On finit par attraper Mats Näslund quelque part en Suède, et à l’autre bout de l’écran, on peut entendre le bruit des outils qui se mêle au bruit du quotidien.

Ce quotidien, il est celui de Näslund depuis que l’ex-attaquant a pris sa retraite du hockey, au milieu des années 1990. Depuis, celui que les Montréalais surnommaient jadis le petit Viking est devenu ce qu’il rêvait d’être avant tout ça : un menuisier.

PHOTO FOURNIE PAR MATS NÄSLUND

Mats Näslund est aujourd’hui menuisier.

Mais le hockey s’est un peu mis dans son chemin.

« Avant même d’arriver à Montréal en 1982, ça faisait quatre ans que j’étais menuisier en Suède, commence-t-il par expliquer. J’avais étudié pour ça. Mais je suis arrivé avec le Canadien dans la LNH et j’ai dû prendre une pause des outils ! »

Il est arrivé avec le Canadien parce que la direction montréalaise avait choisi de faire ce qui ne se faisait (presque) pas à la fin des années 1970 : tenter sa chance avec un joueur européen. C’est ainsi que le petit Viking est né, en quelque sorte, le temps d’un choix de deuxième tour, le 37e au total, au repêchage de 1979.

Ça a commencé avec une saison de 71 points, en 1982-1983, fabriquée au milieu des insultes et des commentaires ingrats, notamment de Don Cherry qui ne ratait jamais une occasion de se moquer de la petite taille de Naslund (5 pi 6 po, selon le site officiel de la LNH) à la télévision.

Le Suédois avait l’habitude de porter un casque qui protégeait aussi ses oreilles, et ce fut sans doute une bonne affaire, puisque les commentaires ingrats ne semblaient pas l’atteindre… Encore moins lors de la saison 1985-1986 quand il a pu conclure la campagne avec une récolte de 110 points.

PHOTO ARMAND TROTTIER, ARCHIVES LA PRESSE

Mats Näslund durant un match contre les Penguins de Pittsburgh au Forum de Montréal le 29 mars 1986

À ce jour, il demeure le dernier membre du CH à avoir pu franchir le cap des 100 points en une saison.

« Quand je pense à cette année-là, la première chose qui me vient en tête, c’est notre conquête de la Coupe Stanley, ajoute-t-il. Je ne me souviens pas vraiment d’un match en particulier, mais je me rappelle qu’on avait un taux de réussite d’environ 27 % [25,36 %, officiellement] lors des avantages numériques, alors j’en profitais !

« Il n’était pas rare que je passe les deux minutes entières d’un avantage numérique sur la glace. En fait, c’est moi qui décidais du moment où je devais rentrer au banc ! J’ai récolté plusieurs de mes 110 points dans de telles situations. Je ne regarde plus vraiment les matchs du Canadien maintenant, en premier parce qu’en Suède, leurs matchs sont diffusés en plein milieu de la nuit, mais je ne suis pas surpris de constater qu’aucun autre joueur du club n’ait réussi à battre cette marque. Avec la taille des gardiens aujourd’hui et avec le caractère du jeu qui est moins offensif que dans les années 1980, une saison de 100 points pour un joueur à Montréal, ça pourrait ne plus jamais arriver ! »

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Bob Gainey, Mats Näslund et Larry Robinson en 1986 lors du défilé de la Coupe Stanley à la suite de la victoire du Canadien face aux Flames de Calgary en finale

De cette saison magique, Näslund a aussi conservé le souvenir du retour en avion depuis Calgary, quelques heures après le grand triomphe du Canadien face aux Flames en finale. « Le nombre de partisans qui nous attendaient à l’aéroport, c’était quelque chose. On avait passé le vol sans vraiment pouvoir dormir, parce que plusieurs de nos joueurs croyaient soudainement qu’ils avaient un talent de chanteur alors que ce n’était pas vraiment le cas… »

Après tout ça, après avoir obtenu une bague qu’il ne porte jamais, « parce que les Suédois n’aiment pas vraiment le clinquant », et après avoir conclu sa carrière avec les Bruins de Boston en 1994-1995, Näslund a choisi de rentrer chez lui et de reprendre son coffre à outils.

« À mes meilleures années avec le Canadien, je touchais 300 000 $ par saison… mais peu importe si j’avais fait des millions, je pense que j’aurais quand même poursuivi ma carrière de menuisier. Je travaille de 7 h à 16 h, ça me tient en forme, ça me permet de respirer le grand air aussi. J’ai tenté de diriger un club de hockey junior à ma retraite, mais ce n’était pas pour moi. »

PHOTO FOURNIE PAR CHRISTER WAHLGREN, EXPRESSEN

Après avoir conclu sa carrière avec les Bruins de Boston en 1994-1995, Mats Näslund a choisi de rentrer chez lui et de reprendre son coffre à outils.

À 63 ans, Mats Näslund ne sait pas s’il va continuer encore bien longtemps, comme ça, avec son marteau à la main. Ce qu’il sait, par contre, c’est qu’il aimerait bien revenir à Montréal un jour. « C’est loin d’être un drame et ce n’est pas du tout grave, mais j’aurais cru que le Canadien aurait songé à m’inviter pour souligner ma saison de 110 points, et ce n’est pas encore arrivé. »

L’invitation est lancée…