Qu’ont en commun le Paris Saint-Germain (PSG), le FC Barcelone, la Juventus de Turin, Manchester City, l’écurie de F1 Aston Martin et l’Ultimate Fighting Championship ?

Tous viennent de créer leur propre monnaie.

Et ça rapporte.

Au cours des derniers mois, les organisations sportives ont encaissé au total « près de 100 millions », m’a révélé Andrew Clarke, chef des communications de Socios, l’entreprise à l’origine de cette initiative. Cent millions, à l’échelle planétaire, ça peut paraître bien peu. Sauf que c’est encore une industrie naissante. Et en pleine pandémie, ça donne un peu d’air frais aux clubs étouffés par la chute des ventes d’abonnements.

Alors, comment ça fonctionne ?

C’est assez simple. Chaque organisation met en circulation un nombre limité de jetons virtuels. Le PSG, par exemple, a créé 20 millions de jetons. Ces pièces sont ensuite vendues 1 ou 2 euros chacune. Premier arrivé, premier servi. Faites le calcul : si le PSG vend toutes ses pièces, il partage un joli magot avec Socios.

Hmm... Je vous vois froncer les sourcils derrière votre écran.

Quossé ça ?

À quoi servent ces jetons virtuels ? À payer l’essence ? L’électricien ? L’épicerie ? Non, non et non. Par contre, ils vous donnent accès à des privilèges. Notamment à des « bulletins de vote », qui vous permettent d’influencer des décisions de l’organisation.

Comme l’alignement partant ?

Non, pas l’alignement partant. Quoique ça s’est déjà produit dans le baseball majeur. En 1951, le propriétaire des Browns de St. Louis a donné une soirée de congé à son entraîneur-chef, et l’a remplacé par 1000 spectateurs. Les partisans ont construit l’alignement partant, puis décidé des stratégies de match en brandissant des cartons « Oui » ou « Non ». Étonnamment, les Browns ont gagné 5-3.

Les clubs qui émettent leur propre monnaie ne vont pas jusque-là. Mais ils permettent aux acheteurs de jetons de participer à la vie de l’équipe. Comment ? En les consultant sur plein de petites décisions. Pensez à la couleur du brassard du capitaine, au design de l’autocar des joueurs ou au message de motivation affiché dans le vestiaire avant un match important. Plus un partisan possède de jetons, plus son influence est grande. Une personne peut aussi gagner de l’influence en participant à des activités, comme une chasse aux jetons.

« C’est une bonne façon pour les clubs d’augmenter le niveau d’engagement avec les partisans », explique Andrew Clarke. Surtout avec les fans à l’étranger, qui n’ont pas la chance d’assister aux rencontres en personne. Socios a de grandes ambitions pour les acheteurs de jetons. « Leur visage pourrait être projeté sur les panneaux dans le stade. Ils pourraient poser une question à l’entraîneur dans la conférence de presse d’après-match, ou recevoir un message vidéo d’un joueur. »

Avec l’allègement des règles sanitaires, d’autres options deviennent possibles. « Des partisans pourraient jouer un match sur le terrain du club, ou assister à une partie dans une loge », ajoute Andrew Clarke.

Si ces monnaies virtuelles plaisent aux partisans, elles attirent aussi un autre groupe : les spéculateurs. Car les jetons peuvent être transférés d’une personne à une autre. Comme des actions, ou de vraies devises.

« Les jetons ne sont pas conçus pour être un outil d’investissement », affirme Andrew Clarke. Sauf que Socios offre quand même la possibilité aux détenteurs de jetons d’acheter ou de vendre des « dollars virtuels » sur ses plateformes. D’autres sites le permettent aussi. Et la valeur des jetons fluctue, en fonction de l’offre et de la demande.

Comme le nombre de jetons en circulation est limité, s’il y a une grande demande à la suite de l’embauche d’un nouveau joueur, par exemple, ça peut faire croître la valeur sur le marché [secondaire].

Andrew Clarke, chef des communications de Socios

C’est ce qui s’est produit, en août, lorsque le Paris Saint-Germain a acquis Lionel Messi. Le dollar PSG s’est envolé, jusqu’à 50 $ l’unité. Depuis, la folie s’est estompée. À la mi-novembre, il s’échangeait autour de 20 $. Pendant la même période, la monnaie du FC Barcelone a aussi perdu la moitié de sa valeur. À noter qu’en Amérique du Nord, Socios a des ententes avec des clubs de la National Basketball Association (NBA), mais pour le moment, il est impossible d’acheter des jetons.

Ça, c’est le beau côté de la chose.

Maintenant, l’éléphant dans la pièce : les cryptomonnaies sont propulsées par des technologies qui peuvent être énergivores.

Très, très, très, très, très, très énergivores.

À lui seul, le processus permettant la production de bitcoins nécessite plus d’énergie que n’en dépense toute l’Argentine, un pays de 45 millions d’habitants. En fait, si les bitcoins formaient un pays, ils seraient les 30es consommateurs d’énergie au monde, ont conclu des chercheurs de l’Université de Cambridge.

Le grand patron de Tesla, Elon Musk, pourtant un grand partisan des cryptomonnaies, a d’ailleurs exigé l’été dernier la fin de la possibilité de payer une voiture Tesla avec des bitcoins, jugeant inacceptable le niveau d’énergie exigé pour produire cette devise virtuelle.

Je vous rassure : les monnaies des équipes sportives sont créées avec une technologie réputée être moins énergivore que celle des bitcoins. Tant mieux. Mais leur empreinte énergétique n’est pas nulle non plus. Il est d’ailleurs un peu contradictoire de voir des clubs s’engager dans des causes environnementales tout en vendant des cryptomonnaies et des jetons non fongibles.

Comme quoi les bottines ont parfois de la difficulté à suivre les babines...