D’un côté, un club, les Hurricanes de la Caroline, accepte de cracher 6,1 millions pour arracher à l’un de leurs rivaux un centre d’avenir.

De l’autre, le Canadien refuse de débourser ces 6,1 millions pour un joueur repêché au troisième rang en 2018 et au cœur de son processus de réinitialisation entamé il y a trois ans.

La situation illustre bien l’énigme que représente Jesperi Kotkaniemi après trois saisons dans la LNH.

Les Hurricanes le croient sur le point d’exploser. D’où cette offre qualificative. On ne peut les blâmer. Malgré trois ans d’expérience, Kotkaniemi est encore tout jeune et apprivoise encore un corps qui semble trop grand pour lui.

Mais malgré des saisons régulières en demi-teinte, le Finlandais a montré des flashs intéressants. Il vient de rejoindre trois légendes, Wayne Gretzky, Sidney Crosby et Mike Modano pour le plus de buts en séries éliminatoires avant 21 ans, avec neuf.

S’il ne marque pas en prolongation dans le sixième match contre les Maple Leafs de Toronto, qui sait si Marc Bergevin, Dominique Ducharme et compagnie sont encore en poste ?

Il y a cinq ans, les Hurricanes avaient aussi pris le pari avec un choix de première ronde, cette fois des Blackhawks de Chicago.

Coincé par le plafond salarial, Stan Bowman cherchait à larguer le contrat de Bryan Bickell et n’était pas satisfait de la progression du jeune Teuvo Teravainen. À 21 ans, à sa deuxième saison dans les rangs professionnels, il avait obtenu seulement 35 points en 78 matchs.

Le prédécesseur de Don Waddell chez les Hurricanes, Ron Francis, aujourd’hui à la tête du Kraken de Seattle, avait accepté de céder des choix de deuxième et troisième ronde en plus d’alourdir sa masse salariale pour obtenir Teravainen.

Après une première saison de 42 points en Caroline, le Finlandais a amassé 218 points en 253 matchs depuis son acquisition en 2016…

PHOTO NATHAN DENETTE, LA PRESSE CANADIENNE

Teuvo Teravainen

Teravainen n’est pas le seul à avoir explosé après 21 ans. Jonathan Huberdeau, Mark Scheifele, Mikko Rantanen, Mika Zibanejad, Blake Wheeler, Tomas Hertl constituent d’autres exemples parmi une liste exhaustive au fil des années.

Une majorité de fans du Canadien semble favorables au départ de Kotkaniemi. On a souvent la mémoire courte. John LeClair a quitté pour Philadelphie dans l’indifférence générale en 1994. À 24 ans, presque 25, il n’avait jamais atteint la marque des 20 buts par saison à Montréal. Il a connu trois saisons de plus de 50 buts avec les Flyers.

Idem pour Ryan McDonagh, qui au moment de passer aux Rangers dans la transaction pour Scott Gomez, complétait sa deuxième saison, modeste, à l’Université du Wisconsin. On a commencé à le regretter au moment où il est devenu le capitaine des Rangers de New York. McDonagh a d’ailleurs atteint la LNH à… 21 ans.

Et à cet âge, Max Pacioretty était encore ballotté entre la Ligue américaine et la Ligue nationale. Ce choix de première ronde s’est finalement établi pour de bon à Montréal à l’aube de ses 23 ans, après avoir marqué seulement 20 buts à ses 123 premiers matchs dans la LNH.

À 21 ans, on l’aurait expulsé de Montréal pour pas grand-chose, comme on aurait chassé Carey Price de la métropole à 22 ans après une autre saison décevante en début de carrière…

Christian Dvorak en renfort

Marc Bergevin a comblé un vide ce week-end en faisant l'acquisition du centre de 25 ans Christian Dvorak, des Coyotes de l’Arizona.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Christian Dvorak


Le nouveau joueur du CH demeure un attaquant de qualité, le plus utilisé en Arizona l’an dernier à raison de 18 minutes par rencontre.

