Marc Bergevin a vraiment essayé fort. Même que lundi, à trois questions de suite, qui portaient toutes sur Jesperi Kotkaniemi, il a tenté de ramener le propos à Christian Dvorak, qu’il a pu acquérir grâce au choix de premier tour obtenu des Hurricanes de la Caroline en laissant filer Kotkaniemi.

Mais certains évènements sont destinés à être éclipsés. Aldous Huxley nous a légué Le meilleur des mondes, mais qui parlait de lui quand il s’est éteint, le 22 novembre 1963 ?

L’acquisition d’un centre américain, qui n’a jamais inscrit 20 buts ou 40 points en une saison, en provenance de l’Arizona de surcroît, allait forcément passer derrière le départ chaotique d’un troisième choix au total. Surtout quand Bergevin nous le décrit ainsi : « C’est un centre responsable. Il ne va pas te faire écarquiller les yeux. Mais il est porté sur les détails, il joue de façon honnête. »

Mais il faudra bien apprendre à connaître Dvorak, parce qu’au sein d’une équipe en manque d’expérience au centre, et avec un contrat encore valide pour quatre ans, il est appelé à occuper un rôle important au sein du Tricolore.

De bons mots

« C’est vraiment un gars professionnel, mais c’est aussi un des meilleurs gars avec qui j’ai joué », affirme au bout du fil le défenseur Jason Demers, qui a passé quatre saisons avec Dvorak.

« C’est vraiment un bon kid. Je suis content qu’il passe au Canadien. En Arizona, les amateurs ne nous voient pas autant, nos matchs ne sont pas souvent à la télévision nationale et les amateurs du Canada nous voient une fois par année. Mais Christian jouait toujours contre le premier trio adverse et il était capable de produire de l’attaque. Il est bon en avantage numérique et en désavantage. »

Sa description ressemble à celle que nous a faite Derick Brassard, membre des Coyotes la saison dernière. « Il joue de la bonne façon, bon sur les mises en jeu, a écrit Brassard dans un échange de messages textes avec La Presse. Il joue en avantage numérique et en désavantage. Bon gabarit et un très bon coéquipier. Il se présente tous les soirs. »

La saison dernière, Dvorak occupait carrément le rôle de premier centre chez les Coyotes. Il était l’attaquant le plus utilisé, toutes situations confondues (18 min 24 s par match), il jouait au sein de la première unité de l’avantage numérique (2 min 51 s par match) et il venait au troisième rang des attaquants de son équipe pour l’utilisation en désavantage numérique (1 min 56 s par match).

Dans les circonstances, on peut donc se demander pourquoi une équipe chercherait à se départir d’un joueur de 25 ans, qui occupe un rôle aussi important, à un salaire raisonnable – dans les barèmes de la LNH – de 4,45 millions de dollars pour les quatre prochaines saisons.

« Je pense que l’Arizona veut ramasser des choix au repêchage et reconstruire, répond Demers, lui-même laissé en plan par les Coyotes au terme de la dernière saison. Je pense que c’est un bon deal pour le Canadien, même si tu perds des choix. »

Plus offensif que Danault

Le départ de Phillip Danault a laissé un gros trou dans la formation, mais Dvorak a visiblement les qualités pour s’acquitter des mêmes responsabilités. D’ailleurs, la saison dernière, il a terminé au troisième rang dans la LNH pour les mises en jeu prises en zone défensive (449), soit 19 de plus que Danault, qui a fini cinquième.

Le jeu des comparaisons est ici intéressant. Parce qu’il compte déjà 302 matchs d’expérience dans la LNH, on a l’impression que Dvorak est un « produit fini », ce qu’il est peut-être, remarquez. Lui-même se voit encore en progression, par contre.

« Je crois que je peux encore en donner plus offensivement, a répondu Dvorak, en visioconférence lundi. Je peux marquer plus. Mais je suis un centre bon dans les trois zones. Je veux rester responsable défensivement, gagner des mises en jeu et jouer dans toutes les situations. »

Il arrive à Montréal à 25 ans, et on constate que statistiquement, il n’a rien à envier à Danault au même point de sa carrière.

Christian Dvorak dans la LNH

67 buts, 79 aides, 146 points en 302 matchs

Temps d’utilisation : 16 min 31 s par match

Taux de succès aux mises en jeu : 51,5 %

Moyennes sur 82 matchs : 18 buts, 21 aides, 39 points

Aucun vote pour le trophée Selke

Phillip Danault dans la LNH, à 25 ans

25 buts, 50 aides, 75 points en 187 matchs

Temps d’utilisation : 15 min 2 s par match

Taux de succès aux mises en jeu : 50,9 %

Moyennes sur 82 matchs : 11 buts, 22 aides, 33 points

Aucun vote pour le trophée Selke

« Je connais bien Phil, c’est un bon joueur. Il est vraiment défensif et il n’a pas scoré tant que ça, mais Dvorak est capable de marquer, souligne Demers. Il sera peut-être moins défensif, mais il peut aider offensivement. Pour gagner, il faut marquer des buts. »

Le Canadien met donc la main sur un joueur qui pourrait occuper un rôle similaire à celui de Danault, mais qui le fera à 1 million de dollars de moins, annuellement, sous le plafond salarial, et qui est plus jeune de trois ans.

Reste toutefois à voir s’il le fera avec une efficacité qui lui vaudra lui aussi des votes pour le trophée Selke. Danault a terminé 6e ou 7e au scrutin dans les trois dernières saisons.

L’autre enjeu sera de voir comment se portera la ligne de centre du Canadien en général, car malgré les changements des derniers jours, Jake Evans demeure sur papier le centre du troisième trio, rôle qu’il n’a jamais occupé régulièrement dans la LNH.

En bref 

Un tireur d’élite

Même si ses statistiques sont modestes, Dvorak est généralement considéré comme un tireur talentueux. N’oublions pas que ses 17 buts, lors de la courte saison 2021, se traduisent par une récolte de 25 buts sur une campagne de 82 matchs. Jason Demers est resté marqué par son tir. « Ici, on appelait ça le scoop shot. Je ne sais pas comment il le fait. C’est vraiment trompeur. Il marque des buts sur des jeux où tu penses qu’il n’a aucune chance. » Dvorak avait d’ailleurs trompé Carey Price avec son tir, en 2017 (voir lien ci-dessous). L’Américain a aussi connu du succès en tirs de barrage, avec six buts en sept tentatives lors des deux dernières saisons. « Il va leur gagner plusieurs matchs en fusillade ! a lancé Demers. Mais je ne peux pas révéler son secret, il va être fâché contre moi si je le fais ! »

Regardez le tir de Christian Dvorak contre Carey Price en 2017