »

De 2010 à 2020, l’ancien numéro 16 a été dépisteur pour les Flames de Calgary, les Ducks d’Anaheim et les Penguins de Pittsburgh. Voilà deux ans qu’il ne travaille plus pour une organisation de la LNH. Mais le hockey fait toujours partie de sa vie.

« Là, j’essaie de me retirer, dit-il. Entre-temps, il y a deux monsieurs qui font du dépistage qui ont décidé de lancer un groupe de dépisteurs complètement indépendant de la Ligue nationale. Ils essaient de vendre le produit aux autres clubs. »

Le natif de Péribonka, au Lac-Saint-Jean, s’est lancé dans l’aventure à temps partiel. Ça le « tient proche de la Ligue nationale », soutient-il.

Une blessure permanente

Les souvenirs de Michel Goulet avec les Nordiques sont nombreux et, on le comprend à l’écouter parler, précieux. À commencer par son repêchage au 20e rang de la séance de sélection de 1979. À l’époque, son avocat, Guy Bertrand, avait orchestré tout un stratagème pour empêcher les autres équipes de le sélectionner. C’est à Québec que le Gou voulait jouer.

PHOTO ROBERT NADON, ARCHIVES LA PRESSE

Michel Goulet avec les Nordiques de Québec en 1979

Il disait que je n’allais pas me rapporter. C’était un bluff. Ça a marché ! Mais si les Rangers de New York me repêchent, c’est sûr que j’y vais !

Michel Goulet

Il a d’ailleurs été le premier joueur de l’histoire à exiger un contrat en français.

Goulet a connu une carrière sensationnelle avec les Nordiques, inscrivant 548 buts et 1153 points en 1089 rencontres dans la LNH. Il a d’ailleurs réussi 4 saisons de plus de 50 buts, entre 1982 et 1986. Comme il le dit si bien, « des beaux moments, il y en a un paquet ! ». « Pendant 10 ans de temps, ç’a été incroyable. J’adorais Québec. J’adorais les Nordiques. »

Les amateurs se souviendront sans doute du dernier match de Goulet dans la Ligue nationale, le 16 mars 1994, alors qu’il évoluait pour les Blackhawks de Chicago. Lors d’une visite au Forum de Montréal, l’attaquant a trébuché à la ligne des buts et est tombé tête première. Le côté gauche de sa tête a cogné lourdement contre le sol. Il a subi une sévère commotion.

J’étais dans un coma [...] De la semaine que j’ai passée à Montréal, je ne me souviens d’absolument rien.

Michel Goulet

En novembre 1994, pendant le lock-out, Goulet a tenté de recommencer à patiner avec ses coéquipiers, se croyant « correct » pour reprendre le jeu éventuellement. « Quand je suis rembarqué sur la glace, j’étais presque incapable de patiner, relate-t-il. J’ai eu de la thérapie pendant deux ans, pour être capable de marcher. »

Sa mémoire, sa personnalité, son équilibre ont, entre autres, été affectés.

« C’est une blessure qui… », commence-t-il avant de prendre une pause. « Qui n’arrête jamais, dans le fond. Il faut que tu combattes. Tu essaies de travailler sur toi-même pour devenir plus confiant, plus positif. […] Ça fait 28 ans et c’est encore la même chose aujourd’hui. »

« Tout a changé. Ma personnalité est peut-être meilleure ! », lance-t-il en poussant un rire.

Il se dit d’ailleurs encore reconnaissant envers le médecin du Canadien, le DDavid S. Mulder, qui a pris soin de lui.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Michel Goulet (à droite) a inscrit 548 buts et 1153 points en 1089 matchs dans la LNH.

Ralentir

Comme on le disait plus tôt, le temps est maintenant venu pour Michel Goulet de penser à la retraite. Il n’a pas de projets précis, mais il aimerait voyager un peu plus, « prendre le temps de… comment dire ? De ralentir, un peu », laisse-t-il entendre. « Ça n’a pas arrêté depuis que j’ai 18 ans ! »

Bien sûr, il essaie de rentrer le plus souvent possible au Québec afin de rendre visite à ses frères, qui habitent toujours Péribonka. Et oui, il se fait encore reconnaître dans la rue.

« Disons que mes amateurs sont un petit peu plus âgés ! Ça fait quand même 32 ans que je suis parti. J’ai un peu moins de cheveux, comme on dit ! »

Quand on lui demande, à la fin de notre entretien, s’il peut nous fournir une photo de lui plus récente, Goulet rit une nouvelle fois. « Eh mon dieu, ce sera pas beau ! Prends une bonne photo de quand j’avais 19 ans ! »