Dvorak a amassé en moyenne 45 points par année ces deux dernières saisons au prorata d’un calendrier de 82 matchs. C’est un joueur très intelligent, toujours bien positionné, responsable défensivement, compétitif, capable de marquer des buts opportuns… en bref, un Phillip Danault avec un meilleur instinct de marqueur.

Le DG du Canadien était cependant en position de faiblesse pour négocier. Son homologue des Coyotes, Bill Armstrong, savait très bien que Montréal cherchait désespérément un joueur de centre à la suite du coup fourré des Hurricanes.

Le CH n’a donc pas offert le premier choix des Hurricanes obtenu pour Kotkaniemi, mais le meilleur des deux choix de première ronde entre le sien et celui de Hurricanes obtenu en compensation pour la perte de « KK », en plus d’un choix de deuxième ronde en 2024.

Si le Canadien ou les Hurricanes ratent les séries, sans néanmoins croupir dans les bas-fonds du classement, les Coyotes pourraient repêcher entre le 11e et le 16e rang avec ce choix.

Par contre, si Montréal ou la Caroline s’écroulent et repêchent parmi les dix premiers en raison d’une saison catastrophique, les Coyotes obtiendront le choix le moins favorable parmi les deux. Il faudrait idéalement une excellente saison de la part des Hurricanes et du Canadien pour que l’offre fasse moins mal…

Une offre qualificative coûteuse

On y a peu fait référence ces dernières jours, mais le coup d’épée dans l’eau du Canadien le 1er juillet 2019, cette offre qualificative à l’endroit du meilleur centre des Hurricanes, Sebastian Aho, a explosé au visage du CH.

Sans cette tentative agressive avortée pour priver les Hurricanes de leur jeune vedette il y a deux ans, les Hurricanes ne cherchent pas à se venger et Jesperi Kotkaniemi signe sans doute un «contrat pont» de deux ans, moyennant deux ou trois millions par saison, et Marc Bergevin se résout peut-être à céder son choix de première ronde, ou un espoir, pour acquérir Dvorak.

Le Canadien demeure ainsi encore fort au centre. Dvorak remplace Danault et on se donne encore deux saisons pour permettre au jeune Suzuki de s’épanouir.

Soyons lucides. Le Canadien a perdu Jesperi Kotkaniemi pour un choix de fin de première ronde (à moins d’un écroulement surprenant des Hurricanes) et un choix de troisième tour. Point final.

Un joueur repêché en fin de première ronde a environ une chance sur quatre de devenir dominant dans la LNH. Oubliez la poudre aux yeux.

Marc Bergevin a évoqué deux noms pour combler le vide laissé par Kotkaniemi, ceux de Jake Evans et Ryan Poehling.

Evans a montré une belle efficacité en fin de saison et en séries. Mais il a déjà 25 ans, il possède un potentiel offensif limité et il a été fragilisé par quelques sérieuses commotions cérébrales.

Poehling, repêché en fin de première ronde par le Canadien en 2017, pourrait être le joueur clé. Il était porté aux nues il n’y a pas si longtemps après sa performance au Championnat mondial junior et son entrée fracassante dans la LNH.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Ryan Poehling

Sa première année chez les professionnels a été difficile. Il a relancé sa carrière l’an dernier à Laval et a amassé 21 points à ses 18 derniers matchs avec le Rocket. Comme les deux premiers centres de l’équipe ne font pas plus de 6 pieds, son gabarit de 6 pieds 2 pouces serait bienvenu.

C’est lui qui pourrait atténuer la perte de Kotkaniemi, pas Dvorak qui, lui, cherchera à atténuer celle de… Danault.

À lire

1- Qui est Christian Dvorak ? Guillaume Lefrançois répond à cette question.

2- Leylah Fernandez n'en finit plus de surprendre aux Internationaux des États-Unis. Katherine Harvey-Pinard fait le point.

3- Le Canada croit en ses chances de qualifications pour la Coupe du monde de soccer masculin en 2022, à la suite de matchs nuls contre le Honduras et les États-Unis. Un texte de Jean-François Téotonio.