(Tempe, Arizona) Tentez de rester calme, mais non, Kaiden Guhle n’est pas la réincarnation d’Erik Karlsson ou de John Carlson.

Lorsque le Tricolore l’a repêché au premier tour, en 2020, les recruteurs étaient unanimes. Son gabarit, son coup de patin et son sens du jeu étaient ses principaux atouts. On lui reconnaissait un bon tir, mais ses qualités offensives n’étaient pas en tête de son CV.

À ses deux camps d’entraînement avec le Canadien, Guhle a montré à tous les observateurs un produit « tel qu’annoncé ». Depuis le début de la présente saison, malgré quelques apparitions en avantage numérique, il a surtout été appelé à accomplir la sale besogne, qui contre le principal trio adverse à forces égales, qui en désavantage numérique.

Voilà toutefois que, sans trop qu’on s’y attarde, l’Albertain apparaît au deuxième rang des défenseurs recrues de la LNH au chapitre des points, avec 13. C’est seulement deux de moins que Calen Addison, du Wild du Minnesota, dont la grande majorité de la récolte provient de l’avantage numérique.

Guhle, récemment, a semblé se dégêner offensivement. À ses 10 derniers matchs, il a accumulé 5 points – toutes des mentions d’aide.

Ce n’est pas tant sa production qui est frappante, mais les libertés qu’il s’accorde en attaque. Lundi soir, en Arizona, il a transporté la rondelle jusqu’au fond de la zone des Coyotes sur une séquence qui a directement mené au but de Cole Caufield. En fin de deuxième période, il a subtilisé une rondelle à un adversaire derrière son propre filet et a décampé jusqu’à l’autre extrémité de la patinoire, où son équipe a profité d’une chance de marquer.

Jonathan Drouin était sur la glace pendant cette dernière montée et s’en souvenait parfaitement lorsque La Presse l’a évoquée. « Il commence à comprendre qu’il a plus de temps qu’il pense », a dit Drouin de son collègue, mardi matin.

Quand t’as un patin comme le sien, il faut que tu l’utilises. Il a une longue enjambée, une grande portée, il est capable de garder la rondelle. C’est un des bons jeunes défenseurs de la LNH.

Jonathan Drouin, à propos de Kaiden Guhle

Lecture

Des journalistes ont demandé à l’entraîneur-chef Martin St-Louis si Guhle avait obtenu le feu vert pour expérimenter de nouvelles choses ou si ce réveil offensif se produisait naturellement. L’entraîneur a coché la deuxième option.

« Il lit la game qui est devant lui ; des fois, la game lui dit qu’il peut appuyer l’attaque, et d’autres fois, elle lui dit de rester derrière, a expliqué St-Louis. Il fait une très belle lecture du jeu. »

Joel Edmundson, partenaire de Guhle depuis quelques matchs, a offert un écho légèrement différent.

Certains matchs, je lui dis : utilise davantage ta vitesse, tu peux contrôler le jeu ! Je l’encourage dans cette voie. Il crée beaucoup d’attaque quand il utilise ses pieds, et il a les mains pour aller avec.

Joel Edmundson, à propos de Kaiden Guhle

Le principal concerné, fidèle à lui-même, ne s’est pas livré à une longue analyse autocongratulatoire, tout au contraire. Il a plutôt fait valoir que la saison dernière, sa dernière dans les rangs juniors, le fait d’avoir évolué avec les puissants Oil Kings d’Edmonton lui avait permis de peaufiner cet aspect de son jeu.

De fait, le rythme d’un point par match qu’il a affiché en 2021-2022 a représenté un sérieux bond par rapport à ses précédentes campagnes.

« On avait une bonne équipe et on jouait souvent avec l’avance, donc ça m’a donné beaucoup de possession de rondelle, a-t-il noté mardi. Ça m’a permis de trouver ma confiance et mes aises en zone adverse. Ç’a payé récemment, je crois, et j’espère que ça continue. »

Sa confiance est un élément qu’ont aussi identifié St-Louis et Drouin à son sujet. Guhle lui-même a salué le fait que son entraîneur ne sortait pas le bâton à chaque erreur commise.

En défense aussi

Cela étant, ce n’est pas que sa production offensive qui profite de cet aplomb.

L’érudit collègue Alexandre Gascon, de Radio-Canada, indiquait récemment dans la balado Tellement hockey que le « test de l’œil » brossait un portrait plus flatteur de Guhle que ne le font les statistiques avancées. Ces dernières, en effet, décrivent avec précision à quel point le jeune homme et son partenaire le plus constant du début de la saison, David Savard, passaient la majorité des matchs dans leur zone.

Or, depuis 10 matchs, les indicateurs défensifs de Guhle sont nettement en hausse.

Ce n’est pas rien, surtout pas quand on s’attarde à la qualité des joueurs que Guhle affronte à cinq contre cinq. Les cinq attaquants adverses qui ont passé le plus de minutes sur la glace à cinq contre cinq contre lui jusqu’ici ? Sidney Crosby, Jake Guentzel, Clayton Keller, Travis Boyd et Kirill Kaprizov. Tout le contraire d’une balade dans le parc.

Fort de ces succès, le voilà en outre de retour sur l’avantage numérique, phase de jeu où il n’était apparu que de manière épisodique en début de campagne.

Fruit du hasard ? Absolument pas.

« En début de saison, on voulait qu’il se concentre sur sa game à cinq contre cinq, surtout parce qu’il affrontait les meilleurs trios, a détaillé Martin St-Louis. On ne voulait pas lui donner trop de responsabilités. Parfois, quand tu en prends trop, tu n’es pas excellent partout. Tu es moyen. »

Or, « il nous montre qu’on peut lui en donner plus de temps en temps, augmenter ses responsabilités ».

« On sait qu’il a de l’attaque dans sa game, on va voir comment il va gérer ça en avantage numérique. »

Le Canadien affrontera l’Avalanche du Colorado ce mercredi soir (20 h) à Denver.