Les grands moments ont été nombreux dans le tennis canadien au cours des dernières années. Eugenie Bouchard a atteint la finale de Wimbledon en 2014 et Milos Raonic, en 2016. Bianca Andreescu a remporté les Internationaux des États-Unis en 2019.

Le Québec en ajoute un de plus. À respectivement 21 ans et 19 ans, Félix Auger-Aliassime et Leylah Fernandez défoncent les barrières. Les voilà qualifiés pour les quarts de finale du même Grand Chelem.

« C’est formidable. Ça met en lumière et en perspective tout le travail qui s’est fait dans les 20 dernières années [par Tennis Canada] », a laissé entendre le vice-président de la fédération canadienne, Eugène Lapierre, lorsque La Presse l’a joint par téléphone, lundi.

Ce travail, c’est le pari pris par Tennis Canada de mettre ses « œufs dans le panier de l’élite » en ouvrant les portes d’un premier Centre national en 2007 et en allant chercher une expertise internationale – Louis Borfiga, entre autres.

« C’était assez risqué, mais ç’a fonctionné assez tôt dans l’histoire, avec des Milos Raonic, Eugenie [Bouchard], Vasek [Pospisil] et les autres qui ont suivi par la suite. Là, on en reçoit les dividendes un peu. Oui, ça met en lumière tout ce développement-là et un changement de mentalité du côté du tennis canadien. On n’avait pas l’impression que c’était accessible avant, il y a quelques années. Et là, ça le devient, et c’est formidable. »

« Nos athlètes n’ont plus de complexe, pas seulement les Québécois », a-t-il ajouté.

Fernandez surprend tout le monde

Fernandez est sans doute la plus grande surprise de ce tournoi. Après avoir vécu une déception à la maison au premier tour de l’Omnium Banque Nationale, au début du mois d’août, la jeune athlète est arrivée à New York avec une détermination à tout casser.

Elle a vaincu la Croate Ana Konjuh et l’Estonienne Kaia Kanepi aux deux premiers tours, avant de surprendre – et le mot est faible – la troisième raquette mondiale, la Japonaise Naomi Osaka, en trois manches au troisième tour. Elle a fait le même coup à l’Allemande Angelique Kerber en huitièmes de finale, sous les yeux fascinés de la foule new-yorkaise, qui n’avait d’applaudissements que pour elle.

La jeune femme, qui était 73e mondiale avant le début du tournoi, fera un bond au classement et se faufilera parmi les 50 premières avec cette victoire.

« Incroyable… Incroyable, a soufflé Eugène Lapierre au sujet de la jeune sensation. […] Une petite joueuse comme ça, on s’attendrait à ce qu’elle remette la balle en jeu jusqu’à tant que l’autre manque. Eh bien non, ce n’est pas ce qui se passe avec elle. Elle veut ouvrir le jeu, elle cherche chacune des occasions d’ouvrir le point, de prendre des risques. Et ça fonctionne. »

« Il y a eu un déclic, forcément, a-t-il poursuivi. Le fait de jouer sans pression aussi, parce qu’on l’a vue à Montréal, arriver devant les siens avec énormément de pression. Là, tout à coup, elle s’en vient à New York où elle n’est pas du tout sur le radar et elle joue librement. Elle se laisse aller. »

Elle se mesurera ce mardi (vers 14 h) à l’Ukrainienne Elina Svitolina, qui a notamment évincé la Roumaine Simona Halep en deux manches en huitièmes de finale.

« Tout ce que je souhaite, c’est que Leylah puisse rentrer et trouver son rythme dans cette rencontre-là, a laissé entendre Eugène Lapierre. À ce moment-là, je pense qu’elle peut tirer son épingle du jeu assez bien. Les chances sont peut-être 50-50 présentement. »

J’aurais tendance à penser que Leylah, à cause du fait qu’elle est inconnue de son adversaire, se trouve à avoir une petite chance.

Eugène Lapierre, vice-président de Tennis Canada

La Lavalloise devrait d’ailleurs avoir le public derrière elle encore cette fois-ci. Il faut dire qu’elle a le sens du spectacle : chaque fois qu’elle remportait un point contre Kerber, dimanche, elle levait le bras dans les airs en souriant à la foule.

« Ce que j’aime voir, ce que le monde du tennis en entier aime voir, c’est de faire tout ça avec le sourire et de voir que le sport est amusant quand il est bien joué, quand c’est un beau spectacle. Elle met l’accent là-dessus », a dit Eugène Lapierre.

Une nouvelle attitude

Quant à Félix Auger-Aliassime, 15e au monde avant le début du tournoi, c’est la deuxième fois en deux mois qu’il atteint les quarts de finale d’un Grand Chelem. Il s’était incliné devant l’Italien Matteo Berrettini à Wimbledon.

PHOTO ED JONES, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Félix Auger-Aliassime

À New York, il a eu le dessus sur le Russe Evgeny Donskoy et l’Espagnol Bernabé Zapata Miralles aux deux premiers tours, avant de disposer de l’Espagnol Roberto Bautista-Agut dans un duel qui s’est étiré sur près de quatre heures.

Auger-Aliassime a ensuite triomphé de l’Américain Frances Tiafoe en huitièmes de finale, devant un public qui ne lui était évidemment pas acquis. En l’emportant, il est devenu le plus jeune joueur à atteindre les quarts de finale de deux Grands Chelems consécutifs depuis l’Argentin Juan Martín del Potro en 2008-2009.

Il devra maintenant affronter ce mardi (vers 20 h 15) un jeune Espagnol, Carlos Alcaraz, qui surprend grandement depuis le début du tournoi. À 18 ans, Alcaraz a évincé la troisième raquette mondiale, le Grec Stéfanos Tsitsipás, au troisième tour.

« Ça va être solide, ça, a évoqué Eugène Lapierre. Mais quand même, je pense que c’est avantage Félix. J’ai comme vu un changement dans son attitude, dans sa façon d’aborder les matchs importants. Il a l’air d’avoir une confiance, de sortir les bons points aux bons moments. Il l’a fait toute la soirée dimanche. »

Il aurait dû gagner plus facilement contre Tiafoe.

Eugène Lapierre, vice-président de Tennis Canada

« On verra comment ça va se passer contre Alcaraz, qui lui n’a absolument rien à perdre. Il n’aura pas de pression, il est sur une lancée et il n’a pas froid aux yeux », a-t-il ajouté.

À ce point-ci, tout est possible. Tant pour Fernandez que pour Auger-Aliassime.