« Je n’ai aucune idée ! », s’exclame en riant Jade Downie-Landry quand on lui demande ce qui explique ses succès avec la Force de Montréal.

Cette réponse, comme plusieurs autres pendant notre entretien d’une trentaine de minutes entre les murs du Centre 21.02, suffit pour déceler cette humilité rafraîchissante qui caractérise l’attaquante de 27 ans. Ça ne semble ni volontaire ni calculé.

Il y a néanmoins une fine ligne entre humilité et manque de confiance. Et Downie-Landry le reconnaît elle-même : elle n’a pas toujours cru en elle. La hockeyeuse de l’année U Sports en 2022, actuellement troisième pointeuse de la Premier Hockey Federation (PHF), a connu tout un cheminement.

Adolescente, la native de Brossard ne faisait pas partie des programmes d’Équipe Québec ou d’Équipe Canada. Pour elle, le hockey n’était qu’un – très agréable – passe-temps.

« Je me disais que je n’étais pas assez bonne pour faire les Jeux olympiques, par exemple. Je jouais juste pour le fun. Je voyais mes amies qui s’entraînaient et étaient extrêmement [intenses]. Moi, il me manquait ça. Jusqu’à ce que j’arrive au cégep. »

Quand elle a pris la décision de se joindre aux Blues du collège Dawson, en 2013, Downie-Landry disait à sa famille qu’elle ne « jouerait sûrement pas ».

Je manquais de confiance. Mais j’ai commencé à pratiquer et je me suis dit : OK, je pense que je vais être correcte.

Jade Downie-Landry

Son entraîneur, Scott Lambton, a eu un grand rôle à jouer dans son parcours. C’est lui qui l’a aidée, affirme-t-elle, à bâtir les fondations de la joueuse qu’elle est aujourd’hui.

« Ç’a été une confiance en tant que personne, pas sur la patinoire [même si] ça s’est bien traduit sur la glace. Mais Scott voyait quelque chose en moi que je ne voyais pas quand j’étais plus jeune. »

À Dawson, elle s’est rapidement imposée avec 18 points en 20 matchs à sa première saison. Ses statistiques lors des deux campagnes suivantes sont presque indécentes : 62 points en 31 rencontres en 2014-2015, puis 63 points en 24 parties en 2015-2016. Elle a d’ailleurs été nommée athlète par excellence au terme de sa dernière saison.

Six années de succès

Puis, Downie-Landry a vu les portes du monde universitaire s’ouvrir devant elle. Après avoir hésité à prendre le chemin des États-Unis, elle a finalement arrêté son choix sur l’Université McGill, à Montréal. Son père était alors atteint de la leucémie.

« J’ai toujours été vraiment proche de mes parents, dit-elle. […] Je savais que la vie était vraiment fragile, alors je voulais rester proche de ma famille. »

À sa première saison avec les Martlets, Downie-Landry se retrouvait au sein d’une équipe comprenant d’excellentes joueuses, dont Mélodie Daoust. Cette dernière a d’ailleurs été nommée athlète féminine de l’année de McGill et joueuse par excellence U Sports à la fin de cette année-là.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE JADE DOWNIE-LANDRY

Jade Downie-Landry

« Je me disais : wow, c’est malade, je veux que ce soit moi un jour ! », se souvient Downie-Landry.

C’est exactement ce qui s’est produit cinq ans plus tard. À sa dernière saison avec les Martlets, l’année dernière, Downie-Landry a remporté les deux mêmes honneurs. En 84 matchs à McGill, elle a récolté 99 points. Au fil des années, elle a fait partie de l’équipe canadienne des moins de 22 ans et pris part à des camps avec la formation sénior, sans toutefois percer l’alignement.

Impact instantané

À la fin de la saison 2021-2022, Downie-Landry croyait bien qu’elle devrait accrocher ses patins, en attente de la création d’une ligue par la PWHPA. Puis la Force a vu le jour, au sein de la PHF. « Je n’en revenais pas ! », lance l’athlète, qui a été l’une des premières joueuses de l’équipe à signer un contrat, son premier chez les professionnels.

Celle qui porte le numéro 27 a eu un impact instantané au sein de sa nouvelle formation. Elle était d’ailleurs « vraiment, vraiment stressée » de se retrouver au sein du même trio qu’Ann-Sophie Bettez. « Quand j’ai vu que je jouais avec elle, je me disais : ça ne va sûrement pas rester comme ça ! Finalement, on a bien fait à notre première game et on continue à développer notre chimie. »

Avec 5 buts et 7 mentions d’aide en 8 rencontres, Downie-Landry occupe le troisième rang des marqueuses du circuit.

« T’attendais-tu à ce que ça se passe aussi bien ? lui demande-t-on.

— Non, non, non ! », répond-elle, toujours en affichant le plus grand des sourires.

L’entraîneur-chef de la Force, Peter Smith, qui a aussi été le coach de Downie-Landry pendant quatre ans à McGill, ne semble pas le moins du monde surpris. Il nous énumère les qualités de son attaquante : sa vision du jeu, sa force physique, son éthique de travail.

« Si nous regardons ses habiletés physiques maintenant, comparativement à quand elle est arrivée à McGill, il y a une grande différence. Le fait qu’elle est grande et forte, ça fait une grande différence. »

Elle a toujours eu les habiletés. Et ça lui donne beaucoup de confiance.

Peter Smith, entraîneur-chef de la Force de Montréal

Quand on demande à la principale concernée si elle réalise tout le chemin qu’elle a parcouru au cours des 10 dernières années, elle hésite. « Pas vraiment, répond-elle. On me dit souvent que je suis un peu trop humble dans la vie. Je ne sais pas. Quand ça va bien, je dis simplement que ça va bien. Je ne me regarde pas en me disant que je suis bonne. »

Dans ce cas, laissons le mot de la fin à son entraîneur.

« Jade a un parfait mélange de confiance et d’humilité. […] À l’époque, quand elle avait un mauvais shift, elle se sentait mal. Maintenant… Elle n’a pas beaucoup de mauvais shifts, mais elle sait qu’elle est une bonne joueuse. Elle croit en elle et elle sait qu’on croit en elle. »