Devant une tempête qui n’était pas près de s’estomper, les Bruins de Boston ont rapidement réalisé leur erreur. Ils ont annoncé tard dimanche soir qu’ils coupaient les ponts avec le controversé défenseur Mitchell Miller.

« Aujourd’hui, les Bruins de Boston ont décidé de se séparer de Mitchell Miller, avec effet immédiat », a dit le président de l’équipe, Cam Neely, par voie de communiqué.

« La décision de faire signer un contrat à ce jeune homme a été prise après un examen attentif des faits tels que nous les connaissions : à 14 ans, il a pris une mauvaise décision qui l’a conduit à une condamnation juvénile. Nous avons compris qu’il s’agissait d’un incident isolé et qu’il avait pris des mesures significatives pour se réformer et s’était engagé à poursuivre son développement personnel. Nous lui avons donc proposé un contrat. »

Sur la base de nouvelles informations, nous pensons que la meilleure décision à prendre pour le moment est de retirer à Mitchell Miller l’occasion de représenter les Bruins. Nous espérons qu’il continuera à travailler avec des professionnels et des programmes pour poursuivre son éducation et sa croissance personnelle.

Cam Neely, président des Bruins de Boston, dans un communiqué

Neely est allé encore plus loin en promettant aux partisans, aux joueurs, aux partenaires des Bruins et à la communauté de Boston qu’ils allaient « réévaluer les processus internes pour le choix des joueurs qui auront le privilège de jouer dans la LNH pour les Bruins ».

Le président des Bruins s’est également dit désolé que cette acquisition ait pu « éclipser le travail incroyable que font les membres de l’organisation pour soutenir les efforts de diversité et d’inclusion ». Il a réservé ses derniers mots pour Isaiah, la jeune victime de Mitchell Miller.

« Je présente mes plus sincères excuses si cette signature de contrat vous a donné, à vous et aux autres victimes, le sentiment d’être invisibles et de ne pas être entendus. Nous nous excusons pour la profonde blessure que nous avons causée. »

Des jours de controverse

Rappel des faits. Vendredi, les Bruins se sont entendus avec Miller, un choix qui en a fait sourciller plusieurs. Il avait été repêché, puis libéré par les Coyotes de l’Arizona en 2020 après qu’une histoire d’intimidation envers un jeune Noir vivant un retard de développement avait fait surface.

Un article-choc de l’Arizona Republic avait révélé la teneur de l’intimidation qu’avait fait subir Miller à Isaiah Meyer-Crothers, quatre ans plus tôt. Le journal écrivait ceci : « Il y a quatre ans, Miller a reconnu devant une cour de la jeunesse de l’Ohio avoir intimidé Isaiah Meyer-Crothers, notamment en lui faisant lécher un bonbon qui avait été frotté à son insu dans un urinoir. Meyer-Crothers a aussi dit que Miller l’interpellait constamment en utilisant le mot qui commence par la lettre N et le frappait à répétition. D’autres élèves ont confirmé aux policiers les allégations que Miller utilisait des insultes à caractère raciste. »

Sous pression, les Coyotes avaient fini par libérer le joueur.

Samedi, le commissaire Gary Bettman s’était montré particulièrement virulent au sujet de cette mise sous contrat. Il a rappelé en premier lieu n’avoir jamais été consulté par les Bruins. « Il n’est pas admissible à jouer dans la LNH et je ne peux pas vous dire qu’il le sera un jour », a-t-il ajouté.

Selon lui, les actes commis par Miller dans le passé sont « répréhensibles » et « inacceptables ». Il a précisé que les Bruins étaient « libres de le mettre sous contrat, tant qu’il joue ailleurs ».

Dans le vestiaire des Bruins, il y en a un qui n’avait pas l’intention de rester les bras croisés : le capitaine et leader incontesté de l’équipe, Patrice Bergeron. D’autant plus qu’il a lui-même allongé quelques dizaines de milliers de dollars pour appuyer des organismes du Québec luttant contre le racisme.

La culture implantée ici s’oppose à ce type de comportements. Nous sommes une équipe bâtie sur le caractère, avec des gens de caractère. Ce qu’il a fait est inacceptable et nous ne l’acceptons pas. Dans ce vestiaire, nous défendons l’inclusion, la diversité et le respect.

Patrice Bergeron, capitaine des Bruins

« Ce sont des mots importants et c’est au cœur de nos valeurs. Nous attendons des gens qui portent ce chandail qu’ils soient de la plus haute intégrité. Nous espérons qu’il a grandi et changé. Si nous voyons dans ce vestiaire le même jeune de 14 ans qui a commis ces actes, il ne sera pas le bienvenu. »

L’agent de Mitchell Miller a bien tenté de défendre son client

Dimanche matin, l’agent du joueur a bien tenté de calmer le tollé. Eustace King a publié un long tweet dans lequel il explique pourquoi il a accepté de représenter Miller. King, un des très rares agents afro-américains dans la LNH, assurait comprendre « la gravité de la situation » et « les fortes émotions soulevées par la divulgation des agissements passés de M. Miller ».

King énumérait ensuite les initiatives prises par son client pour se racheter, nommant une dizaine d’organismes ou de causes pour lesquels il s’est impliqué ou s’est engagé à le faire.

Les questions n’ont toutefois pas tardé à suivre. Dans le communiqué, Eustace King cite la Carnegie Initiative comme un des organismes avec lesquels Mitchell Miller et lui se sont « engagés à travailler » et qu’ils ont « rencontrés ». Or, en début de soirée dimanche, la Carnegie Initiative s’est distanciée de ces propos.

« Nous avons été contactés pour travailler avec Mitchell, lit-on dans le communiqué, envoyé par courriel à La Presse en réponse à une demande d’entrevue. Nous recevons de nombreuses demandes d’aide à rendre le hockey plus inclusif. Pour être clairs, nous n’avons pas travaillé avec Mitchell Miller. Cela dit, nous encourageons toutes les personnes impliquées à avoir des conversations directes et difficiles afin de trouver un chemin positif de guérison pour l’avenir. »

Chanté Eastmond, directrice de l’administration de Hockey Equality, a précisé à La Presse que Miller n’avait pas travaillé directement avec son organisation, mais que l’agence du joueur « voulait surtout des balises afin d’établir un plan », explique-t-elle au bout du fil. Elle avait tenu à défendre le jeune homme et sa démarche.

« De dire que ça a seulement été fait parce que la Cour le lui ordonnait et que la LNH voulait qu’il le fasse, ça me semble injuste. Honnêtement, un jeune ne sait pas réellement quoi faire dans une telle situation, et c’est pourquoi il a besoin de direction.

Le jeune se soumet à un processus de rééducation. Essayons ça, au lieu de prôner la culture du bannissement. Son agence essaie de l’aider et nous soutenons l’idée de guider une personne pour qu’elle devienne meilleure.

Chanté Eastmond, directrice de l’administration de Hockey Equality

De son côté, la mère de la victime de Miller, Joni Meyer-Crothers, a indiqué à The Athletic avoir été « totalement prise de court » par la nouvelle.

« Nous voulons que Mitchell obtienne toute l’aide nécessaire, parce qu’il a besoin d’aide, lui aussi, a poursuivi la mère. Nous ne sommes pas contre ça du tout. Mais jouer au hockey est un privilège. Il aurait peut-être dû être réévalué pour le hockey seulement après avoir été réellement réhabilité et après avoir compris l’ampleur de ce qu’il a fait à notre fils. »