Rarement a-t-on vu une chute aussi brutale dans l’histoire de la Ligue nationale de hockey. Quelques mois à peine après avoir atteint la finale de la Coupe Stanley, le Canadien se retrouve au 29e rang du classement général pour le taux de victoires au quart de la saison suivante, et le dernier rang le guette dangereusement.

Il y a des facteurs accablants dont il faut tenir compte pour analyser ce quart de saison affligeant, mais aussi une part importante imputable à l’organisation.

Commençons par les circonstances atténuantes, afin de repousser notre irritation de quelques minutes.

Des facteurs accablants

Marc Bergevin avait raison de rappeler lors de sa tournée médiatique qu’un gardien de premier plan et une défense robuste et étanche avaient constitué les piliers de son club lors de l’étonnante percée en séries.

Or, l’équipe est amputée de trois éléments importants en début de saison : Carey Price, Joel Edmundson et Shea Weber, sans doute perdu pour l’éternité. Price et Edmundson seront sans doute de retour avant les fêtes, mais il sera trop tard.

Le DG du Canadien a aussi évoqué un été trop court. Et il a raison. Les Blues de St. Louis ont remporté la Coupe Stanley le 12 juin 2019. Le dernier match de la finale entre le Canadien et le Lightning a eu lieu le 7 juillet.

Le camp d’entraînement s’ouvrait le 23 septembre. C’est trop peu de temps pour panser ses plaies puis se soumettre à un entraînement estival rigoureux, essentiel dans le contexte du hockey d’aujourd’hui.

Le Lightning a vécu la même chose, direz-vous. Et ça ne les empêche pas de chauffer les Panthers et les Maple Leafs en tête de la section Atlantique.

Tampa est une bête bien particulière. Nettement mieux garnie en joueurs de talent. Plus homogène. Désormais habituée à réagir en pareille situation, après deux coupes consécutives. Et davantage épargnée au plan des blessures ; outre Nikita Kucherov, le Lightning n’a été victime d’aucune blessure d’importance (Brayden Point vient lui aussi de tomber au combat, mais ce week-end).

La perte de Danault

L’imputabilité maintenant. On a sous-estimé l’apport essentiel de Phillip Danault. Sa perte au centre fait mal.

Dans le même souffle, on a surestimé l’apport de Christian Dvorak. On le disait très fiable défensivement. Son jeu en zone défensive nous fait regretter encore Danault.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Phillip Danault et Christian Dvorak

Le pauvre semble en panne complète à l’attaque : trois buts, huit points, en 20 matchs. On est loin des 53 points de Phillip Danault en 2019, au centre de l’un des meilleurs trios offensifs de la ligue à égalité numérique.

Mais Dvorak ne serait pas le seul joueur à mettre plusieurs mois à s’adapter à une nouvelle équipe. Il a seulement 25 ans. Il a le temps de retrouver sa superbe.

Jake Evans devait être l’un des dauphins de Danault.

Manque de chimie

Par ailleurs, le Canadien comptait sept nouveaux joueurs dans sa formation en raison des blessures et des départs, huit si on y ajoute Jonathan Drouin, absent depuis une éternité. C’est plus du tiers de l’équipe.

Mais au lieu de chercher à trouver rapidement une chimie lors des rencontres préparatoires, on a multiplié les changements, de trios comme de duos, afin d’évaluer certains joueurs.

La cohésion n’est pas au rendez-vous depuis le début de la saison. Le manque de stabilité des combinaisons n’a sûrement pas aidé.

On a aussi souvent parlé de la difficulté des joueurs à s’adapter au système de jeu de Dominique Ducharme. Les joueurs semblent réfléchir un peu trop sur la glace au lieu de réagir. Après 20 matchs, ils devraient avoir assimilé les concepts. Le système est-il trop rigide ? Laisse-t-il place à une certaine créativité, à la manifestation des instincts de l’athlète ? Avec une fiche de 5-13-2, toutes les questions méritent d’être posées.

La faute aussi aux joueurs

Et finalement, il faut faire porter aux joueurs une part du blâme, évidemment. Jeff Petry semble étouffer dans un rôle de défenseur numéro un. Non seulement il ne produit pas offensivement, Chris Wideman l’a même remplacé au sein de la première vague en supériorité numérique, mais il est à risque défensivement.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Jeff Petry

Petry a produit à un rythme de presque 60 points l’an dernier, après trois saisons consécutives de plus de 40 points. Il a deux aides à sa fiche cette année. Wideman, Ben Chiarot, Brett Kulak et David Savard ont plus de points que lui. Sami Niku en a autant et il a disputé 15 matchs de moins. Pas normal…

Jake Allen ne présente pas de statistiques catastrophiques, mais il a donné beaucoup de mauvais buts à des moments inopportuns. On croyait pourtant avoir sous les yeux l’un des meilleurs auxiliaires de la LNH.

Malgré tout son courage, Brendan Gallagher a quatre buts et neuf points en 19 matchs. Idem pour Josh Anderson en 20 matchs. Artturi Lehkonen et Joel Armia ont moins de buts à deux que Ryan Poehling, qui a disputé 14 matchs de moins.

En bref, le navire prend l’eau de partout.

Le phénomène Ovechkin

PHOTO JOHN HEFTI, USA TODAY SPORTS

Alexander Ovechkin

Il a 36 ans ; il vient de connaître l’une de ses pires saisons offensives en carrière (tout de même respectable avec 24 buts et 42 points en 45 matchs) ; le centre numéro un de l’équipe, Nicklas Backstrom, est blessé ; l’autre, Evgeni Kuznetsov, semblait s’approcher d’un retour dans la KHL. Et voilà qu’Alexander Ovechkin connaît le meilleur départ de sa carrière avec 15 buts et 30 points en seulement 19 matchs. Et il se replace dans la course au record de buts de Wayne Gretzky, qu’on croyait pourtant inatteignable. Le CH en aura plein les bras mercredi soir…

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